Pour l'industrie des adaptation de comics, énormément d'idées fascinantes paraissent avoir été enterrées un peu vite dans cimetière des projets tués dans l'oeuf. Des oeuvres qui auraient pu changer le regard que porte le grand public sur le cinéma de super-héros, souvent rangé dans la case du divertissement automatique et jetable après usage - prenez le film Batman de Darren Aronofsky, le Spider-Man de James Cameron, le Wolverine de Matthew Vaughn, ou le Deathstroke de Gareth Evans.
Une longue liste de propositions intéressantes, qui s'étend à mesure que les années passent et que les metteurs en scène de tous bords évoquent ces oeuvres qui n'ont pas été commandées. Récemment, le réalisateur Joe Carnahan (L'Agence Tous Risques, Mise à Prix) s'entretenait avec la rédaction de Den of Geek au sujet de son dernier film, Boss Level. Le bonhomme évoque une trilogie Daredevil proposée à la 20th Century Fox au début de la dernière décennie, à l'époque où le studio détenait encore les droits de l'Homme Sans Peur.
Born Again
Après l'échec du Daredevil de Mark Steven Johnson en 2003 (et de la catastrophe Elektra en 2005), la Fox abandonne pour un temps l'exploitation de la franchise Daredevil. Le studio garde toutefois la main sur les droits du personnage, achetés pour une période donnée, et assiste à la fin de la décennie à l'essor de Marvel Studios avec l'arrivée de nouvelles propositions pilotées par Kevin Feige et Jon Favreau. Entre 2011 et 2012, les décideurs se réveillent enfin, à quelques semaines de rendre Matt Murdock à Marvel, et consultent Carnahan pour une proposition de script mettant en scène le Diable de Hell's Kitchen.
Connu pour son talent de metteur en scène dans le cinéma d'action, le bonhomme imagine une trilogie très largement inspirée par le run de Frank Miller et Klaus Janson, une série de thrillers basés entre les années 1970 et 1980 sur une base plus sombre et pessimiste que le film de Johnson. Les différents volets auraient fonctionné par période, avec Daredevil '75, Daredevil '79 et Daredevil '85, en accord avec les sensibilités rock de Carnahan pour correspondre à différentes époques et différentes imageries.
"Je me souviens quand j'avais 11 ans et que j'avais lu la mort d'Elektra. Découvrir cette case où Bullseye empale Elektra sur sa propre arme, son sai japonais... Cette image a eu un effort fort sur l'enfant que j'étais. A l'époque je m'étais dit 'oh c'est quoi ce bordel', vous voyez ce que je veux dire ? J'étais sous le choc. Je me souviens avoir pensé 'les comics ne seront plus jamais les mêmes dorénavant.' Ensuite Daredevil balance Bullseye du toit et manque de le tuer. Wow. C'était vers ça que j'avais envie de revenir.
Pour moi, Daredevil a toujours été un personnage qui aspirait à un projet Rated-R, quelque chose avec laquelle on devait aller vers du sombre, du sale, du difficile à endurer."
L'esprit du
Marvel Studios de l'époque aurait sans doute eu du mal à s'accorder avec cette orientation plus noire - pour rappel, la série
Daredevil de
Drew Goddard, également inspirée en bonne partie par le travail de
Frank Miller, avait été produite sans l'aval de
Kevin Feige par le département
Marvel Television et par
Netflix. Le président du studio a, depuis, donné son point de vue sur la question : les films Rated-R
ne sont pas au programme de l'agenda Marvel Studios et les personnages des séries
Defeders sont à considérer
comme nuls et non avenus.
Passé à autre chose, Carnahan aurait probablement pu se faire produire sa trilogie à l'époque, la 20th Century Fox représentant alors une alternative plus sombre aux produits Disney et une enclave capable de travailler avec des cinéastes exigeants, à l'image de James Mangold sur Logan. Si le retour de Daredevil sur les écrans n'est pas inenvisageable dans un avenir proche ou lointain, on regrettera tout de même cette opportunité manquée, de confier l'Homme Sans Peur à un authentique fan de Frank Miller pour une adaptation fidèle et sans compromis, pour rendre hommage à l'un des plus grands volumes de super-héros de l'histoire de la Maison des Idées. Peut-être une autre fois.
