Le succès de Marvel Studios aura-t-il un jour fini d'être copié ? Devant l'insolente réussite de l'univers partagé développé par Kevin Feige, Paramount Pictures prévoit de son côté de se lancer sur le marché des adaptations de comics, en parallèle de projets déjà annoncés, à l'image de nombreuses autres sociétés ou grandes structures montées sur le même principe d'imitation. A se demander ce qu'il restera, à terme, à adapter une fois la poussière retombée.
Le cas de ce studio est cependant plus particulier que certains opportunistes intervenus au fil de ces onze dernières années. En effet, avant que Marvel ne rejoigne les nombreuses propriétés du groupe Disney, Paramount s'était chargé de distribuer les premiers films de Marvel Studios, et cela a longtemps été le cas en dehors des Etats-Unis, même après validation du rachat effectif. Vous vous souvenez peut-être du logo montagnard de la société sur Blue d'Eiffel 65 dans les premières secondes d'Iron Man 3 ?
Décidés à rattraper une manne qui leur échappait depuis que Walt Disney Studios a repris en main la distribution avec le premier Avengers, Paramount investit à son tour dans une franchise née de la bande-dessinée. Steven Paul, un producteur vétéran et au parcours relativement peu enthousiasmant, a passé les dernières années à négocier avec la société un projet sur plusieurs films inspiré par la méthode Marvel Studios. Dix projets de scripts auraient été commandés, supervisés par Akiva Goldsman - là-encore, un nom pas forcément rassurant, responsable de The Dark Tower, I, Robot ou encore les deux Batman de Joel Schumacher - et Spike Seldin, producteur de l'Agence Tous Risques de Joe Carnahan.
Le budget des premières productions devrait avoisiner les soixante millions, et, en cas de succès, un rythme d'un film par an serait prévu d'ici les premières années. Concernant la matière première, Paramount a cru bon d'investir dans la franchise Atlas - et il est probable qu'une incompréhension guette les licences potentielles concernées par ce nom, représentant deux sociétés distinctes fondées par Martin Goodman, le célèbre fondateur de Timely (Marvel) Comics.
Après la Seconde Guerre Mondiale, Timely, éditeur de super-héros célèbre pour l'invention de Captain America, Human Torch et le Sub-Mariner, évolue vers Atlas au moment du grand désamour des super-héros. Collant à la tendance des comics de western, de romance et d'horreur qui accompagnent les années 1950, Atlas survivra jusqu'au retour en grâce des personnages costumés et la passation de pouvoir de Goodman à Stan Lee, pour l'invention des Fantastic Four en 1961.
L'époque Atlas représente donc bien une ère de Marvel Comics, plus précisément, la moins portée sur les personnages de justiciers qui ont fait le succès de Marvel Studios ces dernières années. Variety, qui se fait le porte-parole de l'annonce, explique que Paramount et Steven Paul ont acquis les droits de l'héritier direct de Martin Goodman - son petit-fils Jason, qui officiera aussi à un titre de producteur honorifique. La plupart des super-héros de l'ère Atlas font toujours partie du catalogue de Marvel, à l'exception de ceux tombés dans le domaine public. Là où il ne serait pas impossible d'imaginer que d'autres segments de la culture BD (les romances, l'horreur ou les westerns) n'intéresse également les studios, on imagine mal comment un pareil projet d'adaptation, même estampillé "comics" aurait pu motiver Paramount sans une proximité réelle avec la formule Marvel Studios.
L'autre possibilité est donc la société Atlas/Seabord de 1974, également baptisée Atlas Comics et fondée par Martin Goodman quand le géant avait accepté de vendre Marvel en 1968. Si cette triste aventure n'aura duré qu'une année, et mobilisé les talents de Neal Adams, Steve Ditko ou Wally Wood, on y retrouve un catalogue de personnages plus importants du côté des super-héros, pour la plupart inspirés par les mythes de l'horreur. Se poserait tout de même un problème de matière, puisqu'aucune des séries du second Atlas Comics n'a dépassé les quatre numéros.
En résumé, un projet qui vient encore une fois s'intercaler dans la traînée de Marvel Studios et pas nécessairement pour les bonnes raisons. Il est très probable que Paramount n'ait accepté de signer que contre cette garantie, plus symbolique qu'autre chose, de cousinage indirect avec Marvel sur une franchise de long terme où on peine à citer un seul héros porte-étendard. Paradoxalement, personne n'aura jugé bon de mettre des billes sur des titres plus connus, comme les héros Milestone, Savage Dragon, les comics Avatar Press, ou les vieux héros pulps bien plus célèbres de Dynamite, quoi que le micmac des ayant droits soit sans doute plus complexe à détailler.
On attendra de premières annonces, en gardant le sourcil levé d'un air hautement circonspect.