Métamorphose courante : un nouvel humoriste abandonne les gags au profit d'une fiction exigeante, dans l'idée de surprendre et de monter d'un cran sur l'échelle des possibles. Oui. Encore. C'est un peu ce qui s'était passé lorsque, en sautant du lit d'un air grave, Ben Stiller avait tapé du poing sur sa table de chevet. "Maintenant, ça suffit !" s'était alors écrié le génial Greg Furniker. "On a fait Mary à Tout Prix et Tonnerre sous les Tropiques. Mathématiquement, c'est impossible de faire mieux. J'ai atteint le pallier final de la comédie sous toutes ses formes, il est temps d'aller faire des trucs sérieux." Quelques années plus tard, le gars lançait Severance sur AppleTV+. Comme quoi, effectivement, c'est pas un comique. Ou plus maintenant.
De Stoned Master à Saga ?
De son côté, le scénariste
Aubrey Sitterson devrait prochainement s'engager sur la voie de cette même mutation. Plutôt habitué des formats légers, celui-ci s'était déjà fait la main sur plusieurs genres de fiction :
les comédies sur la drogue,
les romcoms au temps des barbares, les parodies musclées
des films d'action de la génération quatre-vingt, souvent chez
Dark Horse.
Sitterson revendique un bel éventail de petites créations originales, pour la plupart sympathiques, qui lui ont valu cette réputation d'amuseur des foules. Mais pour cette fois, et toujours en compagnie de son camarade habituel,
Jed Dougherty, l'objectif est plutôt de regarder dans une autre direction. Le communiqué de presse évoque une inspiration trouvée dans les séries
Saga (
Brian K. Vaughan) et
East of West (
Jonathan Hickman). Rien que ça.

"Free Planet est une histoire qui se concentre sur la recherche de la liberté et des sacrifices nécessaires pour atteindre cet objectif. Le titre pourrait être décrit comme un kaléidoscope de styles, entre le space opéra émotionnel Saga de Brian K. Vaughan et Fiona Staples, additionné au côté spéculatif et complexe des machinations politiques que l'on peut retrouver dans le East of West de Jonathan Hickman et Nick Dragotta. La première planète totalement libre de l’histoire de l’humanité a (enfin) obtenu son indépendance. Les lecteurs vont donc être amenés à suivre un groupe de héros révolutionnaires qui doivent défendre la source d’énergie de ce monde lointain contre deux puissances intergalactiques hostiles, tout en découvrant ce qu’implique réellement ce nouvel état de liberté totale."
Alors, sur le papier, c'est vrai, ce bref descriptif ne sort pas forcément de l'ordinaire en dehors des deux références citées. Et même si Free Planet devient effectivement le premier comics réellement sérieux de la bibliographie de Sitterson et Dougherty, au fond, le fait de proposer une tonalité dramatique n'est pas forcément un gage de qualité obligatoire. Alors, pourquoi les éditions Image Comics ont-elles l'air aussi emballées au moment de présenter cette nouvelle création originale ? Est-ce que l'exemple de Ben Stiller au début de cet article aurait simplement été balancé au hasard ?
A voir ! En réalité, l'élément le plus intéressant dans toute cette annonce se situe dans une zone plutôt inhabituelle : les verbatims. Une bonne quantité de gros noms de l'industrie s'est fédérée pour abonder dans la même direction en bombardant de petits commentaires positifs et encourageants. Autant le dire tel quel : apparemment, c'est de la turbo balle.

Evidemment, il est possible qu'Aubrey Sitterson soit simplement bon copain avec l'ensemble des personnes interrogées... mais attendez, ce n'est pas fini. D'autres professionnels s'ajoutent à la liste. Howard Chaykin, Si Spurrier, Mark Russell, Mark Waid, et même ce cher vieux Marc Guggenheim qui s'était trompé de pièce mais a quand même tenu à participer, vont tous dans le même sens : Free Planet s'annonce comme l'une des créations originales les plus ambitieuses de la maison Image Comics pour cette année. Certains comparent le projet à l'œuvre d'Isaac Asimov, d'autres à celle de Cordwainer Smith, un mélange réussi de série sociale et violente, extrêmement développée sur le plan politique et les détails généraux du fonctionnement de cet univers, dans la veine de la grande science-fiction des années soixante. Vous voyez. Ben Stiller, on vous dit.
De son côté, Sitterson assure également s'être retroussé les manches pour l'occasion :
"Free Planet représente ce que Jed et moi aimerions faire dorénavant, la synthèse de nos efforts pour élever notre technique générale, sous la forme d'un comics véritablement littéraire, et aussi complexe que possible. Quelques pistes : action militaire intense, machinations géopolitiques complexes, feuilleton humain déchirant, chaque page de Free Planet contient une quantité écrasante d'informations visuelles. Promis, vous en aurez pour votre argent, avec un projet pensé pour être lu lentement, et sur lequel vous pourrez revenir plus tard. Il s’agit d’une réflexion complexe sur ce que tout le monde – peu importe où on se situe sur l’échiquier politique – veut vraiment : la liberté."
A vous de voir si ça vous tente. Le premier numéro est attendu pour le 7 mai 2025 avec une couverture variante de l'artiste Fico Ossio.