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Pourquoi Roy Thomas revendique le statut de co-créateur de Wolverine, au détriment de Len Wein et Herb Trimpe

Pourquoi Roy Thomas revendique le statut de co-créateur de Wolverine, au détriment de Len Wein et Herb Trimpe

NewsMarvel

Dans l'histoire des comics, l'attribution de paternité pour la création d'un personnage a souvent été motif de discorde. Certains artistes ont dû attendre plusieurs générations avant de voir leur nom placardés au sommet de l'affiche, comme dans le cas de Bill Finger, cocréateur de Batman et de plusieurs super-vilains de Gotham City. D'autres ont été radiés du processus, à l'image du regretté Gary Friedrich, qui a dû défendre son cas devant les tribunaux américains pour faire reconnaître son rôle dans la création du personnage de Ghost Rider. Ces différentes situations ont amorcé une prise de conscience générale sur l'attribution du statut d'auteur officiel à l'échelle de toute l'industrie. Mais, il arrive encore que certaines situations surprennent.

Comme dans le cas de figure présent

Pour le personnage de Wolverine, l'affaire semblait entendue. En 1974, Len Wein et Herb Trimpe sont aux commandes de la série The Incredible Hulk, éditée par Roy Thomas, sur un encrage de Jack Abel et une mise en couleurs de Christie Scheele. Le numéro Incredible Hulk #180 se termine par une bataille entre le Hulk et le Wendigo, lorsque soudain, un nouvel intervenant aux longues griffes apparaît sans crier gare. L'inconnu en question s'appelle Wolverine. La base de son costume classique est déjà là, et le personnage explique être équipé, dès cette première apparition, de son squelette en adamantium. En suivant la feuille de route traditionnelle des comics, la méthode naturelle, Wein et Trimpe seront alors considérés comme les deux créateurs officiels de Logan
 
Ceci étant, on admet toutefois que l'idée originale est bien une commande de Roy Thomas, qui aurait soufflé à l'équipe créative l'idée d'inventer ce super-héros "canadien", "de petite taille" et "doté d'un mauvais caractère" selon la version officielle. En outre, le design du costume aurait été réalisé par l'artiste John Romita en amont. Seulement, ce genre de tambouille éditoriale n'est pas une nouveauté pour l'industrie des comics. A cette période, les patrons endossaient généralement un rôle dans la création de chaque personnage, dans la mesure où le travail était organisé sous un angle collectif, formé de discussions, de suggestions et d'orientations programmées. Et jusqu'ici, Roy Thomas n'avait jamais revendiqué la paternité de Wolverine, bel et bien considéré comme une création originale de Len Wein et Herb Trimpe.
 

 
Cette situation a néanmoins évolué tout récemment. La rédaction de BleedingCool rapporte une curieuse affaire : aux dernières nouvelles, les bureaux de Marvel Entertainment auraient prévu de créditer Roy Thomas, Len Wein et Herb Trimpe pour la création de Wolverine au générique du film Deadpool & Wolverine. Autrement dit, l'équipe créative, oui... mais aussi, l'éditeur. La veuve de Len Wein, Christine Valada aurait reçu un coup de téléphone de la part de la compagnie pour l'informer de cette nouvelle... surprenante.
 
Voici ce que Bobbie Chase, ancienne éditrice au sein de la Maison des Idées, a déclaré sur les réseaux sociaux :
 
"Récemment, mon amie, Christine Valada, veuve du scénariste Len Wein, a reçu un appel de David Bogart, de chez Marvel. Celui-ci l'a informée que pour le film Wolverine & Deadpool (qui sortira en juillet), Roy Thomas sera désormais crédité en tant que cocréateur de Wolverine, en compagnie de Len Wein, Herb Trimpe et John Romita Sr.. David l'a mise devant le fait accompli. J'ai rendu visite à Christine dimanche dernier, et elle m'a parlé de cet appel. Bien sûr, ça l'a grandement préoccupée, compte tenu de l'héritage de Len. C'était tout de même un auteur essentiel de cette industrie, et cette décision participe à écorner sa légende, six ans après sa mort..."

Sur le papier, Len Wein n'a pas été dégagé de l'affiche... mais la situation se joue à une autre échelle. Pour faire court : la société de production Marvel Studios est connue pour être une compagnie particulièrement ingrate vis-à-vis des artistes de comics. Les créateurs des personnages vedettes sont rémunérés au lance-pierre, malgré leur importance dans les éléments empruntés à chaque adaptation. Et en dépit des différentes enquêtes de presse réalisées sur le sujet, la situation n'a toujours pas évolué de ce point de vue. Kevin Feige est comme cramponné à cette curieuse politique qui consiste à verser aux artistes un minimum ridicule de quelques milliers de dollars, pour des films qui rapportent plusieurs centaines de millions. Plus de détails sur le sujet à cette adresse.
 
