Au firmament de débats houleux autour du film Joker de Todd Phillips, les habitants de la petite ville d'Aurora, dans le Colorado, ont pris la plume. Dans une lettre ouverte détaillée par le Hollywood Reporter, les familles de victimes de la tuerie du 20 juillet 2012 ont exposé leur point de vue et leurs inquiétudes aux pontes de Warner Bros., au sujet de l'incitation implicite ou du danger potentiel que représenterait la nouvelle adaptation du clown de Gotham City, exposé à des spectateurs potentiellement déséquilibrés dans un pays où le débat du port d'armes n'est, pour le moment, toujours pas engagé.
Au moment de la sortie de Dark Knight Rises, le tueur James Holmes, pendant une projection au cinéma Century Aurora, avait assassiné douze personnes à l'arme à feu, et blessé par balles soixante-dix autres. La salle, en partie reconstruite depuis, a expliqué que le film Joker n'y serait pas projeté en mémoire des victimes.
Cinq familles se sont associées pour adresser une missive à Warner Bros., incitant le studio à accompagner le film d'une mire renseignant les spectateurs sur le risque des troubles mentaux, et incitant au suivi psychiatrique les éventuels concernés. De plus, par l'intermédiaire de leur porte-parole, Sandy Phillips, celles-ci demandent à Warner de ne plus soutenir financièrement les politiciens ou candidats aux prochaines élections soutenant, dans leur programme, le droit au port d'arme, ceux qui participent aux rassemblements organisés par la NRA. La lettre incite le studio et ses filiales à utiliser leur influence pour inciter au vote contre la libre circulation des armes et le Second Amendement aux Etats-Unis, et, enfin, qu'une partie des sommes engrangées par Joker aillent à un fond de soutien pour aider les victimes de ce type de fusillades, hélas très fréquentes aux Etats-Unis.
De son côté, Tom Sullivan, dont le fils Alex fait lui-aussi des partie des victimes de James Holmes, estime que le film ne représente pas de danger réel, ni d'inciter au "passage à l'acte". Cela étant, Sullivan était également invité, très récemment, à présenter le candidat du parti démocrate, Beto O'Rourke, en visite à Aurora, pour détailler son plan de lutte contre le Second Amendement et le droit au port d'armes. Différents témoignages de victimes accompagnent la lettre, détaillant les nombreux cas de stress post-traumatique ou de crises d'angoisse de certaines victimes devant les images de promotion de Joker. Aucune des familles ne réclame cependant l'interdiction du film, expliquant simplement qu'ils n'iront pas le voir pour la plupart d'entre eux.
Le Hollywood Reporter joint à son article une déclaration du chef de la police d'Aurora, Daniel Oates, qui aura plusieurs fois contredit l'idée selon laquelle James Holmes s'identifiait au Joker, précisant qu'aucune donnée officielle ne permet de vérifier cette affirmation. Dans l'ensemble, les demandes des familles passent pour très raisonnables, en particulier après un été chargé en termes de vies humaines sacrifiées sur l'autel du port d'arme et dans un contexte où la présidence ne semble pas prête à renoncer au soutien des lobbys. Une occasion de rappeler que les possesseurs d'armes à feu, selon une étude réalisée par le New York Times, se déclaraient en faveur de Donald Trump à 63% au cours des dernières élections présidentielles.
On se souvient au passage que l'une des autorités centrales de
Marvel,
Ike Perlmutter, fait partie
des principaux donateurs et soutiens du président Trump dans sa quête de réélection - à se demander s'il n'y a pas tort partagé sur le plan du réel entre les deux grands pourvoyeurs de super-héros au cinéma.