Attention, projet cauchemardesque à l'horizon. A l'aune des découvertes modernes sur le microbiome, les artistes risquent bien de s'emparer du sujet pour produire un nouveau genre d'horreur corporel. Et pour ouvrir cette voie, en attendant de former les David Cronenberg de demain, le scénariste Michael W. Conrad (Batgirls, Netpune) s'est associé au génial John Pearson (Blue in Green, Mindset) dans l'idée de produire une extrapolation des connaissances actuelles sur nos sympathiques symbiotes microscopiques. Emerveillé et terrifié au moment de découvrir que le corps humain est majoritairement composé de cellules étrangères (ce qui veut dire que : nous trimballons moins de matière humaine que de matière étrangère au quotidien) à proprement parler, Conrad a effectivement décidé de développer une œuvre de fiction sur ce sujet : le titre s'appelle In Bloom et a été annoncé pour la fin de cette année chez BOOM! Studios.
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Pour rappel, les recherches du moment dans le domaine du microbiote reposent sur une réalité relativement méconnue du grand public : une bonne partie des fonctions du corps humain est en réalité assurée par de petits organismes étrangers, répartis dans différentes catégories de notre anatomie - principalement des bactéries et des champignons. Et c'est pareil pour l'essentiel des animaux, mais aussi des plantes. L'exemple le plus connu pour le corps humain se trouve dans notre système intestinal, mais on sait que les bactéries ont colonisé tous les endroits possibles dans notre organisme : sur notre peau, dans les muqueuses des organes reproducteurs, dans notre nez, ou à d'autres zones essentielles.
Et si l'idée que votre corps tout entier serve de lieu de vie à ces sympathiques visiteurs vous effraie ou vous révulse, rassurez vous. D'une part, cela fait des centaines de millions d'années que le vivant fonctionne sur cette même logique, et jusqu'à preuve du contraire, l'appareil est encore en bon état de marche. Mais surtout, les petits copains ne vous veulent aucun mal, et pour tout vous dire, on ne serait probablement pas capables de fonctionner sans eux. Pour la plupart, vous les trimballez depuis la naissance, et les recherches sur le sujet risquent de provoquer un bond conséquent pour la science et la médecine d'ici les prochaines années. Voire même la psychologie, puisqu'on estime aussi que le microbiote ont une influence sur l'humeur ou le traitement des émotions. Bref, vive les symbiotes, comme dirait Tom Hardy, même si l'idée a de quoi désarçonner au départ.
Certains scientifiques estiment effectivement que les cellules "humaines" (dont l'ADN est identifié comme purement humain, donc) ne représentent pas la majorité du corps de l'homo sapiens moderne. En prenant en compte l'ensemble des micro-organismes qui forment les "locataires" de l'habitacle humain, on estime la quantité de cellules bactériennes comme dix fois supérieures à celle des cellules humaines dans notre corps tout entier. Oui, c'est bizarre, mais c'est comme ça. Et en découvrant cette réalité stupéfiante, Michael W. Conrad a forcément eu la réaction appropriée : il s'est demandé ce qui définissait, donc, la nature même de notre corps et de notre identité. C'est ainsi que l'idée lui est venue de brosser le sujet dans une fiction à la croisée des genres, entre une épouvante de catégorie "bodyhorror" et un univers plus proche du cyberpunk, quand une technologie bouleverse les fondements de la société. Il nous explique tout ça :
"Il y a des années de cela, je suis tombé sur un article sur le microbiote humain. Cette lecture me hante quotidiennement depuis. Comme la plupart des gens, je veux comprendre qui je suis, et le fait de savoir qu’une grande partie de ce que nous sommes n’est pas originaire de notre propre corps représente pour moi un véritable casse-tête. In Bloom fonctionne comme une exploration de cette peur, en imaginant un monde dans lequel nous ne pouvons plus ignorer la variété d’organismes qui occupent notre enveloppe du matin au soir, tous les jours de notre vie. Les choses en nous se sont réveillées, elles ont éclot."
Le titre va donc imaginer comment le monde a évolué lorsque les microbiotes ont commencé à gagner en importance dans notre quotidien, provoquant au passage des mutations diverses. La société a dû s'adapter à ce phénomène d'un genre nouveau (dans la mesure où l'homme peut difficilement faire autrement qu'en coexistant avec ces organismes). Pour le descriptif officiel :
"Lorsque le phénomène 'BLOOM' s'est répandu sur la Terre, l'humanité a été transformée à tout jamais. Les organismes fongiques et symbiotiques qui infestaient déjà le corps humain sont à tout coup devenus plus gros, plus visibles, plus voraces dans ce qu'ils exigeaient de leurs hôtes. Certaines des personnes touchées ont vu de nouveaux membres pousser sur leurs corps, d’autres ont vu leur personnalité changer du tout au tout, tandis que d’autres encore ont signalé avoir été en contact avec une intelligence qui n’était pas la leur, au sein même de leurs cerveaux.
Dans ce nouveau monde terrifiant, l'agent Spears se retrouve à enquêter sur une série de meurtres étranges, remontant une piste sanglante qui la conduira à se poser une question fondamentale sur laquelle repose le sort de chaque être vivant."
Naturellement taillé pour l'horreur surréaliste, John Pearson, proche d'Anand RK et Bill Sienkiewicz, passe pour un choix logique compte tenu des proportions de cette histoire. Le titre est évidemment à déconseiller aux personnes sensibles, compte tenu de son sujet (et de la méconnaissance générale du microbiome pour la plupart des gens), mais s'annonce déjà comme un projet d'horreur follement ambitieux. Les amateurs de Mindset n'ont pas oublié le trait expressif et stylisé de Pearson. Si le gars est parvenu à impressionner avec un comics sur une appli' de contrôle mentale sur fond de rivalité entre deux tech' bros sortis de leur école d'informatique, imaginez ce qu'il pourrait produire avec les micro-organismes qui œuvrent quotidiennement dans l'intestin des êtres humains.
In Bloom #1 est attendu pour le 11 décembre 2024 avec des couvertures variantes signées Alison Sampson et Jae Lee.