Si l'on pensait que le feuilleton Snyder Cut de Justice League s'était assoupi, malgré le militantisme toujours présent parmi les fans impliqués dans le "mouvement", la célébration des deux ans de sortie du film et la recrudescence du hashtag #ReleasetheSnyderCut agite très fortement les colonnes des médias américains.
Au fil des dix jours passés, les rédactions d'influence telles que le Hollywood Reporter et Variety auront une nouvelle fois fait jouer leurs sources internes, en possession d'une bonne connaissance supposée du projet, pour expliquer que Warner Bros. n'avait toujours aucune intention de sortir la Snyder Cut de Justice League. Beaucoup de fans voyaient en effet dans des interactions virtuelles (suivi, likes) sur les réseaux sociaux différents indices d'une annonce à venir, concernant la possibilité d'une sortie du film sur HBO Max ou d'une nouvelle période d'exploitation en salles - tandis que les médias précédemment nommés affirment le contraire.
À noter que le Reporter ou Variety ne remettent plus en doute, désormais, l'existence de cette Snyder Cut - évoquant un montage qui serait finalement regardable dans l'ensemble, avec quelques scènes manquantes n'ayant pas été achevées par les studios d'effets spéciaux, et qui ne nécessiterait "que" quelques dizaines de millions de dollars pour en faire un produit viable. Malgré tout, Warner Bros. n'aurait techniquement ou financièrement pas grand intérêt à vouloir sortir le film aujourd'hui. Les lignes ne semblent pas vouloir bouger, dans les bureaux d'un studio dont la stratégie de négation exaspère les fans convaincus - et pas que.
Le journalise Mark Hughes de la sérieuse rédaction de Forbes, autre média d'influence dans les sphères hollywoodiennes, scande un autre couplet de son côté. Le journaliste, enquêteur de routine sur les dossiers brûlants de Warner Bros. en particulier (il aura fait partie des premiers à annoncer le départ de Ben Affleck du rôle de Batman, bien avant l'officialisation de la chose), prend la parole dans une longue lettre ouverte adressée aux studios, réclamant une sortie de la Snyder Cut de Justice League dans les plus brefs délais. En se défendant au passage de tout opportunisme éditorial.
Plutôt intéressant, le texte revient sur l'ensemble de son parcours personnel et professionnel vis-à-vis de cette épineuse affaire, expliquant n'avoir pas cru à l'existence de cette version du film au départ, et reconnaissant aujourd'hui l'urgence de réparer cette erreur. A la différence d'autres rédacteurs bien informés, Hughes explique que, selon lui, le film est bel et bien déjà terminé et prêt à l'emploi.
"Premièrement, soyons clair à propos d'une chose : oui, il y a une Snyder Cut qui existe sous une forme presque complète. Oui, plusieurs personnes ont vu la Snyder Cut. Oui, il y a eu plusieurs versions montées du film, dont un assemblage précoce, mais Snyder et ses équipes ont continué de travailler sur le film et ont créé une version plus complète. Et oui, certains des fans qui veulent voir la Snyder Cut ont eu un mauvais comportement, mais c'est un autre sujet qui n'a pas de rapport avec l'existence ou non de la Snyder Cut et si elle devrait être mise en vente, et personne ne devrait s'opposer à la sortie de la vision de Snyder en raison du comportement de certains fans.
Il est aussi pertinent de noter qu'il y a en effet eu une campagne soutenue pour convaincre tout le monde qu'il n'existe pas de Snyder Cut, avec des personnes qui ont disséminé intentionnellement de fausses informations pour tromper la presse et le public, alors que d'autres ont diffusé de fausses info' parce qu'ils ont été trompés par leurs chefs ou leurs sources et qu'ils n'avaient pas d'autres preuves pour qu'on les convainque du contraire.
Je ne suis pas certain de ce qui pousse certains médias et journalistes à continuer de nier l'existence de la Snyder Cut alors qu'il y a eu beaucoup de confirmations, ni pourquoi certains insistent sur le fait qu'il faudrait des dizaines de millions de dollars pour compléter la version de Snyder (il ne les faudrait pas, et ces affirmations semblent basées sur les médias/journalistes qui croient faussement que seul l'assemblage précoce existe). Si Warner pourrait en effet dépenser quelque somme supplémentaire pour fignoler quelques éléments, la version de Snyder pourrait sortir telle quelle sans coût supplémentaire, et les spectateurs auraient droit à un film entier complet à plus de 90%, sur les effets spéciaux et le son.[...] Voici la réalité : la Snyder Cut existe. Et il y a une autre réalité qu'il faut bien vous mettre dans la tête : au final, et inévitablement, elle va sortir, la seule question étant quand et où.
Je dis tout ça en tant que personne qui au départ ne pensait pas qu'une Snyder Cut quasi-complète existait, puisque depuis les premiers jours de cette affaire je croyais des sources qui me disaient qu'il n'y avait qu'un assemblage précoce, que Snyder n'avait pas continué la production dans l'intervalle de temps en amont de son départ. A ce moment, il n'y avait pas d'information fuitée ou d'images qui laissent supposer qu'un cut plus long et plus complet existait (autre que l'assemblage en question), et il n'y avait presque personne qui a travaillé sur le film qui prenait la parole publiquement. La majorité du mouvement Release the Snyder Cut était ancré dans des croyances et des suppositions, qui étaient à cette époque en contradiction avec les preuves qui nous étaient apportées depuis les coulisses pour la presse.