En allant creuser un peu plus loin, la rédaction du Hollywood Reporter s'était aperçue que la situation allait même encore plus loin : à chaque film, plutôt que de prévoir un montant pour les différents créateurs listés au générique, Marvel Studios aurait plutôt l'habitude de prévoir une enveloppe unique... que les artistes devront ensuite se partager. Autrement dit, plus il existe de créateurs officiels... moins les sommes versées sont importantes entre les différents individus concernés. Grave, vous dites ? Le groupe Disney s'est arrangé avec sa conscience de ce point de vue. Et si la réalité des contrats reste encore suffisamment opaque pour éviter de devoir tirer la sonnette d'alarme, les détails qui ont pu être collectés sur le sujet auraient tendance à poser la question : les héritiers de Len Wein risquent-ils d'être floués économiquement si l'on ajoute un nouveau cocréateur à Wolverine dans le présent ?
 
Puisque, pour prendre une perspective plus globale, la situation évoquée plus haut ne s'applique pas à tout le monde avec la même intensité. Certains créateurs, qui ont les faveurs de Marvel Entertainment, reçoivent des sommes beaucoup plus importantes. Roy Thomas, de son côté, est plutôt considéré comme le chouchou de Marvel Studios. Devenu le nouvel avatar bienveillant du passé glorieux de Marvel Comics depuis la mort de Stan Lee, l'ex éditeur-en-chef est traité comme un cas à part. Mieux payé que les autres, selon le Hollywood Reporter, avec un agent capable de discuter directement avec les avocats du groupe Disney compte tenu de son statut particulier.
 
Et là-dessus, on aurait du mal à en vouloir à Roy Thomas ou à son équipe. C'est factuel : le scénariste a eu un impact considérable sur l'histoire de la Maison des Idées en reprenant les commandes après le départ de Stan Lee à la fin des années soixante, en guidant le navire dans la bonne direction, et en créant toute une batterie de nouvelles figures de l'héroïsme américain. La liste comprend des créations telles que la Vision, Iron Fist, Luke Cage, Carol Danvers, les Defenders, entre autres choses. 
 
Selon BleedingCool, l'agent de Roy Thomas, John Cimino, aurait poussé pour que son client obtienne officiellement un crédit de cocréateur sur Wolverine. En se basant sur la commande de l'époque : l'éditeur avait posé plusieurs idées, désormais associées pour de bon à ce personnage, au point de revendiquer un rôle plus officiel... ce qui lui assure, à lui, d'être rémunéré correctement. Mais pas nécessairement aux héritiers de Len Wein et Herb Trimpe. Et il est même probable que la part de Roy Thomas, qui s'approprie de fait l'invention du personnage, va même diminuer en conséquence. Un fait grave de révisionnisme avec des conséquences très concrètes. 
 
L'article source énumère différentes prises de parole pour faire un peu de tri dans cet historique, en reprenant point par point les détails du dossier. A commencer par le reste des propos de Bobbie Chase.
 
"Roy et son manager John Cimino ont soumis un article pour publication sur le site CBR, le 9 février 2019. Apparemment, il s'agissait au départ d'une note de blog de Cimino, qui datait de 2018, quelques mois après la mort de Len. Le papier s'intitule 'Weapon X-plained : le cocréateur de Wolverine révèle la vérité des origines de Logan'. Intéressant de se rendre compte que tout ceci intervient quatre ans après la mort de Herb Trimpe, deux ans après la mort de Len et trois mois après la mort de Stan. Dans l'article, il est dit que Roy aurait enfin 'découvert' la véritable histoire de la création de Wolverine, et affirme avoir cocréé le personnage. Comme Roy le dit dans cet article, il a effectivement suggéré son nom et a demandé à ce que celui-ci soit un Canadien. Au moment de la sortie de cet article, Christine ne s'est pas inquiétée. Parce qu'elle était en deuil.

Mais même si Roy a pu contribuer à la création de Wolverine... est-ce que le mérite lui revient pour autant ? Avoir fourni un nom et un pays d'origine, ça mérite le même pourcentage du copyright, de l'argent généré ? Alors qu'il faisait partie du personnel de l'entreprise ? Est-ce, dans ce cas là, le gars qui a engagé Roy Thomas pour devenir éditeur mérite aussi d'être considéré comme créateur de Wolverine ? D'ailleurs, Marvel reste le propriétaire du personnage. Comme c'est toujours le cas. Il leur appartient à 100%. Le crédit de cocréateur n'implique en aucun cas que les artistes conservent la propriété intellectuelle.

