C'était à prévoir. Suite à l'escalade rapide des prix sur le marché des NFTs en l'espace de deux ans, quelques grands artistes de l'industrie tablent sur cette technologie nouvelle pour épaissir leurs propres portefeuilles. Certains vont toutefois un peu plus loin : Frank Miller a par exemple basé l'ensemble du business model de sa petite maison d'édition, Frank Miller Presents, sur la vente de photos de profil générées par algorithme sur la base de son travail. De son côté, Todd McFarlane opte pour un principe de vente d'art en direct, en s'associant avec le DJ Steve Aoki pour monter sa propre antenne, Oddkey, dédiée à la commercialisation numérique d'originaux et de morceaux de musique.
La Maleboldgia
La plateforme Oddkey devrait pour le moment se cantonner aux créations de ses deux fondateurs. Du côté des comics, McFarlane propose de commercialiser ce qui s'apparente à un scan de la couverture de Spawn #301, distribuée à hauteur de 500 exemplaires. 50 de ces versions numériques d'une image que vous pouvez trouver sur Google comprendront des signatures "intégrées" et réalisées à la main, autrement dit, une surcouche sur l'image qui intégrera la griffe du dessinateur. Et 3 autres versions plus rares seront fournies avec un NFT d'un dessin en noir et blanc également réalisé à la main. Les transactions seront réalisées via la cryptomonnaie Solana (SOL), où un jeton équivaut à 50 dollars en moyenne selon les fluctuations du marché.
A terme, McFarlane prévoit de faire de Oddkey une plateforme basée sur le modèle d'Image Comics, où les artistes seront libres de poster leurs créations. Le bonhomme ne précise pas les modalités de cette envie de grouper les travaux des autres - on ne sait pas si la plateforme touchera un pourcentage, si McFarlane et Aoki s'autoriseront un droit de regard ou s'il ne s'agit que d'une annonce en trompe-l'oeil pour expliquer que d'autres artistes d'Image Comics auront la possibilité de participer à l'effort général. D'autres plateformes de ventes de NFTs existent déjà, et beaucoup d'entre elles sont ouvertes aux particuliers. L'aspect révolutionnaire d'Image Comics ne s'applique pas dans ce cas de figure.
Comme d'habitude, le problème est moins de suivre l'appétit d'artistes millionnaires sur la route de cette nouvelle ruée vers l'or - ou de remettre en question du principe même de l'achat de NFTs, qui fonctionnent comme des versions payantes de simples JPEG gratuits. La société dans son ensemble paraît avoir déjà capitulé face à l'effet de masse et au pouvoir des marques, des influenceurs peu scrupuleux se chargent de convertir la jeunesse pour transformer une arnaque à la mode en norme viable à terme, et puis, après tout, chacun a bien le droit de se persuader qu'un certificat d'authenticité représente un objet réel et concret. Encore que l'argument de la possession est simplement le ticket d'entrée qui mène au but véritable de cette technologie : créer un marché spéculatif et récolter de l'argent à coups de transactions chiffrées.
Mais, pour voir plus loin, le problème de la dépense énergétique demeure. La technologie des NFTs reste gourmande en énergie, et la croissance perpétuelle de ce petit marché (qui alimente au passage la sphère des cryptomonnaies) génère une pollution qui n'a rien d'une question de point de vue. A l'inverse de
Frank Miller, cela dit,
Todd McFarlane n'a jamais prétendu être particulièrement soucieux de ce genre de problématiques environnementales ou de la survie de l'espèce humaine en général, et a toujours cherché
à se positionner sur les nouvelles technologies pour se faire de l'argent. Mettons, au moins, que le bonhomme a le mérite de la cohérence.