Dans la catégorie des opérations commerciales participatives, Warner Bros. annonce le lancement du programme DC Ambassador par communiqué de presse. L'idée consiste à proposer aux gens de candidater pour devenir les représentants de deux personnages précis, Batman d'un côté, pour les postulants, et Wonder Woman pour les postulantes. L'offre se limite aux Etats-Unis pour le moment, et quantifie les besoins actuels à huit ambassadeurs et sept ambassadrices, qui seront annoncés le 13 avril prochain.
De quoi s'agit-il concrètement ? Dans l'idée, les vainqueurs auront pour mission de fabriquer un contenu ludique et hypothétiquement viral autour de leur passion pour DC Comics. En échange de ce travail (qui porte le nom d'agent publicitaire ou commercial au niveau institutionnel, ou bien simple influenceur sponsorisé dans les zones grises du présent), les ambassadrices et ambassadeurs recevront un accès anticipé à certains produits des enseignes DC Entertainment. La question des gains est en fait assez obscure - voilà comment le communiqué décrit la "rémunération" symbolique proposée aux participants :
"Les DC Ambassadors obtiendront un accès exclusif, anticipé, à toute une série de produits nouveaux et excitants et à des expériences inspirées par ces personnages. [...] Ce groupe d'élite de mères, de pères, de tantes, d'oncles ou de familles de fans gagneront également une expérience inestimable (ndlr : "money-can't-buy") de DC Comics et des réductions via le département marketing d'Amazon Associates."
La contrepartie devient donc assez difficile à quantifier, dès lors que Warner Bros. met bout à bout les mots "exclusifs" et "anticipés", sous-entendant que ces gains ne seront que des exclusivités temporaires sur des produits ouverts au public dans un second temps. Dans l'absolu, on aurait envie de comprendre que les membres de DC Ambassadors auront seulement la possibilité d'acheter certains produits avant les autres, ou avec des réductions sur une boutique en ligne tenue par Amazon. Une curieuse rémunération, qui se résume à "travaillez pour nous gratuitement, et, en échange, vous aurez la possibilité d'acheter nos produits un peu moins cher".
Le département en charge de ce projet parle de créer du "contenu social", évoluant manifestement autour de l'idée du groupement familial. Sur le site de Tongal, la plateforme de branding à l'origine de cet intermédiaire entre l'entreprise et ses consommateurs (qui s'est manifestement occupée elle-même de rédiger sa page Wikipédia, vu la quantité d'infos masturbatoires affichées dans les colonnes de cette encyclopédie en ligne), les profils recherchés se cadrent autour de la trentaine/quarantaine pour des adultes avec enfants, nièces ou neveux. Une méthode consistant à mobiliser une armée d'hommes ou de femmes sandwichs pour leur demander implicitement de mettre leur famille au service de la publicité fabriquée. Y compris, voire surtout, les plus jeunes. Là-encore, sans la moindre rémunération.
En parallèle d'une économie du net de moins en moins poreuse aux budgets publicitaires, en dépit de l'apparition généralisée du sponsoring de marques sur les réseaux sociaux (pour des influenceurs cherchant à monétiser leur activité), il sera toujours important de rappeler les dérives du travail gratuit orchestré par les grandes marques sous la forme de concours depuis l'apparition du web participatif. Sur ce sujet, les exemples ne manquent pas. Qu'il s'agisse de la fameuse "exposition" vantée par les commanditaires ou de validation par le sentiment d'appartenance à un groupe ou une entité culturelle quelconque. Dans la perspective d'une évolution (réelle) des gains pour les ambassadeurs, il y aurait de quoi reprocher à Warner Bros. cet abus emballé dans de jolis termes marketings, pour peu que le communiqué couvre réellement l'intégralité des retombées dont bénéficieront les participants.