Mais même à ce moment mon propre scepticisme sur l'existence d'une Snyder Cut était cadré par le contexte de mes propres croyances : qu'il y avait bien un cut plus long existant, mais qu'il n'était complet qu'à 75-80%. Je pensais qu'il y avait besoin de bien plus d'effets spéciaux et de mixage sonore, et qu'il n'y avait pas eu de reshoots ou de modifications tournées avant le départ de Snyder. C'était ce que je répondais aux fans qui affirmaient qu'il existait un cut fini à 90 voire 99%, ce que je pensais - en me basant sur les preuves qu'on m'avait montrées et le manque de preuves à l'égard du contraire - être faux.
J'en ai vu et entendu bien plus sur l'année passée, avec des images et des séquences nouvelles, des sources qui m'ont apporté plus d'informations sur ce qu'il s'est passé, une timeline plus précise de la production de Justice League, et des révélations de la part de personnes du studio qui ont été trompées sur la véritable nature de la Snyder Cut [...]. En conséquence, ma compréhension de la situation et ma position ont changé, ce que j'ai commencé à dire publiquement il y a quelques mois.
J'admets donc avoir été dans le faux quand je disais qu'il n'existait pas de vraie Snyder Cut complète, ou dans une forme quasi-complète. Plus important, je suis content d'avoir eu tort, puisque ça signifie qu'il y a une vraie Snyder Cut que l'on peut voir (et je pense vraiment que tout le monde la verra un jour, ce n'est qu'une question de temps)."
Plus loin, le bonhomme invite de potentiels détracteurs à vérifier ses nombreux écrits sur Zack Snyder et sa filmographie, pour affirmer de sa conviction et de son honnêteté intellectuelle. Il explique ensuite pourquoi, selon lui, l'accueil de cette version "originale" ne représenterait pas de réel risque pour le studio - attendu que le film n'aurait plus aujourd'hui de réel impact sur le futur de ses plans pour DC Films. Ce qui est faux, bien entendu - compte tenu de la persistance et de la résilience des fans de Zack Snyder ces quelques dernières années, on imagine mal que ce public cible s'arrête en si bon chemin ou ne réclame pas ensuite la fameuse Justice League Part 2 prévue au départ, ou ne soit pas encore plus critique des décisions de Warner Bros. vis-à-vis des sorties récentes, déconnectées des plans initiaux fomentés par le cinéaste. Le premier film Justice League se serait vraisemblablement achevé sur une fin ouverte, annonçant un Darkseid, qui, de fait, a désormais changé de crèmerie. Combien regretteront la mort de l'univers partagé, après avoir goûté à ce qui aurait pu avoir lieu ?
Hughes explique également que proposer cette version sur HBO Max permettrait de financer à bas pris une exclusivité d'importance pour la plateforme, et la garantie de fans fidèles au rendez-vous. Un discours intéressant dans ce qu'il raconte du long feuilleton médiatique autour de cet étrange cas d'ingérence refusé par une poignée de fans particulièrement sonores. Plutôt inédite, la prise de position de Forbes vient ainsi briser la dynamique d'ensemble des médias spécialisés, qui ont pour habitude de faire front commun dans ce type d'état des lieux ou de rapports internes de studios. Si tout le monde annonce que la Snyder Cut n'est pas finie, et coûterait trop cher à terminer, Mark Hughes contredit le paragraphe de Variety sur le sujet - un état de distension qui quitte donc les mêlées de fans sur Twitter ou dans les forums pour monter d'un étage. Reste à voir qui, dans tout ce brouhaha, a raison ou tort.
There’s nothing in it worth thinking about.
— Mark Hughes (@markhughesfilms) November 26, 2019
It’s mostly just a rehash of info we’ve already heard (falsely promoted as “exclusive” in typical Variety fashion, of course) + the same old bogus claims a/b Snyder’s work being less complete than it was. Color me unimpressed.
Pour ceux qui militent maintenant depuis une petite paire d'années, l'espoir est peut-être de retour - à moins qu'il n'ait jamais disparu, et que la vérité ait été enfouie sous la même absence de bon sens qui aura conduit Warner Bros. à virer un Zack Snyder en deuil après la mort de sa fille, pour espérer reproduire le succès d'Avengers en engageant l'antithétique Joss Whedon à la mise en scène. Dans le cas où les fans auraient eu raison depuis le départ, dans le cas où les studios DC Films avaient en stock une version montée et achevée de la Justice League telle qu'elle était prévue au départ par le réalisateur initial du projet, sans avoir jamais voulu proposer une version longue ou "alternative" en blu-ray comme cela a pu être le cas sur Batman V Superman, la parenthèse du "DCEU" irait se percher assez haut dans les projets les plus catastrophiques et abjects de l'histoire du cinéma de franchise, en ayant aligné trois ingérences calamiteuses sur trois films d'affilée pour descendre chaque fois plus bas dans l'échelle de la qualité et des résultats financiers.
Pour l'image de marque du studio, il serait presque préférable que les pontes aient jeté à la poubelle la version originale, plutôt que d'affronter le ridicule d'avoir gardé sous clé un film qui leur aurait évité un accueil critique glacial et des dizaines de millions de dollars de perte, en plus d'avoir sabordé tout un univers partagé en construction. Pour les fans qui attendent de pied ferme, espérons que Warner Bros. soit prêt à encaisser le retour de bâton.
