Le Fresh Start bat son plein, chaque semaine apporte son lot d'énièmes innovations utiles pour renouveler des héros que l'on a pris sous tous les angles possibles au fil des derniers relaunchs. Là où certains se recentrent sur les bonnes vieilles valeurs (soit, les meurtres et les cavales), le cas est tout de même différent pour Doctor Strange. L'entrée en scène de Mark Waid sur le Sorcerer Supreme reste plutôt passéiste, mais pas nécessairement là où on l'attend - au sens où le scénariste va chercher dans un passé différent de celui de Strange, celui des récits à la John Carter ou Flash Gordon, celui de l'aventurier spatial.

D'entrée de jeu, Waid part sur une scène "d'action" métaphysique qui place (on imagine) un arc de long terme, avant d'enchaîner sur une narration interne typée Bronze Age. Le numéro est assez avare en dialogues et pose son idée avec les bons outils : Strange perd l'usage de sa magie et se retrouve isolé, perdu, coupé du rôle qu'il aura toujours occupé au sein du monde de Marvel. Le récit arrive à placer pas mal d'émotions en quelques pages sur la déchéance de son héros, avec un style qui se limite à une voix de narration, comme aux belles heures de Ditko (l'hommage est probablement voulu).
Waid renverse la perspective de l'homme de science et de l'homme de foi en tournant son récit vers Iron Man, guide intellectuel d'un début de solution : tourner Strange vers les étoiles. Certaines planches de Jesus Saiz ressemblent à des couvertures de vieux bouquins de science-fiction, un autre hommage assez manifeste qui va vers l'idée simple : le barbichu est désormais un explorateur galactique. Direction innovante, qui se boucle sur un premier angle très aventurier. Le docteur devra s'évader de prison, sauver une planète et une princesse galactique éventuellement, ou libérer une colonie d'esclaves de mineurs d'épices cosmiques. Pourquoi pas, mais en définitive, pourquoi ?
Pas honteuse du tout, cette piste de réflexion de Waid aura tout de même à se justifier sur la durée. L'idée est sans doute de renverser l'héritage du héros, qui visite généralement un autre type de territoires inconnus et va ici chercher dans quelque chose de plus spatial que cosmique. A moins que le scénariste ne cherchait qu'un support neutre pour donner dans une petite nostalgie personnelle à la Flash Gordon. Et au fond pourquoi pas, puisqu'assez peu de séries Marvel proposent cette ouverture vers cette conception à l'ancienne de l'espace, assorti avec cette narration poussiéreuse où les curieux de redécouvrir un genre perdu pourront se retrouver. On attend tout de même une visée vers un arc de long terme, pas encore défini.
Côté dessins, Saiz fait le job avec de jolis hauts et d'étranges bas : photoréaliste par endroits, en décalage entre les personnages et le décor à d'autres, l'artiste est surtout à son aise sur les créations originales et les paysages, avec de superbes fonds et effets. Son Iron Ship ou sa planète spatiale donnent une idée de pourquoi l'artiste est venu travailler sur la série, donner vie à des civilisations fictives. En somme un numéro généralement bon et une promesse intrigante, qui gagne à ne pas être un énième pôle magique où Strange ne serait qu'un héros prétexte à ouvrir les portes du mystique à la Marvel, qui s'intéresse surtout ici à son personnage et le transporte dans un contexte original.

Doctor Strange #1, un numéro attrayant avec un peu de nouveautés. Peut-être que l'éloignement des enjeux associés au marketing croisé permettent enfin de se faire plaisir avec des héros que l'on peut mener vers d'autres directions, peut-être était-ce un caprice de Waid, peut-être que Marvel cherchait à éviter le bis repetita. En attendant, sans être un coup de coeur résolu, l'idée tient la route et a au moins le mérite de rendre curieux, voire intéressé pour ceux qui voudraient redécouvrir un peu d'aventures spatiales sur fond de quête magique, avec (souvent) de jolis dessins.
14 Juin 2018
Arnaud LehuePersonnellement, la situation dans laquelle est Strange à la fin du numéro ne m'intéresse pas du tout, puisqu'il est rendu à l'état de héros quelconque (et même pas attachant dans sa caractérisation, ce qui n'aide pas) dans une intrigue spatiale vraiment basique, vue et revue (je parle bien de la situation de fin de numéro et pas de la quête globale de Strange).
Et je suis assez déçu du dépouillement qui est fait de l'univers du héros. Honnêtement, défausser en permanence les personnages secondaires de Strange me semble une idée vraiment débile de scénaristes et éditeurs qui pensent visiblement toujours à court terme, à leur propre récit, et pas à la mythologie du personnage sur le long terme. Mais bon, la gestion du supporting cast entre les différents runs d'auteurs c'est globalement le fléau moderne des séries super-héroïques...
14 Juin 2018
Ian0delondJ'ai trouvé ce numéro vraiment bof. Strange qui reperd ses pouvoirs ne m'a pas emballé. Ca part dans une direction interessante, mais je sais pas si Waid va réussir à exploiter ce genre de concepts. Ces tentatives de cosmique sur Avengers n'étaient pas des plus mémorables.
Le plus faible des relaunchs Fresh Start pour ma part.