Après avoir trouvé les termes d'un accord de principe dans la nuit du dimanche dernier, la WGA (Writer's Guild of America) a annoncé la fin de la grève à compter de ce mercredi 27 septembre 2023, à 0h01 (soit 9h01 à l'heure française). Le comité des négociations du syndicat ont porté le texte du dit accord aux membres des conseils de la WGA East et WGA West, qui se sont tous prononcés en faveur du texte. Il faut désormais que les membres du syndicat votent pour la ratification de ce nouveau contrat, mais en attendant, chacun est désormais libre de reprendre son travail d'auteur ou d'autrice.
Des victoires importantes sur plusieurs fronts
La WGA insiste auprès de ses membres : s'ils sont libres de reprendre le travail après presque 150 jours de grève en continu, rien n'empêche d'attendre la fin des votes des membres du syndicat - qui se tiendront du 2 au 6 octobre prochain - et surtout de refuser les termes de l'accord, malgré la décision d'avoir mis fin à la grève.
L'ambiance reste néanmoins à l'optimisme et au vu des détails de l'accord passé avec l'AMPTP (l'alliance des producteurs de films et de séries, qui regroupe donc les grands studios hollywoodiens et les plateformes de streaming), il apparaît peu probable que le contrat ne soit pas validé par les membres du syndicat. Affaire à suivre de ce côté-là ; plusieurs voix importantes du monde de l'écriture - tel que Christos Gage, qui par ailleurs aussi un scénariste de comics - se sont réjouies du travail accompli par la guilde et des termes contenus dans le nouveau contrat. Justement : quels sont-ils ?
I've been a member of the WGA since 1997. This is the best contract we've ever gotten, by a huge margin. Thank you negotiating committee, members, supporters, fellow unions, and everyone else. Y'all rock. Now we make sure everyone else gets a fair deal too.
— Christos Gage (@Christosgage) September 27, 2023
Dans son optique de totale transparence envers ses membres, la WGA a mis en ligne les détails de l'accord obtenu avec l'AMPTP au bout des presque cent-cinquante jours de grèves et d'une dernière semaine de négociations intenses. Les points les plus importants à retenir concernent à l'évidence les restrictions sur l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) dans le processus créatif, et il semble que de ce côté là, le syndicat des scénaristes a réussi à obtenir total gain de cause. Dans le détail :
- L'IA ne pourra pas être utilisée comme "matériel source" pour toute adaptation d'un scénario quel qu'il soit, ce qui garantit que la technologie ne pourra pas remplacer des êtres humains. La WGA a garanti que l'IA ne peut pas être utilisée par les studios pour écrire ou réécrire du "matériel littéraire", et que si un auteur peut utiliser la technologie comme outil si la compagnie qui l'emploie le permet, à l'inverse, aucune entreprise ne peut exiger d'un ou d'une scénariste d'utiliser l'IA. En outre, l'entreprise devra obligatoirement informer les auteurs si l'une de leurs productions est basée sur du contenu généré par IA. Enfin, le syndicat se réserve le droit d'interdire aux IA d'utiliser du matériel de leur scénaristes pour leur "entraînement". Sur ce front, le syndicat des scénaristes a donc obtenu gain de cause et une protection importante de son métier - qui se généralisera, on l'espère, au maximum des corps de métiers créatifs existants.
- Sur la question des résiduels sur les productions à destination des services de streaming, la WGA a obtenu le versement de résiduels sur les projets qui sont regardés par au moins 20% du total de l'audience américaine ("domestique") d'une plateforme de streaming dans les 90 jours suivant la mise en ligne, garantissant que sur les films et séries à gros succès, les auteurs puissent toucher des bonus sur les travaux dont ils ont participé à faire la réussite publique. Un bonus supplémentaire de 50% sur la base résiduelle est attribué pour les films et séries produits spécifiquement à destination du streaming. Le Hollywood Reporter explique à titre d'épisode que les auteurs peuvent toucher une prime de 9 031$ sur un épisode d'une demi-heure d'un gros service de streaming, ou de 40 500$ sur un film ayant un budget de plus de 30M$ - les bonus étant répartis avec l'ensemble des scénaristes.
- Un compromis plus nuancé a été atteint sur la question de la transparence des chiffres des plateformes de streaming. Les majors se refusent pour le moment, à l'évidence, à communiquer toute donnée de façon publique. Néanmoins, la WGA a obtenu d'obtenir les nombres "d'heures totales streamées, aux US et à l'international, pour les productions maison à gros budget des plateformes de streaming" (comme une série Netflix Original) et de "pouvoir partager l'information de façon concise aux membres" du syndicat.
- Sur le nombre minimum de scénaristes requis dans une "writing room", la guilde a obtenu un minimum garanti de trois auteurs/autrices (contre six demandés) pour la première saison d'une série dont le développement dure vingt semaines ou plus, le nombre étant ensuite revu à la hausse pour les saisons supplémentaires en fonction du nombre d'épisodes. En outre, il a été assuré d'avoir une durée minimale de dix semaines consécutives pour le développement à l'écriture d'une série, une fois que son feu vert a été donné. Les termes de l'accord ne seront mis en place toutefois que sur les séries/saisons mises en production après le 1er décembre 2023, les programmes étant actuellement en développement n'étant donc pas encore garantis de ces marges de travail.
- Sur les autres points de négociations on note également une augmentation de 12,5% des résiduels obtenus sur les productions (contre 16% demandés au départ), une augmentation de la contribution des studios au fond de solidarité/santé de la guilde ; un second "point de payement" garanti aux auteurs ; ainsi que l'obtention de résiduels pour la diffusion des productions des plateformes de streaming à l'étranger, qui suivent la formule obtenue précédemment par le syndicat des réalisateurs (Directors Guild of America), qui calcule une somme à verser en fonction du nombre d'abonnés à l'étranger.
Ce nouveau contrat aura une durée, comme à chaque fois, de trois ans, à l'issue desquels il sera reconduit ou sujet à de nouvelles modifications. Si les membres de la WGA décident de ne pas voter/accepter le texte, alors les négociations devront reprendre. Mais puisque la direction du syndicat a accepté de mettre fin à la grève, gageons que l'issue des votes du 2 au 9 octobre prochain sera positive. Au tour des acteurs de faire valoir leurs droits et leurs protections, à présent.
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