Dans la longue liste des reproches adressés au film The Flash d'Andy Muschietti, d'aucuns auront pointé du doigt, dans le dernier tiers du scénario, une certaine facilité à faire "voter les morts". Notamment, lors de la célèbre scène des multivers de DC Comics présentée à l'écran. Au moment où Barry Allen court à travers le temps, pour réécrire la réalité, le personnage principal aperçoit au loin différentes réalités parallèles, représentées par les anciens interprètes de Superman, Supergirl et Batman (Christopher Reeve, Helen Slater, Nicolas Cage, George Reeves, Adam West). Une façon pour Muschietti d'emprunter aux précédentes adaptations des personnages de DC Comics pour façonner un multivers clés en mains, en reprenant la façon de faire de Sony Pictures avec les trois Spider-Men de No Way Home.
Pour le dire simplement : cette scène n'a pas été du goût de tout le monde. D'abord, pour le rendu (invraisemblablement bâclé) des effets spéciaux mis en jeu. Et surtout parce que cette façon de faire, en se hissant sur les épaules des géants qui ont construit la grande histoire du cinéma des super-héros, a au mieux pu passer pour un clin d'œil facile, dont personne ne voulait... ou au pire, pour une marchandisation morbide de la nostalgie. En particulier dans un moment où l'univers DC Comics, sous sa forme actuelle, était amené à disparaître après cette dernière tentative de reboot.
Last Son of Krypton
En septembre dernier, Tim Burton s'était exprimé sur le sujet. Le réalisateur malchanceux avait été mandaté, dans la frénésie des années quatre-vingt dix, pour plancher sur le projet Superman Lives. A l'époque, l'objectif du metteur en scène était d'adapter la saga The Death of Superman dans un long-métrage en forme de reboot pour le héros en bleu, au sortir de la longue tétralogie de Christopher Reeve. Nicolas Cage avait été annoncé dans le rôle principal. La production avait été assez loin, ou suffisamment pour avoir droit à plusieurs articles de presse, à différents clichés du comédien en costume, et à un travail sérieux de la part des équipes en charge de la partie artistique, de la création des maquettes et des accessoires, etc.
Si le projet a finalement été abandonné, l'essentiel de ce chantier chaotique a eu droit à un documentaire consacré (
The Death of Superman Lives). Le film de
Burton et
Cage, entré dans la légende d'Hollywood pour sa galerie d'idées étranges ou loufoques, a donc été utilisé comme l'un des points de référence d'
Andy Muschietti pour construire son "multivers" de substitution lors de cette scène de course qui clôt l'aventure de
Barry Allen au cinéma. En septembre dernier,
Tim Burton avait eu l'opportunité de s'exprimer sur le sujet... et le réalisateur n'était pas vraiment satisfait (chez
Première) :
""Je suis un peu dégoûté des studios. Ils peuvent prendre ce que vous avez fait, mon Batman ou autre, pour le détourner culturellement, ou peu importe comment vous appelez ça. Même si vous êtes l’esclave de Disney ou de Warner Bros depuis des années, ils peuvent faire ce qu’ils veulent (avec votre oeuvre). Donc, dans mes dernières années de vie, je suis en révolte silencieuse contre tout cela."
Or, plus récemment, Nicolas Cage a lui aussi été interrogé sur le sujet. Lors d'une entrevue accordée aux équipes de Yahoo!, le comédien a expliqué que la scène dans laquelle on peut le voir combattre une araignée géante (un clin d'oeil direct au scénario de Superman Lives, où il avait été prévu par le producteur Jon Peters que Superman devait se battre avec un monstre de ce genre à un moment ou à un autre du script) n'avait, simplement, pas été tournée.
Si Cage confirme avoir bien été présent sur le plateau, pour reprendre son rôle de Superman dans l'idée de fournir un caméo référentiel de plus aux équipes de Muschietti, cet ajout a été réalisé en post-production. Ce qui aura tendance à expliquer pourquoi l'effet est à ce point raté, et la scène aussi désagréable à regarder.
"Avant toute chose : oui, j'étais bien sur le plateau. Ils ont consacré beaucoup de temps à la construction de mon costume… et je pense qu'Andy est un réalisateur formidable, c'est un gars génial et un grand metteur en scène, j'ai adoré ses deux films It. Ce que j'étais censé faire, c'était, littéralement ça : je devais me trouver dans une dimension parallèle, si vous voulez, dans laquelle j'assistais à la destruction de l'univers. Kal-El était le témoin de la fin de cette 'réalité' (ndlr : celle de la Terre-Flashpoint, comme dans le cas des personnages de Reeve et Slater). Vous vous doutez bien qu'avec le peu de temps que j'avais à disposition... Le peu de choses que je pouvais transmettre sur un tournage aussi court. Je n'ai eu aucun dialogue, donc je devais tout faire passer par le regard. Et c'est donc ce que j'ai fait. J'étais sur le plateau pendant peut-être... trois heures."
Il ajoute, plus loin, en évoquant le coup de gueule de Tim Burton :
"Quand je suis allé voir le film, je me suis découvert en train de combattre une araignée géante. Mais je n'ai jamais tourné ça. Ce n'est pas ce que j'ai fait. Je ne pense pas que ça a été créé par une IA. Je sais que Tim est contre les IA, et c'est aussi mon cas. Là, c'était du CGI. Il fallait qu'ils me fassent paraître plus jeune, et là, je devais combattre une araignée. Mais je n'ai rien fait de tout ça, donc je ne sais pas ce qui s'est passé en interne.
Mais je comprends la colère de Tim. Je vois ce qu'il veut dire. Je serais très mécontent si les gens prenaient mon art… pour se le réapproprier. Je comprends. Je veux dire, je suis complètement de son côté là-dessus. L'IA est un cauchemar pour moi. C'est inhumain. Il n'y a rien de plus inhumain que l'intelligence artificielle. Mais je ne pense pas que c'était de l'IA dans The Flash. Je pense juste qu'ils ont fait ce qu'ils ont fait, et encore une fois, je n'ai eu aucun contrôle là-dessus. Je suis littéralement allé tourner une scène pendant peut-être une heure dans le costume, pour assister à la destruction d'un univers et essayant de transmettre un sentiment de deuil, de tristesse et de terreur dans mes yeux. C'est tout ce que j'ai fait."
Au moins, ce curieux moment de cinéma nous aura permis d'avoir une prise de position franche de Nicolas Cage sur le sujet des intelligences artificielles. Pour le reste... Comment dire. Sans commentaire ?