Or, au moment de la création de Wolverine en 1974, Roy Thomas était alors éditeur-en-chef de Marvel Comics. Un rôle que j'ai moi même occupé, autrefois, de manière moins significative. Roy n'était que le deuxième éditeur-en-chef de l'histoire de Marvel, après avoir succédé à Stan Lee. On pourrait donc se dire que c'est en sa qualité d'éditeur qu'il a suggéré à Len le nom de Wolverine, et qu'ensuite, Len a fourni les détails, l'attitude, les pouvoir, la façon de parler de Logan. De son côté, John Romita Sr a créé son look. Et mon vieux copain Herb Trimpe a donné vie à Wolverine, avec un langage corporel et des attributs physiques, à partir de Hulk #180.

Alors je ne suis pas en train de dire que Roy n'a pas eu un rôle à jouer dans la création de Wolverine, même si nous ne saurons jamais à quel point ça a été le cas. Surtout quand l'article de CBR a été publié un peu plus d'un an après la mort de Len. Si Roy était éditeur-en-chef, est-ce qu'il peut vraiment candidater aux mêmes droits qu'un artiste sous contrat, ou même, est-ce qu'il a le droit de revendiquer une paternité ? Si moi j'avais été impliquée au même degré dans la création d'un personnage lorsque j'ai occupé ce poste, je n'aurais pas cherché à m'attribuer un crédit officiel. Je n'en aurais même pas voulu. Quand on est à ce poste, on représente Marvel, et donc ce serait comme de dire que Marvel a créé Wolverine.

Ah, et un autre truc à propos de ça : quand on a regardé la page Wikipédia du Punisher, on a appris que Stan Lee s'était attribué le fait d'avoir trouvé le nom du justicier, alors que Gerry (ndlr : Conway, créateur officiel de Frank Castle) voulait l'appeler l'Assassin. Mais même Stan n'a pas revendiqué pour autant le fait d'avoir cocréé le Punisher – parce que l'édition, le développement et le fait de guider une équipe créative fait partie... du travail de l'éditeur."

Et encore autre chose : il existe un autre article plutôt intéressant qui souligne que la "contribution" de Roy sur toute cette histoire de 'nationalité' avait déjà été proposée par un fan dans FOOM (le magazine des fans de Marvel, 'Friends of Ol' Marvel'). Et Dave Cockrum avait affirmé de son côté que le design de Wolverine avait été piochée dans un de ses croquis, comme d'autres personnages des New X-Men. Il y a toujours eu cette rumeur qui voulait que le griffu se base en fait sur certaines de ses idées de costumes sur la série Légion, comme le nouveau design qu'il avait prévu pour Timber Wolf, dans lequel il a fait entrer Wolverine pour son dernier numéro – #107 ? – avec la Garde Impériale."

La position des héritiers de Len Wein est donc assez claire. Dans le même temps, ceux-ci ont assisté, impuissants, à cette réécriture en bonne et due forme des données officielles. Selon eux, sur la plupart des "wiki" officiels ou officieux, la mise à jour s'est d'ores et déjà mise en marche pour faire apparaître Roy Thomas comme le cocréateur de Wolverine, en annihilant de fait toute possibilité de débat. Et dans ces différents cas de figure... l'éditeur est désormais listé comme le premier des trois noms associés à l'origine du personnage. Comme le créateur officiel, accompagné de Len Wein et de John Romita.
 
Vous pourrez retrouver sur l'article de BleedingCool différentes prises de parole complémentaires, mais l'idée reste sensiblement la même. Pour faire court, l'agent de Roy Thomas a décidé de placer son client comme le créateur officiel d'un personnage sur lequel... sans la moindre légitimité tangible, par tradition, par dogme ou par éthique entrepreneuriale. Au moment où les vrais cocréateurs sont morts, et donc incapables de se défendre ou de présenter leur version des faits, devant un enjeu économique particulier et bien protégé par l'opacité naturelle des contrats de studios. Une manœuvre qui risque de poser un problème de répartition des gains sur les adaptations et d'équitabilité économique, dans la mesure où l'on parle ici du deuxième personnage le plus célèbre et le plus souvent adapté de la Maison des Idées, juste derrière Spider-Man
 
Mark Waid ajoute :
 
"Roy va récupérer quelques droits mineurs et c'est tout, point final. Il n'y a pas de discussion à avoir sur l'identité des vrais créateurs. Il ne mérite aucune rétribution financière, zéro, parce qu'il était un employé rémunéré à l'époque, et que ce genre de brainstormings qui accouchent de la création d'un personnage font partie du PUTAIN DE TRAVAIL D'UN EDITEUR. Et Roy est parfaitement au courant de ça. Mais à ce stade avancé de sa vie, il s'est transformé en vampire, pour sucer le crédit de « cocréateur » maintenant que toutes les autres parties concernées sont mortes et ne sont plus en mesure de contester ses affirmations. (Voir aussi : Gary Friedrich.) C'est à la fois pathétique et ironique que, en cherchant à s'approprier tout le mérite, Roy garantisse que son héritage sera désormais basé sur le vol."

 

Corentin
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