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Secret Invasion : tristement, l'intelligence artificielle a été utilisée pour créer le générique de la série Marvel Studios

Secret Invasion : tristement, l'intelligence artificielle a été utilisée pour créer le générique de la série Marvel Studios

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Au moment où les différents corps de métier d'Hollywood s'engagent dans un bras de fer avec les studios et diffuseurs pour anticiper l'automatisation en marche des savoir-faire, Marvel Studios prend position sur le sujet de l'intelligence artificielle. Lors de la mise à disposition de la série Secret Invasion sur la plateforme Disney+, certains internautes ont remarqué, au générique, la mention d'un poste dédié à la supervision d'un logiciel d'IA. Plus précisément, "IA TD", pour "directeur technique", dans les sous-parties consacrées au personnel de Method Studios, une société d'effets spéciaux basée à Los Angeles qui oeuvre régulièrement sur les productions du groupe Marvel. Notamment, Ms Marvel, Loki, Moon Knight, etc.

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Cette part des crédits concerne les employés de Method Studios qui ont participé à l'élaboration du générique d'ouverture de la série Secret Invasion. Et effectivement, pour n'importe quel internaute passé par une utilisation (à usage individuel) des logiciels de type Midjourney, Dall-E, Mini Dall-E ou Stable Diffusion, la séquence d'ouverture de chaque épisode évoque assez ouvertement le rendu des images générées sur commande de "prompts". 

 

La rédaction de Polygon s'est intéressée à cette première utilisation revendiquée de l'intelligence artificielle dans une production de grande ampleur, en allant interroger le réalisateur Ali Selim, producteur exécutif sur la série Secret Invasion et metteur en scène de l'ensemble des six épisodes. Celui-ci avoue volontiers ne pas comprendre la fonctionnement de ces logiciels modernes. Il explique que l'utilisation de l'IA cadre avec un propos précis : la mise en abyme du pouvoir métamorphe des Skrulls, une espèce alien capable de prendre l'apparence d'un être humain. Selon Selim, ce peuple extra-terrestre doit évoquer, pour l'homme, une identité floue, imperceptible et mystérieuse, ce qui aurait tendance à rapprocher l'utilisation de l'IA pour Secret Invasion du principe de la "vallée dérangeante" en robotique. En somme, comme les intelligences artificielles, les Skrulls imitent le comportement de l'espèce humaine au point que les infimes détails qui trahissent l'illusion participent à mettre le spectateur mal à l'aise. 

"On a donné [à l'équipe en charge de l'IA] des idées, des thèmes et des mots, et l'ordinateur allait ensuite produire quelque chose. Et ensuite on pouvait un peu modifier le résultat avec d'autres mots, et ça changeait."

Enthousiaste, le propos d'Ali Selim rapporté par la rédaction de Polygon cadre avec les discours modernes des adhérents à l'avancée progressive des intelligences artificielles comme vecteur d'innovation. Le réalisateur explique que cette collaboration avec Method Studios était "excitante" et "différente". Il emploie également le mot "inévitable", dans la même phrase. Le choix de cet adjectif est assez intéressant, compte tenu des mouvements qui se mobilisent actuellement à Hollywood pour encadrer (a minima) le remplacement des artistes de cinéma par des logiciels de génération algorithmiques. Pour rappel, aux Etats-Unis, la guilde des scénaristes (WGA) est actuellement en grève contre l'ensemble des grands studios, représentés par l'alliance des producteurs (AMPTP), pour obtenir une série de protections contractuelles contre les scripts générés par intelligence artificielle. Entre autres choses.

En parallèle, le syndicat des actrices et acteurs américains (SAG-AFTRA) poursuit les négociations avec l'AMPTP sur une catégorie de sujets comparable. Il y a quelques semaines, les comédiens se disaient prêts à rejoindre le mouvement de grève des scénaristes si les studios n'accèdent pas à leurs revendications. La guilde des réalisateurs (DGA) a de son côté établi une nouvelle feuille de route pour les accords de branche, stipulant qu'aucune intelligence artificielle ne pourrait remplacer le travail d'un humain sur les postes relatifs à la mise en scène. Les professions du secteur des effets spéciaux ne rentrent pas dans cette définition du remplacement automatisé, dans la mesure où ces corps de métier ne sont pas protégés par les grandes organisations syndicales historiques du cinéma américain. 

