Dans les derniers pourcentages du temps de chargement qui nous sépare encore de la sortie du film Superman, les équipes de chez DC Studios sont à pied d'oeuvre. C'est désormais une certitude : imprimée, validée, tamponnée, le premier produit de l'enseigne pour le cinéma fera partie des événements de cet été. Et au moment de passer cette ligne d'arrivée, résultat de longues années de chaos, de travail et d'hésitations, James Gunn s'est entretenu tout récemment avec la rédaction du site RollingStone pour une interview un peu plus conséquente (et aussi, un peu plus personnelle) que d'habitude. L'occasion de glaner quelques ultimes infos concrètes... mais aussi, beaucoup de ressentis.
Alors, oui : c'est moche de trancher dans le gras d'une entrevue de cette taille, surtout quand les réponses les plus intéressantes ne sont pas forcément les plus utiles du point de vue (sélectif) de l'actualité. Si vous avez la chance de lire ou de comprendre l'anglais, on vous conseille le papier (accessible en lien source) dans la mesure où le président de DC Studios brasse large dans le champ des thématiques. James Gunn évoque notamment ses anxiétés d'hier, avec ce besoin systématique d'amuser les spectateurs pour compenser certaines fragilités personnelles, la façon dont il a dû repenser son style pour s'adapter aux codes de Superman, la polémique de ses anciens tweets, son expérience chez Troma Entertainment, et aussi, évidemment, son passage chez Marvel Studios.
Un bel échange, et qui passerait presque pour un complément aux réponses formulées au début de cette année lors de la conférence de presse organisée chez DC Studios par les deux têtes pensantes de la compagnie. Dans la mesure où James Gunn en aura profité pour revenir sur la mission immédiate (et la philosophie générale) de ce nouvel appareil productif. Vous commencez probablement à connaître la formule : la qualité plutôt que la quantité, aucun projet ne sera validé sans l'assurance d'un script réussi (et surtout : terminé), et un intentionnel général qui mise sur le respect du public plutôt que sur la nécessité industrielle de pousser du pied des produits que personne n'a réellement envie de faire ou de regarder.
Par certains aspects, l'entrevue en question aurait même l'allure d'un témoignage de survivant. Ou plutôt, d'un retour d'expérience de la part d'un des enfants de la fratrie Kevin Feige, qui aurait fini par grandir pour abandonner la demeure familiale au moment où l'ambiance à la maison était en passe de sérieusement se dégrader. Et comme souvent avec les interviews de James Gunn, le résultat se situe quelque part entre une franchise brutale et une empathie dépouillée. Interrogé sur la question des dates butoir et du flux de production imposé aux studios satellites des grands groupes (une problématique qui aura souvent posé problème aux films de Marvel Studios, mais aussi de DC Films par le passé), voici ce qu'il déclare :
"Ecoutez, vous pouvez faire tout ce qu'il faut de votre côté et quand même finir par accoucher d'un mauvais film. De mon côté, j'ai vraiment beaucoup de compassion vis-à-vis des gens qui s'investissent réellement dans ce processus. Si je pense à certains de mes anciens collègues de chez Marvel, certains d'entre eux ont sorti les pires films possibles. Bien sûr, il y avait celles et ceux qui étaient juste paresseux, qui ne s'impliquaient pas réellement. Mais il y avait aussi des réalisateurs qui travaillaient dur. Et lorsque le film était prêt, il n'était pas toujours génial, mais ils avaient tout fait pour essayer d'y arriver. Je pense que la raison pour laquelle les gens ne vont plus au cinéma n'a rien à voir avec le fait que les gens n'ont plus envie de regarder des films. Ou que les écrans de télévision sont devenus tellement meilleurs. La raison numéro un, c'est que les studios valident des projets sans même avoir un script à disposition."
Il poursuit ensuite sur cette même question :
"Nous venons tout juste de tuer un projet (ndlr : Sgt Rock ?). Et tout le monde avait envie de faire ce film. Il avait été validé, il était bon pour partir en production. Mais le scénario n'était pas prêt. Et je ne voulais pas me résoudre à valider un film avec un scénario qui ne convient pas."
Concernant les difficultés rencontrées ces quelques dernières années chez Marvel Studios (et notamment avec le début de la Phase 4, qui coïncide avec l'arrivée sur le marché de la plateforme Disney+), là-encore, James Gunn estime que la faute revient surtout aux décisionnaires du groupe. Et de ce point de vue, le patron de DC Studios va même dans le sens de Bob Iger. La problématique ne serait pas tant d'avoir visé trop bas sur le degré de qualité nécessaire pour chaque produit validé, mais plutôt d'avoir voulu imposer aux équipes créatives un rendement simplement trop important pour une seule société de production (même de la taille de Marvel Studios).
"C'est ce que mon vieux copain Louis D'Esposito (ndlr : le numéro deux de l'enseigne, bras droit de Kevin Feige depuis les premières années de l'univers MCU) m'a dit en privé. Je ne pense pas que ce soit réellement leur faute. [La commande du groupe pour plus de contenu] ce n'était pas juste de leur imposer ça, et c'est ça qui les a tué."
Dans la foulée de cette interview, James Gunn a pu compléter cette réponse (qui aura pu passer pour un commentaire incendiaire du point de vue de certains fans).
"Pour être clair - et je pense que c'était clair dans le contexte de l'interview - je ne dis pas que ça les a tués dans le sens où Marvel Studios serait mort et enterré pour de bon. Je dis qu'ils se sont fait avoir par cette situation et qu'ils n'avaient aucun contrôle sur le sujet. Maintenant, ils ont traversé cette période sombre, et je pense que c'est une bonne chose. Cette folie du tout-streaming leur aura imposé beaucoup de sacrifices, et Disney leur a imposé une obligation d'alimenter la plateforme en 'contenu' au moment où ils n'étaient pas en capacité de répondre à cette demande. Comme le fait de balancer des films directement sur une plateforme avant d'avoir pu les rentabiliser au cinéma. Heureusement, cette période de folie collective est en train de passer et les choses s'équilibrent un peu partout. Merci mon dieu."
Du côté de chez DC Studios, cet impératif n'a visiblement pas été imposé aux équipes créatives. Warner Bros. n'aurait pas validé le projet du nouvel univers en exigeant de Gunn et de Peter Safran une certaine quantité précise de produits par année fiscale. Ce qui n'interdit pas la possibilité de se planter... et le réalisateur semble même assez ouvert sur le sujet.
"Il faut que l'on traite chaque projet comme si on avait de la chance de pouvoir travailler dessus. De notre côté, nous n'avons pas l'obligation de sortir telle ou telle quantité de productions chaque année. Donc nous pouvons nous concentrer sur les oeuvres dont on pense pouvoir tirer la meilleure qualité possible. Evidemment, certaines choses seront bonnes, et d'autres seront moins bonnes. Mais avec un peu de chance, la moyenne des productions sera de bonne qualité."
Premier bilan (pour le cinéma) d'ici le 9 juillet 2025 avec la sortie du film Superman dans les salles de cinéma.