Depuis quelques jours, vous avez certainement eu le temps d'apprendre par cœur la définition légale du concept des "droits de douane", à force d'entendre cette exacte suite de mots dans les médias, les conversations, en faisant la queue pour aller acheter le pain, etc. Récemment, la présidence des Etats-Unis annonçait la mise en place de mesures protectionnistes pour imposer les produits des importations étrangères sur son territoire. Ce qui signifie grosso modo que, dorénavant, pour passer la frontière du pays, les entreprises qui commercent avec cette lointaine nation devront s'acquitter de frais supplémentaires. Les réactions internationales (politiques ou boursières) ne se sont pas faites attendre : on parle de risque de récession, de négociations, de refroidissement de certaines relations géopolitiques... on parle aussi de taxer des pingouins, ce qui est un peu plus rigolo. Mais bref, vous aurez compris le tableau : ça coince.
Et Thunderbolts* alors ?
Dans le vaste océan des conséquences engendrées par cette décision de l'administration Trump, le film Thunderbolts* de Marvel Studios se retrouve pris dans une situation inattendue. Actuellement, la campagne publicitaire de cette nouvelle production Kevin Feige bat son plein : bandes-annonces, posters, aperçus de toutes sortes... l'effort se déploie à l'international pour les différents marchés du cinéma qui s'apprêtent à accueillir le long-métrage de Jake Schreier. Et ceci comprend bien sûr le marché chinois.
L'Empire du Milieu a effectivement rouvert la porte aux productions développées depuis les Etats-Unis au sortir d'une période d'isolation (
pendant la présidence de Joe Biden) et les films de
Marvel Studios avaient pu retrouver le chemin des salles locales récemment. En l'occurrence,
Thunderbolts* devait même sortir sur place le 30 avril 2025, comme en France, et les équipes asiatiques œuvrent actuellement pour sa promotion dans le pays. Sauf que.
Sauf que, un journaliste chinois (qui revendique un lien net avec le parti au pouvoir) était justement de passage sur les ondes de la chaîne BBC 4 en ce début de semaine. Celui-ci était venu présenter les mesures punitives envisagées par le régime local pour répondre à l'augmentation des droits de douane appliquée par Donald Trump. La liste en question comprend se compose de différentes taxations sur les produits des Etats-Unis, mais aussi, une nouvelle interdiction à l'entrée du territoire pour les productions américaines. Autrement dit, la Chine pourrait une fois encore enclencher le levier culturel pour matérialiser cette nouvelle mésentente diplomatique, une habitude du Parti Communiste Chinois depuis de longues années.
Dans la mesure où les fameux "tarifs" ont été annoncés récemment, Pékin devrait réagir probablement réagir rapidement si Donald Trump met ses menaces à exécution... or, si le président des Etats-Unis assure qu'il ne reviendra pas en arrière sur l'augmentation des frais de douane en règle générale, on sait de toutes façons que sur le versant de la politique étrangère, celui-ci considère officiellement la Chine comme un rival. Voire un ennemi. Et que son retour au pouvoir ne serait pas bon signe pour les exportations de produits culturels sur place. En d'autres termes, le cinéma américain va sans doute devoir se passer une fois encore du marché chinois, sauf si les deux interlocuteurs parviennent à se mettre d'accord sur d'éventuelles futures négociations.
A noter toutefois que les spectateurs de l'Empire du Milieu ne représentent plus exactement la même part des entrées qu'à la grande période de séduction entamée par Hollywood pour conquérir ce lointain foyer économique. L'an dernier, les films produits aux Etats-Unis étaient parvenus à générer 585 millions de dollars en Chine, soit seulement 3,5% des 17,7 milliards de chiffre d'affaire pour l'ensemble du cinéma à l'échelle du pays. Depuis le début des années 2010, les productions locales sont devenues plus nombreuses, plus importantes, et l'appétit des spectateurs chinois pour les blockbusters américains s'est considérablement amoindri au fil des années. Forcément : en étant privés de ces films pendant plusieurs années, les consommateurs n'ont pas eu l'occasion de rentrer dans cette mécanique de dépendance culturelle.
Reste que cette potentielle fermeture pourrait représenter un risque sérieux pour Hollywood. Depuis que les studios ont décidé de trahir collectivement le modèle de diffusion traditionnel dans les salles, quitte à se couper de leur principal gagne pain au profit des nouveaux modèles que représentaient alors les plateformes de streaming, la place du cinéma comme média dominant a été largement écornée et le public devient de plus en plus difficile à saisir. On a pu s'en apercevoir ces quelques derniers mois, avec l'échec de films tels que Joker : Folie à Deux, Captain America : Brave New World ou Blanche Neige, des produits sur lesquels les grands studios comptaient particulièrement pour leurs bilans annuels. En somme, devoir renoncer au public chinois dans la foulée ne serait pas forcément une très bonne nouvelle pour les sociétés de production américaines.
Thunderbolts* est toujours prévu pour le 30 avril 2025 en France et en Chine, jusqu'à nouvel ordre (mondial ?).