En plein préparatifs pour leurs deux prochaines prestations chez Marvel Studios, les frères Joe et Anthony Russo enchaînent les interviews depuis quelques semaines. Et forcément, les différentes rédactions qui ont accueilli ces deux architectes en mission pour terminer la saga du Marvel Cinematic Universe sous sa forme actuelle en ont toutes profité pour poser deux ou trois questions sur le sujet. Quelques premiers détails sont déjà sortis de ce ces échanges : le fait que les deux films (Avengers : Doomsday et Avengers : Secret Wars) allaient être tournés coup sur coup, pour mobiliser les équipes sur une seule grosse période, et le fait que Robert Downey Jr. avait visiblement envie de s'impliquer dans la création du personnage de Doctor Doom au point de proposer des idées sur le costume. Ce qui veut sans doute dire que cette version de Fatalis sera équipée de ses propres lunettes de soleil, d'une moustache, d'une barbichette et d'une cravate.
Secret Wars : Laquelle ?
En l'occurrence, pour le sujet du jour, les frères Russo ont surtout évoqué le support qui servira de matière principale pour le projet Avengers : Secret Wars. Ca n'aura échappé à personne : dans les comics, il existe bien deux versions de cet événement, globalement articulées selon le même principe du "Battleworld", mais qui répondent à deux logiques diamétralement opposées. Dans la première version, publiée en 1984 et pilotée par celui qui était alors l'éditeur-en-chef de Marvel Comics, Jim Shooter, l'idée était globalement d'organiser une grande bataille organisée entre différents super-héros et différents super-vilains. Au départ, le principe de Secret Wars était de soutenir une ligne de produits dérivés, et l'enseigne assumait plutôt bien cette direction consumériste à la racine d'un événement de grande ampleur.
Sans gâcher l'intrigue aux nouveaux lecteurs qui n'auraient pas encore rattrapé ce moment important de l'histoire des comics : le Beyonder, un être suprême de la famille des dieux du cosmos, se passionne pour le quotidien des justiciers de la planète Terre. Il décide alors d'organiser une grande rixe entre héros et vilains sur une planète lointaine, le "Battleworld", un genre de jeu de plateau à ciel ouvert truffé d'armes en tous genres pour permettre aux protagonistes de se taper dessus.
Et pour ce qui concerne la deuxième version : développée en 2015 par Jonathan Hickman et Esad Ribic, le titre Secret Wars fonctionne plutôt comme une "Crisis" comparable aux événements de chez DC Comics. A ce moment là, le scénariste sort tout juste de plusieurs volumes conséquents sur les Ultimates et les Avengers. Marvel entend se débarrasser d'une partie du multivers (devenue encombrante) en détruisant au passage la Terre-1610 sur laquelle opéraient les personnages de l'univers Ultimate Comics. A la suite d'un événement cosmique (Time Runs Out), les différentes réalités parallèles finissent par s'entrechoquer, s'autodétruire... jusqu'à ce que le Doctor Doom assemble quelques uns des morceaux de ces mondes perdus pour créer un nouveau "Battleworld". Le vilain s'érige alors en chef suprême de ce nouveau monde, et les derniers héros qui auront survécu au massacre vont s'organiser pour mener la charge contre lui. Encore une fois : deux optiques extrêmement différentes pour des projets qui portent le même nom.
Sur le papier, le choix proposé aux frères Russo paraît assez évident : en théorie, le film Avengers : Secret Wars devrait plutôt ressembler au comics de Jonathan Hickman et Esad Ribic. Et pourtant, les deux réalisateurs assument une passion sincère pour la première série pilotée par Jim Shooter. Voici ce qu'ils ont déclaré lors de leur passage chez Tech Radar :
"Et bien, tout d'abord notre objectif est toujours de développer 'notre' version de l'histoire évidemment. Les comics servent d'inspiration, mais avec une certaine liberté. En ce qui me concerne (ndlr : Joe Russo) j'ai grandi avec le premier Secret Wars. Ca fait partie des choses qui m'ont poussé à m'intéresser à l'univers Marvel. Le travail d'Hickman est aussi fantastique, même si les deux histoires sont très différentes l'une de l'autre pour tout un tas de raisons. Donc nous allons sans doute puiser notre inspiration dans les deux."
Alors, vous connaissez la maison : ce n'est pas notre genre de chercher à lire entre les lignes pour faire dire aux gens ce qu'ils n'ont pas dit. Bah quoi ? Arrêtez de vous marrer, c'est pas drôle. Bon. En tout cas, on ne le fait pas si souvent que ça. Enfin. Bref, vous comprendrez tout de même que cette hésitation à nommer clairement le référent le plus évident signifie sans doute que quelques uns des éléments du Secret Wars de Jim Shooter seront tout de même bien présents dans le film de Marvel Studios. Et si on avait envie de spéculer, les deux éléments les plus évidents pourraient probablement se traduire par une présence du Beyonder lui-même (c'est vrai : ça ferait un dieu cosmique, on aime bien les dieux cosmiques) ou bien du costume noir de Spider-Man... mais cette piste a tout de même peu de chance de se concrétiser, compte tenu des accords de licence entre Marvel Studios et Sony Pictures.
Une chose est sûre : le film devrait parler de multivers, avec un Doctor Doom au cœur de toute l'équation, et probablement servir à introduire les X-Men dans l'optique d'une petite refonte de la réalité sur Terre-616. Dans cette perspective, le travail de Jonathan Hickman et Esad Ribic passe donc pour l'inspiration la plus naturelle. Mais on peut toujours être surpris.