HomeBrèvesNewsReviewsPreviewsDossiersPodcastsInterviewsWebTVchroniques
ConnexionInscription
Le groupe Paramount Skydance serait intéressé pour racheter Warner Bros. Discovery

Le groupe Paramount Skydance serait intéressé pour racheter Warner Bros. Discovery

NewsCinéma

Depuis un assez long moment, la logique des fusions et acquisitions se poursuit comme une pratique courante dans les rangs des grands groupes de l'audiovisuel et du divertissement aux Etats-Unis. A l'origine, on pourrait penser que Disney a servi d'instigateur pour cette nouvelle méthode de conquête, en rachetant coup sur coup les entreprises LucasfilmMarvel EntertainmentHulu et 20th Century Fox sur une cadence répétée, avec pour chaque prise la même période transitionnelle de licenciements et de réorganisations en interne. Mais dans l'intervalle, le reste des groupes basés dans la périphérie d'Hollywood ont largement suivi le mouvement. Amazon avec MGM, par exemple. Mais aussi AT&T avec Warner Bros.... ou encore Discovery Inc. avec Warner Bros.. Ou plus exactement, WarnerMedia, une structure repensée de fond en comble par le propriétaire précédent et tourné vers les nouveaux enjeux du marché du streaming.

Et à la fin, il n'en restera que quatre

Sauf que, l'énorme chantier qu'aura représenté la fusion des enseignes WarnerMedia et Discovery Inc. (rendue possible par un emprunt conséquent de 50 milliards de dollars dont la majeure partie n'a toujours pas été remboursée) n'a pas suffit pour calmer la voracité des concurrents installés sur ce marché du divertissement et de la télévision. Selon le Wall Street Journal, dans une tribune confortée par un article de Deadline, les propriétaires de Paramount Skydance auraient actuellement pour projet de s'offrir Warner Bros. Discovery... pour opérer une fusion entre ces deux groupes d'actifs. A la manoeuvre sur cette transaction, on découvre avec stupeur le nom de Larry Ellison, l'une des grandes (voire grandes grandes) fortunes du secteur de la technologie aux Etats-Unis. Celui-ci est effectivement le président fondateur des entreprises Oracle, un géant du secteur informatique et des bases de données. Le capital de la famille Ellison est évalué dans les alentours de 400 milliards de dollars, entre fortune personnelle et gros actifs boursiers.

Or, justement, Larry Ellison s'était déjà engagé dans le secteur des industries culturelles récemment en poussant pour l'acquisition du groupe Paramount (ou Paramount Pictures) dans l'idée d'orchestrer une fusion entre cette enseigne conséquente du cinéma américain et  les studios Skydance Media. Ce qui n'a rien d'un accident de parcours : Skydance Media rentre dans la liste des propriétés de la famille Ellison... dans la mesure où cette entreprise a été fondée par les deux aînés du clan, David Ellison et Megan Ellison. En l'occurrence, la fusion des deux enseignes a été validée en août dernier, pour former le nouveau groupe Paramount Skydance. Une nouvelle fusion est donc à l'étude, dans l'optique de consolider ce nouvel appareil avec les actifs de Warner Bros. Discovery.

Pour l'heure, la valorisation boursière de la société (pilotée par David Zaslav, ex président de Discovery Inc. et actuel PDG de Warner Bros. Discovery) représente une estimation nette de 40 milliards de dollars. Et dans le cas d'une fusion, Paramount Skydance devrait aussi s'acquitter de la dette du groupe, soit 35 milliards de dollars aux dernières nouvelles. Tout ceci pour une enveloppe coquette de 75 milliards donc, un montant conséquent du point de vue de l'économie du cinéma américain... mais relativement raisonnable pour les capitaux des géants de la tech'. Et en l'occurrence, la famille Ellison tablerait sur une offre en liquidité pour le rachat des actions, sans plus de difficulté ou d'arrangements compliqués pour diviser la transaction en parts d'actionnariat. 

