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Amazing Fantasy #15 : nouveau record d'enchères avec 3,6 millions pour un exemplaire du numéro

Amazing Fantasy #15 : nouveau record d'enchères avec 3,6 millions pour un exemplaire du numéro

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Sur le marché de la vente d'art, la bande-dessinée occupe une place restreinte. En périphérie des toiles d'Enki Bilal ou des originaux d'Hergé, qui empilent les montants à six chiffres dans le cadre d'enchères privées, le comics américain opère sa propre petite ascension depuis quelques dizaines d'années : cotes, évaluations d'état, spéculation, un écosystème calqué sur les collections standardisées, sur une niche des collectionneurs spécialisés qui prend de plus en plus de poids à chaque record battu.

Golden Spider

Cette inflation des sommes engrangées dans les salles de ventes aux enchères tient surtout à l'action d'une société précise : Heritage Auctions, une structure dont le nom semble devoir revenir à chaque fois qu'un numéro de comics frappe le pallier symbolique du million de dollars. Spécialisée au départ dans l'échange de "numismatiques", autrement dit, les pièces de monnaie de collection, l'enseigne basée à Dallas, Texas, se tourne vers l'économie du web en 1996 à l'avant-front de la révolution des enchères en ligne, et intègre un département dédié à la vente de bande-dessinées dès 2001. Plus tard, celle-ci fera le choix d'étendre ses activités aux collectables du cinéma, de la musique et du jeu vidéo au cours des années suivantes. Une chasse aux raretés sur des secteurs n'obéissant pas forcément aux standards de l'art traditionnel, qui profite aux organisateurs.
 
En vingt ans, le marché a donné raison à HA : l'entreprise supervise de nombreuses transactions importantes sur le terrain de la rareté en comics, en organisant la plupart des sessions d'achat à millions de dollars de ces dix dernières années. Lorsque Nicolas Cage finira par céder son exemplaire d'Action Comics #1 en 2012 suite à une série de mauvais placements, le numéro part pour la somme record de 2,16 millions de dollars. A l'époque, il s'agit du montant la plus important jamais versé pour un numéro de BD. Plus tard, l'entreprise sera encore à la manoeuvre lors de la vente des Marvel Comics #1 (parti à 1,26 millions de dollars) et Batman #1 (parti à 2,22 millions de dollars) en 2019 et en 2021. D'autres records ont aussi été observés sur des lots de plusieurs pièces : plus d'une 12 millions pour une collection d'originaux, parmi lesquels une pièce de l'artiste Frank Frazetta vendue à 1,79 millions, puis plus de 20 millions récemment pour un lot de quelques milliers d'objets, lors de l'événement "Promise".
 
Récemment, une nouvelle vente aux enchères organisée par HA autour d'un exemplaire d'Amazing Fantasy #15 (1962) de Stan Lee et Steve Ditko, première apparition du personnage de Spider-Man chez Marvel, décroche un nouveau record de 3,6 millions de dollars. L'exemplaire avait reçu une évaluation très favorable de la part des instances responsables. Mais, cet impressionnant paquet de pognon pose tout de même la question légitime de la spéculation à l'achat. Jusqu'ici, le record était détenu par un exemplaire d'Action Comics #1 (1938) d'une qualité exceptionnelle, vendu pour 3,25 millions lors d'une vente organisée par le site plus spécialiste ComicsConnect il y a seulement quelques mois, en avril dernier.
 
Si les évaluations de la Certified Guaranty Company (CGC), entité cruciale pour l'estimation de l'authenticité et de la bonne conservation des objets de collection, joue pour beaucoup dans cette flambée des prix, le fait est que le numéro Amazing Fantasy #15 n'avait jamais atteint de telles sommes lors d'acquisitions similaires au cours des dernières années. Même pour des exemplaires classés "near-mint", autrement dit, en "état d'origine" ou "état parfait" : trois autres copies de la première aventure de Spider-Man notées au dessus du 9.0 "near-mint" ont trouvé preneurs récemment, une fois en 2011 pour 1,11 millions de dollars, une autre en 2016 pour 454.000 dollars, et une autre en 2018 pour 415.000 dollars. Le président de Heritage Auctions parle d'une évolution sensible du marché, avec un accroissement des sommes et de la masse des acquéreurs potentiels. En 2019, la branche de l'entreprise dédiée à la vente de bande-dessinées accumulait l'équivalent de 79 millions de dollars amassés lors de différentes enchères publiques sur le web, en marquant une progression de plus de 20 millions par rapport à l'année précédente.
 
