Une donnée supplémentaire à rajouter dans le feuilleton de plus en plus long - et intrigant - du renvoi de la productrice Victoria Alonso de l'entité Marvel Studios, pour laquelle elle avait travaillé au cours des 17 dernières années, en étant une figure importante de l'entité depuis la sortie du premier Iron Man en 2008. Beaucoup de choses ont déjà été écrites pour essayer d'expliquer ce départ : le choix d'Alonso comme fusible sur la question des mauvais effets spéciaux des dernières productions (et du climat général qui règne au sein des équipes chargées des VFX), rupture de contrat pour son implication sur Argentina, 1985, ou le "courage de critiquer Disney" qui lui aurait valu d'être réduite au silence, selon les avocats de la dernière. Une nouvelle donnée ramenée par le Hollywood Reporter tendrait à aller dans le sens de cette dernière hypothèse.
Reprenons les dires des avocats de Victoria Alonso dans le précédent (long) article rédigé sur le sujet : "[...] elle a été licenciée lorsqu'elle a refusé de faire quelque chose qu'elle jugeait répréhensible." C'est du côté du Hollywood Reporter que l'on obtient des indications possibles sur ce que serait ce "quelque chose de jugé répréhensible". Selon les déclarations des sources du média américain, Victoria Alonso aurait tout simplement refusé de flouter la vitrine d'un magasin apparaissant à deux reprises en décor dans le récent Ant-Man & The Wasp : Quantumania.
La raison ? Sur la vitre en question, on peut en effet retrouver collé le mot "PRIDE" aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, un mot et une symbolique propre à la communauté LGBT. Cette demande de modification étant faite pour que le film de Marvel Studios puisse être exploité au Koweït, un pays qui criminalise l'homosexualité masculine, passible de prison, et que l'on cite généralement dès lors qu'un film américain est banni dans un pays - souvent pour cause de représentations LGBT explicites (à l'instar des deux mamans de Doctor Strange : in the Multiverse of Madness ou du couple gay des Eternals). Pour ce même pays, un échange très bref entre deux actrices a aussi été supprimé dans Black Panther : Wakanda Forever a été édité pour que le film puisse quand même sortir.
En revanche, concernant le film Ant-Man & The Wasp : Quantumania, l'iconographie LGBT incriminée n'apparaît qu'à deux reprises - au tout début et à la toute fin du film, lorsqu'on voit Scott Lang (Paul Rudd) aller et venir dans la même rue pour son monologue d'intro et d'outro. La vitrine apparaît de façon très rapide, le mot "PRIDE" est réellement lisible que dans la séquence de fin, et on est à peu près certain que la plupart des spectateurs et spectatrices n'y avaient même pas fait attention. Voyez plutôt :
La requête de flou de la part de Marvel Studios aurait donc été refusée par Victoria Alonso, une femme lesbienne connue pour être engagée contre les discriminations - et qui s'était notamment confrontée publiquement à Bob Chapek au sujet de la fameuse loi "Don't Say Gay" en Floride -, alors qu'elle était en charge des équipes qui se seraient occupés de modifier les plans en question. Chose à prendre en compte : la ville de San Francisco, dans laquelle évolue Scott Lang, est notoirement connue pour abriter l'une des plus grandes communautés LGBT aux Etats-Unis, et être un centre important du militantisme dans l'histoire. Le fait que l'une des vitrines dans une rue de San Francisco (qui n'a peut-être même pas été redécorée pour l'occasion) est tout à fait à propos dans la diégèse du film. Ceci étant, la firme américaine a choisi en conséquence de faire appel à une autre équipe, pour que censure il y ait quand même. La version pour le Koweït a également été purgée du plan sur les fesses de M.O.D.O.K. et de références à la consommation d'alcool.
Bien que Disney se targue de refuser toute modification "pour des motifs de lois" si ces dernières modifient l'histoire, et qu'il apparaît en effet que le floutage demandé ici n'a pas d'impact d'un point de vue scénaristique, on comprendra aisément que Victoria Alonso aura refusé ces demandes de censure somme toute assez ridicule compte tenu du caractère tout à fait anecdotique de ladite imagerie incriminée dans l'ensemble du film. De là à vérifier si cette mésentente est le motif pour lequel la productrice a été sommée de partir, l'entreprise risque de se prendre un retour de veste assez conséquent dans ce cas.