Il y a fort fort lointain, lorsque Brian Michael Bendis n'était encore qu'un petit dessinateur pour le marché des comics indépendants, celui-ci avait eu l'ambition de se lancer à Hollywood dans une posture de scénariste de cinéma. Premières rencontres avec les officiels de studios, premières déceptions, premières aventures dans la Los Angeles des cols blancs à quelques kilomètres des plateaux de tournage, toutes les péripéties de ce Bendis qui n'avait pas encore conquis le marché des comics ont été chroniquées au format comics. Couchées sur papier, et mises en images par l'auteur lui-même. En effet, Brian Bendis adaptera lui-même cette période de sa vie entre les années 1999 et 2000 dans une mini-série en trois numéros, intitulée Fortune & Glory ("A True Hollywood Comic Book Story"), petit projet autobiographique détaillant cette séquence mouvementée où l'industrie des images en mouvement semblait être prête à accueillir les auteurs de bandes-dessinées... à défaut de leur ouvrir la porte pour de bon.
Plus de vingt ans se sont passés depuis, et si Bendis a fini par voir certains de ses projets adaptés à Hollywood (Spider-Man : Across the Spider-Verse, Powers, Jessica Jones, etc), le bonhomme ne s'est jamais franchement intéressé à l'idée de poursuivre ce travail d'autofiction. Jusqu'à récemment. N'espérez pas entendre parler des ravages imposés par les gestionnaires de Marvel, l'effondrement de l'univers Ultimate, les raisons de son départ chez DC Comics ou les anecdotes de plateau du premier Iron Man (où lui et Mark Millar avaient joué le rôle de super-consultants). Non, le bonhomme a préféré s'intéresser à un sujet plus étrange encore, une anomalie dans l'histoire des adaptations de comics : la comédie musicale Spider-Man : Turn off the Dark, tentative infructueuse de porter les aventures de l'homme araignée sur les planches de Broadway. Le croiriez-vous ? Bendis, toujours dans les bons coups, avait participé au projet.
The Spider-Man Cometh
Librement adapté du film
Spider-Man 2, sur une musique originale des compositeurs
Bono (
U2) et
The Edge, la production de
Spider-Man : Turn off the Dark est entrée dans l'histoire de la scène comme une authentique catastrophe industrielle de très grande ampleur. La difficulté de restituer les cascades du héros sur un plan très concret (à coups de harnais et de systèmes de câblages) aura causé de nombreuses blessures de la part des cascadeurs, l'équipe créative n'aura eu de cesse d'évoluer au fil des versions et des réécritures, des compagnies d'assurance qui refuseront de couvrir les risques d'accident pour les comédiens, l'ouverture de la pièce sera repoussée maintes et maintes fois avant d'être annulée pour de bon - en bref, une malédiction en bonne et due forme qui aurait, selon la légende, coûté 60 millions de dollars de pertes sèches aux producteurs de cette piètre et tumultueuse aventure. Si le grand public savait déjà
que le brave Roberto Aguirre-Sacasa, dramaturge de formation, fan de comics et futur auteur des comics
Afterlife with Archie et
Chilling Adventures of Sabrina, avait participé à l'écriture du projet, le nom de
Brian Bendis n'avait jusqu'ici presque jamais été mentionné dans le narratif de ce petit feuilleton.
Aussi, le bonhomme prend sur lui de raconter ce qu'il a vécu sur place, dans une sorte de suite aux premiers comics
Fortune & Glory. A ceci près que cette fois, la publication aura lieu sur la plateforme
Substack (via la newsletter "
Jinxworld") et ne sera pas illustrée par lui mais par l'artiste
Will Balko sur une mise en couleurs de
Wes Dzioba. Le style graphique correspond plutôt bien au minimalisme de la première série, et permettra à
Bendis de ne pas investir trop de temps dans ce petite caprice biographique, dans la mesure où l'auteur
est déjà très occupé sur d'autres fronts.
Voici le communiqué de presse, pour plus de détails :
"En plein pendant le succès sans précédent de la série Ultimate Spider-Man, et en parallèle de l'énorme succès des films Spider-Man au cinéma, Brian Bendis reçoit un coup de téléphone que personne n'aurait pu prévoir. Spidey était en route vers Broadway, et on avait pensé à Bendis pour collaborer avec une équipe composée de vedettes du rock pour aider le personnage à "trouver sa voix" sur les planches. Saura-t-il passer outre sa méconnaissance complète du monde des comédies musicales, or sortira-t-il par la petite porte avant même que la production ne commence ?"
Mystère. Plus loin, le scénariste explique que cette envie de ramener Fortune & Glory sur le devant de la scène s'est matérialisée lorsque celui-ci s'est aperçu que cette petite période de sa carrière était probablement aussi bizarre que ses débuts à Hollywood - et que celle-ci avait donc un intérêt à être racontée avec un peu de retard. Vous pourrez retrouver les différents épisodes de cette nouvelle histoire sous le titre "Fortune & Glory : The Musical" à rythme hebdomadaire sur la newsletter "Jinxworld" de Bendis.
En parallèle, les éditions Oni Press annoncent une réédition de Fortune & Glory : A True Hollywood Comic Book Story pour le 5 avril 2023 aux Etats-Unis, dans la version colorisée par Matthew Wilson et avec la préface de Paul Dini (sortie il y a trois ans pour la toute première fois).
