Et pas dans le sens d'une première partie suivie d'un seconde partie. De ce point de vue, les choses ont toujours été très claires : au départ, Daredevil : Born Again avait été pensée comme un seul bloc de dix-huit épisodes lors de première version, celle qui avait été développée avant que le projet ne devienne quelque chose de radicalement différent. Sauf que, si la série a bien été reprise de fond en comble, le format n'a pas forcément beaucoup évolué. Dans les faits, Daredevil : Born Again reste une série en dix-huit épisodes, mais coupée en deux parties. Une première fournée de neuf épisodes sera bientôt proposée sur la plateforme Disney+, avant une seconde livraison de neuf épisodes prévus pour plus tard, probablement dans le courant de l'année.
Ensuite, si l'on voulait se fier à la façon dont Marvel Studios a toujours opéré jusqu'ici, les choses devraient normalement s'arrêter là. En dehors de Loki et du cas exceptionnel que représente la série animée What If...?, les productions de l'enseigne pour la plateforme Disney+ ont toujours suivi une logique de mini-séries autonomes, systématiquement pensées pour exister dans le cadre d'une saison unique, voire d'un petit long-métrage fractionné en plusieurs épisodes. Hawkeye, Ms. Marvel, Moon Knight, She-Hulk, Secret Invasion : chez Marvel Studios, les saisons deux n'ont jamais été une réalité tangible. Ce qui est tout de même assez curieux, dans la mesure où, généralement, le format sériel appelle mécaniquement à un développement sur le temps long.
Mais les choses ont changé en interne. Et pas seulement parce que les héros ont enfin le droit d'opérer dans des classifications pour adultes - en définitive, la prise de conscience formée sur la base du projet Daredevil : Born Again semble plus globale, dans l'idée de remettre en question tout le modèle de production appliqué jusqu'ici. C'est ce qu'a évoqué le président de Marvel Television, Brad Winderbaum, au moment d'évoquer le futur potentiel du personnage passé cette première saison de dix-huit épisodes dans les colonnes d'Entertainment Weekly.
"Daredevil : Born Again fonctionne à 100% comme une série de plusieurs saisons. Je ne sais pas encore combien de saisons sont prévues, ceci étant dit. C'est une question qui touche plutôt à notre façon de faire de la télévision chez Marvel en règle générale. Je pense que c'est important que nous commencions à proposer des séries capables de durer sur plusieurs saisons, que les gens pourront retrouver à une cadence annuelle, sur lesquels les gens peuvent compter, qui provoquent l'effet d'une période festive ou d'un événement à suivre à chaque fois qu'elles font leur retour.
La première vague de séries sur lesquelles nous avions travaillé pour Disney+ - et qui comprend quelques très bons feuilletons d'ailleurs - restait très limitée sur le plan des possibilités offertes par le format des séries télévisées. On avait plutôt l'impression de longs-métrages qui venaient s'additionner à l'offre déjà conséquente de films prévus pour le cinéma. En ce qui me concerne, ma lecture des choses vise à miser sur le retour d'une vision plus traditionnelle de la télévision, dans laquelle les gens peuvent s'investir sur le temps long avec des produits fiables et un vrai confort de visionnage. J'espère que, d'ici les prochaines années, cette expérience portera ses fruits."
On ne l'a peut-être pas suffisamment souligné, mais la prise de pouvoir de Brad Winderbaum sur le département Marvel Television reste l'une des meilleures nouvelles de ces dernières années : enfin, Kevin Feige n'est plus seul à la barre, et le modèle obsessionnel et borné des films Marvel Studios va pouvoir s'éroder confortablement au profit de modèles plus variés. De fait, l'expérience des séries animées X-Men '97 et Votre Fidèle Serviteur Spider-Man peut déjà servir de base à cette démonstration. Du côté des productions en images réelles, Daredevil : Born Again sera le premier véritable test à l'effort pour le nouveau grand patron du pôle télé'. Et si la sauce prend, peut-être que les séries Marvel iront enfin dans la bonne direction avec des produits capables de reproduire la logique des runs en comics : beaucoup, beaucoup de personnages de la Maison des Idées sont simplement plus adaptés aux histoires développées sur le long terme, comme Daredevil, Ms. Marvel, Jessica Jones, Moon Knight, Hawkeye... ou Spider-Man lui-même.
Quelque part, on pourrait même regretter que cette prise de conscience tombe si tard, dans la mesure où beaucoup d'excellents personnages ont déjà été sacrifiés sur les ruines de l'ancien modèle. Mais au moins, il n'est pas trop tard pour le soldat Matt Murdock.