La rédaction de Polygon a tenté de prendre contact avec les équipes de Method Studios. Se refusant d'abord au moindre commentaire, celles-ci ont fini par prendre la parole suite aux nombreuses critiques formulées par les fans sur les réseaux sociaux après la découverte du générique de Secret Invasion et de son emploi de l'image algorithmique. Sans rentrer dans le processus détaillé de la fabrication concrète la société de production assure que "aucun artiste n'a été remplacé" pour générer ce contenu, et que les IAs sont "un simple outil" supplémentaire dans la liste des techniques accessibles aux développeurs. 

Une technologie de "complément", utilisée dans le cadre d'une chaîne d'assemblage autrement plus classique : "storyboard, animation, illustration 2D/3D" etc. Par-delà cet exemple, la crainte de beaucoup d'internautes peut s'observer par le prisme d'une généralisation potentielle de l'intelligence artificielle, avec ses problématiques d'éthique. Ou plus concrètement, économiques, mais à long terme. Si l'outil reste actuellement présenté comme un "complément" à d'autres méthodes de travail, la technologie évolue à grande vitesse, au point de faire craindre à des milliers de salariés une possible "obsolescence programmée" de leurs compétences une fois que les IAs auront atteint un certain stade.

Proportionnée à un groupe connu pour être un mauvais payeur (vis-à-vis des artistes de comics et des studios d'effets spéciaux), la réaction du public s'entend dans un certain contexte. Avec la grève d'un côté, le sujet préoccupant des IAs entraînées à copier les artistes visuels (comics, illustration, peinture, photographie) sans l'accord des intéressé(e)s, et un studio qui a pris l'habitude de remplacer certaines spécialités par une méthode du tout-virtuel pour gagner du temps et contourner les réglementations syndicales, ce premier précédent historique risque d'aggraver l'inquiétude collective des professions concernées. 

De fait, Marvel Studios reste propriétaire des personnages du catalogue Marvel. Or, l'une des rares protections juridiques pouvant servir de frein à l'accélération des IAs repose sur le fait que les internautes ne peuvent pas commercialiser leurs créations réalisées sous "prompts", à partir du moment où la technologie fonctionne sur un principe d'assemblage ou d'emprunts à d'autres images, rarement libres de droit. Aux Etats-Unis, les instances en charge de la propriété intellectuelle (United States Copyright Office) ont statué en février dernier sur le sujet : le comics Zarya of the Dawn, une bande-dessinée intégralement illustrée sous Midjourney, s'est vue refuser le droit au dépôt de copyright officiel. Les pouvoirs publics avaient alors expliqué que "seules les créations réalisées par l'humain sont susceptibles d'être protégées par le droit de la propriété intellectuelle." Pour Hollywood, le problème se pose différemment, à partir du moment où Marvel, dans le cas présent, a été piocher dans son propre catalogue, et en utilisant l'apparence d'acteurs et d'actrices sous contrat. Reste encore à savoir si les comédiens de ce genre de production doivent accepter que leur image puisse être restituée par la voie de l'intelligence artificielle.

C'est sur ce point précis - les "doubles virtuels" - que la SAG-AFTRA négocie en ce moment même. Si un acteur se blesse, si un acteur perd la vie pendant un tournage, ou s'il décide de ne pas honorer ses obligations par choix personnel, le studio aura-t-il les moyens légaux de lui fabriquer un clone artificiel pour continuer le travail sans lui ? Pourra-t-on même se passer de son accord le cas échéant ? Dans la mesure où la reproduction des visages est aujourd'hui à portée de mains, où les logiciels de synthèse vocale sont parfaitement opérationnels, en somme, dans un monde où il n'existe plus d'obstacles concrets à la technique, le débat risque de se déplacer sur un autre terrain. Chez Marvel Studios, on sait que certaines vedettes signent des contrats généraux - qui les invitent, par exemple, à accepter de participer au circuit des attractions de Disneyland. Comme dans le cas de Tom Holland avec le manège Web Slingers

Les représentants de la SAG-AFTRA ont déjà expliqué que certains contrats commencent à prévoir des provisions pour les "doubles virtuels". On imagine mal que le générique de Secret Invasion ait pu être réalisé sans l'accord du casting, et notamment Samuel L. Jackson en tête. Celui-ci avait même ouvert la porte à la possibilité d'une "résurrection numérique" pour continuer à interpréter le personnage de Nick Fury lorsque son heure sera venue - il y a cinq ans, le comédien plaisantait dans les colonnes du Hollywood Reporter à l'idée d'être un jour remplacé par un fantôme de synthèse, se comparant au Obi-Wan de la saga Star Wars.

Pour l'heure, un seul constat semble s'établir par-delà le cas de ce générique isolé pour une série mineure de la marque Marvel Studios : la boîte de pandore est ouverte, reste maintenant à examiner le contenu.

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Corentin
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