Ceci étant, dans la mesure où cette fusion représenterait une acquisition dite "horizontale" (dans le sens : deux géants installés sur le même secteur d'activité, et en concurrence ouverte, qui se rapprocheraient pour former une seule entité), celle-ci ne serait potentiellement pas légale si l'on se fie aux tristement célèbres lois anti-trust normalement appliquées dans ce cas de figure précis. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren a notamment alerté sur le danger que pourrait représenter la création d'un groupe de cette taille, conformément aux lois sur la concurrence aux Etats-Unis. Théoriquement, la Commission Fédérale des Communications, chargée d'administrer le secteur de l'audiovisuel sur place, devrait même être consultée pour rendre un avis favorable ou défavorable avant de pouvoir valider l'acquisition de Warner Bros. Discovery... malheureusement, l'histoire nous informe que, et c'est malheureux, les lois anti-trust n'ont pour ainsi dire jamais été appliquées sur les fusions de cette taille dans l'histoire moderne des Etats-Unis. En l'occurrence, celles-ci n'ont pas été en mesure d'empêcher le groupe Disney de s'offrir les actifs de la 20th Century Fox, alors qu'il s'agissait pourtant d'une autre fusion "horizontale" entre deux géants historiques d'un secteur déjà largement considéré comme oligopolistique. 

Et sur ce sujet précis : dans le cas d'une fusion avérée, quelles seraient les conséquences immédiates pour l'industrie du divertissement aux Etats-Unis ? Comme d'habitude, les effets les plus urgents se ressentiraient d'abord sur l'emploi. Dans la mesure où Warner Bros. Discovery et Paramount Skydance exercent les mêmes activités sur le même secteur, beaucoup de postes en doublon seraient probablement supprimés dans la foulée (pour l'administratif, la comptabilité, la direction, les resources humaines, le juridique, en somme, tous les départements sur lesquels il ne serait pas nécessaire de conserver deux antennes distinctes).

Et ensuite ? Ensuite, se posera la question de la raréfaction de l'offre culturelle. Actuellement, seuls cinq des grands studios historiques occupent encore le marché du cinéma depuis Hollywood : DisneyWarner Bros.ParamountSony et Universal. Chacun produisant un certain nombre de films chaque année. Or, c'est mathématique, qui dit moins de studios dit moins d'interlocuteurs potentiels pour les producteurs et pour les artistes. Actuellement, pour un projet isolé, une équipe peut postuler chez l'une de ces cinq enseignes (sans oublier les nouveaux acteurs apparus dans le présent : NetflixPrime VideoAppleTV+) dans l'espoir d'obtenir un financement et une distribution en salle ou en dématérialisé sur une plateforme de VOD. Avec un acteur de moins, et l'assurance de sorties non compensées par la taille de l'enseigne née de cette fusion, l'offre de nouveautés serait drastiquement restreinte par simple effet d'entonnoir. De la même façon que Disney avait annulé plusieurs dizaines (voire centaines) de produits dans la foulée du rachat de la Fox... et le constat peut aussi s'appliquer sur le bilan de Warner Bros. Discovery après la fusion (en l'occurrence, par nécessité économique pour rembourser le fameux prêt bancaire).

En revanche, pour l'utilisateur, la nouvelle structure concernée pourrait proposer une fusion des services HBO Max et Paramount+, en s'assurant d'un service tentaculaire sur le plan des films et séries télévisées disponibles sous un seul principe d'abonnement. Là-encore, il suffit de prendre l'exemple des productions FX et Hulu distribuées sur Disney+ (via l'étiquette "Star" en France) comme point de comparaison. Se posera également la question des pôles télévisuels, dans la mesure où les fusions de cette catégorie sont souvent l'occasion d'étudier (ou d'abandonner) certains département considérés comme poussiéreux ou moins rentables, puisque les nouveaux propriétaires appliquent généralement un calcul de rentabilité immédiate et de modernisation, si l'on se fie aux cas pratiques récents.

En l'attente de plus de nouvelles, la question demeure : combien de studios seront encore debout à Hollywood lorsque cette frénésie des fusions en rafale sera enfin arrivée au bout de sa logique ?

Source

Illustration de l'auteur
Corentin
est sur twitter
Commentaires (0)
Vous devez être connecté pour participer