Si la spéculation n'est pas une donnée nouvelle dans les habitudes de consommation excessive de l'industrie des comics, d'aucuns redoutent de voir le marché de l'art accueillir une nouvelle bulle tournée vers les comics rares, en trompe l'oeil d'un effet de mode justifié aux yeux de la presse et du grand public par la popularité de ces personnages à l'aune des adaptations. A titre d'exemple, le numéro d'Action Comics #1 vendu à 3,25 millions au mois d'avril avait été acquis par le vendeur juste trois ans auparavant, pour 2 millions de dollars. Une prise de valeur intéressante - ou presque risible en comparaison de l'exemplaire de Nicolas Cage du même numéro, acquis pour 150.000 dollars près de quinze ans avant la vente aux enchères organisée par HA. Une plus-value représentant plus de 2 millions.
 
Fier d'avoir accompagné ou enclenché cette ascension fulgurante, le vice-président de Heritage AuctionsBarry Sandoval, s'était exprimé sur le sujet au sortir d'une vente par lots, au cours de laquelle plus de 22 millions de dollars étaient passés de mains en mains sur l'ensemble des objets proposés à l'achat. La "Promise" Pedigree Collection, en juin dernier, avait couvert une longue série de transactions éparpillée sur plus de cinq milles comics de l'âge d'or, conservés dans un état exceptionnel. Si l'événement attirera plusieurs milliers d'intéressés sur le site web de HA, 7 millions auront été collectés dès le premier jour sur seulement 181 de ces différents exemplaires.
 
"Je me souviens quand nous étions heureux d'avoir généré 15 millions de dollars sur toute une année de vente pour le département comics. Et regardez où nous en sommes : 22 millions en seulement trois jours."

Si la plupart de ces enchères ne dépassent pas les montants à quatre, cinq ou six chiffres, la quantité d'investisseurs mobilisés pour ces offres publiques d'achat grandit chaque année. Sur les sommes plus importantes, difficile de savoir combien de Nicolas Cage, authentique passionné de Superman aux poches pleines, se terrent dans la mêlée - à l'image d'autres secteurs du marché de l'art spéculatif, ces objets représentent surtout une valeur faciale, une diversification d'acquisitions ou la possibilité d'une plus-value d'ici quelques années pour leurs nouveaux propriétaires, tant que la bulle continue d'enfler. En parallèle de cette frénésie sur le secteur du comics, HA se penche également sur les collectables de l'industrie du jeu vidéo ou assimilés depuis quelques années. Un autre territoire à défricher pour ces géants de la collection insolite : en janvier, une enchère autour d'un set de cartes à jouer Pokémon de première édition partait pour 400.000 dollars. Il y a quelques semaines, un exemplaire jamais déballé du jeu Mario 64 était cédé pour la somme record de 1,64 millions lors d'une vente organisée par l'entreprise, comme pour acter la viabilité de cette nouvelle bulle potentielle.
 
Ce dernier ajout dans une longue liste d'ébullitions économiques ne passe pas inaperçu sur la scène publique des loisirs numériques, et attirera notamment l'attention du vidéaste Karl Jobst. Ce-dernier accusera publiquement Heritage Auctions et l'organisme d'évaluation Wata Games de fabriquer artificiellement une nouvelle flambée des prix sur le marché du jeu rétro' pour capitaliser sur une éventuelle tendance en devenir, dans la foulée de l'explosion des sommes sur l'achat d'objets rares dans le secteur de la bande-dessinée. Les deux entreprises réfutent l'accusation. Pour l'heure, l'emballement global sur ces secteurs rangés dans les niches de la culture "populaire" intéresse manifestement nos amis millionnaires, tandis que le gros du patrimoine comics sommeille sous scellé dans les archives des éditeurs encore en poste depuis les années quarante, ou sur le web pour les bande-dessinées tombées dans le domaine public. Gardons le moral : cette part des collectionneurs reste a priori moins nocive pour l'environnement que les acquéreurs de NFTs.
 
Corentin
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