La saison des moissons suit son cours chez Disney. A l'instar d'un papa qui rentre du travail et découvre que les gosses ont mis la maison en désordre, fumé ses cigares et dessiné sur ses recueils de Raymond Chandler, Bob Iger a décidé de sévir. Rappelé à la présidence de Disney après la mise à pied de Bob Chapek, le nouveau PDG doit désormais remettre de l'ordre dans les affaires courantes - et compte tenu du climat économique actuel pour les industries culturelles et créatives, les plans d'économie risquent de se multiplier. Une première vague de licenciements (massive) s'est abattue sur le groupe Disney, pour couper dans la masse salariale. Reste maintenant à économiser sur les budgets de production.
L'abondance n'en finit plus de finir
La rédaction du Hollywood Reporter publie une tribune qui détaille le cas particulier de Marvel Studios dans ces priorités d'économies. Le département, présidé officiellement par Kevin Feige depuis quelques années, est le premier concerné pour deux raisons : d'abord parce que celui-ci est le principal fournisseur de contenus à forte valeur ajoutée (pour retour sur investissement) à la fois au cinéma avec une moyenne de trois films et trois séries télévisées par an depuis le lancement de Disney+, mais surtout, parce que le moindre contenu coûte cher. Et si Feige aura certainement pu profiter d'une certaine latitude pendant les années Chapek, au point de dépenser énormément pour des résultats souvent décevants sur le plan des visuels, Bob Iger ne compte pas accorder de traitement de faveur à son ancien poulain cette fois ci.
Selon une source interne à l'entreprise, "
il va y avoir un nouveau degré de rigueur appliqué aux productions Marvel et à l'ensemble du groupe. Les chiffres ont une importance nouvelle, désormais, et le contrôle des coûts va être renforcé et appliqué."
Iger avait déjà évoqué une réduction
dans la création de contenus originaux pour la nouvelle année fiscale. Et pour cause, selon le
Hollywood Reporter, les séries
Echo et
Ironheart, initialement attendues pour cette année, devraient être repoussée à 2024 en définitive pour étaler et répartir sur le temps long les coûts de lancements et les dépenses publicitaires.
L'idée est aussi de ne pas concentrer toutes les sorties sur une période aussi courte : la plateforme Disney+ a effectivement acquis une base d'abonnés assez solide pour se permettre de ne plus cracher la même quantité de contenu (coûteux) à l'année. Aussi, plutôt que de sans cesse remettre la machine en marche, et d'injecter des dizaines de millions pour créer de nouvelles exclusivités, Marvel Studios va pour le moment se contenter de ce qui a déjà été annoncé (voir surtout : de ce qui a déjà été tourné) et rationner les sorties au strict nécessaire. Si le groupe Disney estime que trois séries par an suffisent, cette année, le public devra se contenter de Secret Invasion, Loki et Agatha : Coven of Chaos.
Cette envie de ralentir les machines, pour éviter de dépenser le budget de cinq séries par an, va forcément mettre en retard certains projets déjà annoncés. L'adaptation de
Nova, attendue depuis de longues années
et finalement mise en production récemment pour la plateforme
Disney+, a par exemple été immobilisée pour le moment. En somme,
Bob Iger assume ouvertement cette posture de la fin de l'abondance programmée. La bulle du marché du streaming
a atteint son pic, et le conglomérat ne peut plus tenir la cadence pour des productions aussi onéreuses en suivant l'accélérationnisme des années passées. Le rêve d'une
Marvel Studios capable de produire du contenu à la pelle sans jamais s'arrêter ou regarder à la dépense est en train de s'éteindre, et les ambitions gargantuesques de
Kevin Feige se heurtent au mur froid des plans de rationnalité budgétaire.
"Vous pouvez sortir 10 séries télévisées médiocres, ou vous pouvez en sortir 5 qui sont bonnes." commente une autre source à propos de la situation interne au groupe Disney. S'il ne vise pas directement (ou nominativement) la Phase 4 de Marvel Studios, le résumé en dit assez long sur le changement de philosophie que Bob Iger compte appliquer à la barre du navire. En particulier quand le retour au cinéma de la saga Star Wars se précise peu à peu à l'horizon, avec les budgets nécessaires à des productions de cette taille et des conversations qui commencent à se concrétiser avec le scénariste Damon Lindelof.
