Comme souvent avec les transactions de cette importance, la fusion potentielle du groupe Warner Bros. Discovery avec Paramount Skydance, devenue une possibilité tangible en l'espace de seulement quelques jours, motive l'ouverture de nouvelles enchères. Ce qui s'était déjà passé lorsque la 20th Century Fox était sur le point d'être rachetée, avec une compétition féroce entre Disney et Comcast pour le contrôle de cet ancien géant du cinéma et de la télévision. Les belligérants ne sont pas les mêmes cette fois... mais l'histoire se répète néanmoins. Selon un article du site Puck, l'entreprise Netflix serait également intéressée pour s'offrir les actifs du groupe Warner Bros. Discovery. Ou plus exactement, une partie des actifs, les départements du cinéma et de la télévision.
Puck vante des sources fiables (et notamment, une rencontre entre le président de Netflix, Ted Sarandos, et de Warner Bros. Discovery, David Zaslav, lors de la rencontre "Canelo contre Crawford" organisée par le géant de la SVOD le weekend dernier en Arabie Saoudite). Il ne paraît pas utile de préciser l'effet qu'une telle acquisition pourrait engendrer sur l'économie du cinéma international. Même si les activités de Netflix se sont progressivement ouvertes aux méthodes de l'exploitation en salle, ce pionnier du divertissement domestique reste largement considéré comme une entreprise du secteur du streaming en priorité. Pour l'entreprise, le rachat des divisions cinéma et télévision du groupe Warner Bros. pourrait signifier l'exinction de la plateforme HBO Max, basculée sur le service d'abonnement principal... mais aussi, potentiellement, la mort de la chaîne HBO. Entre autres choses.
En mettant de côté le seul versant télévisuel, Warner Bros. Discovery compte comme l'un des derniers grands studios du cinéma américain encore en activité dans le présent. Le conglomérat comprend des divisions culturelles importantes, comme DC Studios (et DC Comics par extension, dans le domaine des comics) ou Warner Bros. Games dans le secteur du jeu vidéo.
Paradoxalement, au moment de fusionner WarnerMedia et Discovery Inc., le PDG de l'enseigne, Zaslav, avait été l'un des premiers porte-paroles d'une nouvelle stratégie de développement moins focalisée sur le streaming, au profit du retour progressif de l'exploitation de films dans les salles de cinéma. Et cette stratégie s'est avérée fructueuse pour le groupe sur cette année, avec 600 millions de dollars de bénéfices engrangés sur certaines des grosses sorties récentes. Bien entendu, le prix d'une fusion de cette taille représente une somme autrement plus importante... de quoi invalider les décisions individuelles et les philosophies personnelles sur l'avenir immédiat du cinéma au sens large. Pour l'heure, le groupe Warner Bros. Discovery représente une valeur estimée de 40 milliards de dollars. Le futur propriétaire du conglomérat devra également dépenser 35 milliards pour éponger la dette contractée par Discovery Inc. au moment du rachat de WarnerMedia.
Du côté de Paramount Skydance, la famille Ellison (qui pilote cet autre groupe) devrait pouvoir dépenser cette somme sans grandes difficultés. Le patriarche du clan, Larry Ellison, PDG des entreprises Oracle dans le secteur de la tech', peut compter sur une fortune personnelle de presque 400 milliards de dollars. Et le bonhomme aligne les chèques depuis un certain temps pour réaliser le plan de conquête de son fils, David Ellison, fondateur de Skydance, au point d'avoir déjà racheté Paramount Pictures cet été. Un puissant alliage de népotisme, de technologie et de comptes en banques ronflant qui compte bien prendre d'assaut la colline hollywoodienne, avec Warner Bros. Discovery dans le viseur immédiat. Et mieux encore, Paramount Skydance aurait prévu de racheter l'ensemble du groupe... et pas seulement les divisions cinéma et télévision.
L'article de Puck laisse toutefois entendre que David Zaslav ne serait pas encore convaincu par ce qu'il a entendu de la part de ces deux soupirants éventuels. En revanche, la piste d'un rachat avait bien été évoquée dès les premiers mois de sa présidence (si si, vraiment) et le PDG n'a jamais réellement caché son intention de redorer le blason de la marque, bien écornée par la gestion désastreuse des anciens propriétaires d'AT&T, avant de pouvoir revendre sa compagnie au plus offrant. Affaire à suivre, mais selon qui des deux parties l'emportera cette fois, il n'est pas impossible que le visage du cinéma tout entier se trouvera transformé dans la foulée de cette transaction. Pour le meilleur... ou pour le pire.
