Dans le cadre des présentations "Upfronts", consacrées aux productions pensée pour le petit écran, Marvel Studios a eu l'occasion de communiquer sur plusieurs titres de son catalogue. Notamment, les séries télévisées Daredevil : Born Again, Agatha All Along et Ironheart, avec quelques logos et des annonces sur la périodicité des sorties. Ces présentations se sont aussi accompagnées d'un élément inattendu : on a pu voir apparaître, pour certaines de ces séries, les mots "Marvel Television". Or, cet ancien département du groupe Marvel Entertainment avait été fermé par Kevin Feige suite à sa prise de fonction au poste de président général. La division avait été avalée et intégrée au sein de Marvel Studios, en perdant du même coup son statut autonome (et le gros de ses effectifs).
Habillage Cosmétique
La situation a été suffisamment documentée depuis pour se faire une idée assez nette de ce qui s'était passé à ce moment là. Pour résumer (
un article plus complet est disponible à cette adresse),
Kevin Feige, président de
Marvel Studios, était opposé d'entrée de jeu à l'existence d'une vision indépendante consacrée aux productions télévisuelles. Cette demande avait été formulée par l'ex président actif du groupe
Marvel Entertainment à cette période,
Isaac Perlmutter, et validée par
Bob Iger, dans les sommets de la montagne
Disney.
Jeph Loeb se sera ensuite chargé de gouverner le département
Marvel Television sous la surveillance de
Perlmutter, et mis en route les séries
Agents of S.H.I.E.L.D.,
Agent Carter,
Daredevil,
Iron Fist,
Luke Cage,
Jessica Jones,
Defenders,
Punisher,
Inhumans, etc.
Lorsque Bob Iger décidera finalement d'écarter Perlmutter, Kevin Feige prendra la présidence générale du groupe Marvel Entertainment, et les productions qui avaient jusqu'ici échappé à son contrôle auront été considérées, pendant un temps, comme séparées du canon général. Depuis, cette décision a été reconsidérée : l'acteur James D'Arcy a été le premier à valider l'existence d'une continuité commune depuis les séries vers le cinéma, en reprenant le rôle de Jarvis dans Avengers : Endgame après avoir campé le personnage dans Agent Carter, et on a ensuite pu retrouver Vincent D'Onofrio dans Hawkeye, Charlie Cox dans Spider-Man : No Way Home ou encore Anson Mount dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Pour autant, cette réintroduction dans le canon n'aura pas eu d'effet structurel au sein de chez Marvel Studios.
Malgré le lancement de plusieurs séries originales pour la plateforme
Disney+, la compagnie a mis quelques années avant de valider l'ouverture d'une seconde commanderie, plus autonome, sans utiliser le terme "
Marvel Television" ou réinstaurer cette logique de fonctionnement à deux vitesses. Finalement, comme on a pu s'en apercevoir depuis,
Brad Winderbaum a été embauché entre temps au poste de "
Head of TV, Streaming and Animation". Comprenez : un nouveau
Jeph Loeb chargé de commander les équipes au travail sur les productions
Disney+. Et en parallèle, avec le retour de
Dario Scardapane (
Punisher) sur
Daredevil : Born Again, premier scénariste
à obtenir un poste de showrunner officiel sur une série
Marvel Studios, avec le label
Marvel Spotlight et avec
X-Men '97, il est assez facile de voir comment
Kevin Feige a simplement décidé de rétropédaler, en revenant sur son envie initiale d'appliquer aux séries télévisées la logique et le fonctionnement industriel des films du
MCU. Au global, une prise de conscience qui a mis un certain temps à se produire, mais qui justifie le retour du label "
Marvel Television", de fait.
En interne, le discours officiel justifie (évidemment) cette réintroduction sous un angle différent : la perméabilité de l'univers, et l'envie de fracturer le diktat de la "grande série télé' du MCU", qui obligerait les fans à enchaîner films et série comme un même grand feuilleton. Voici ce que Brad Winderbaum a déclaré sur le sujet :
"Nous voulons nous assurer que Marvel garde cette logique de porte ouverte à toutes celles et ceux qui voudraient la franchir et explorer cet univers. Après Endgame, je pense qu'il y a peut-être eu ce sentiment qu'il fallait tout regarder, et tout regarder dans l'ordre, pour découvrir le moindre nouveau chapitre du MCU. Mais vous le savez, et les fans de comics le savent eux aussi, les super-héros fonctionnent parce que vous pouvez prendre le train en marche à n'importe quel moment, trouver ce qui vous plaît et vous en servir comme d'une porte d'entré dans l'univers, avant d'explorer les choses qui vous intéressent à l'intérieur en fonction de vos goûts.
Donc l'idée de ce rebranding avec Marvel Studios, Marvel Television, Marvel Animation, et même Marvel Spotlight, c'est, je pense, de dire aux gens 'vous pouvez monter à bord quand vous voulez, les histoires sont connectées mais pas forcément, vous n'avez pas besoin d'avoir vu A pour aller à B.'"
Une réponse somme toute assez logique, et qui pourrait même passer pour un signe de maturité de la part d'une compagnie qui aura, effectivement, tiré trop longtemps sur cette corde d'une saga peuplée de passages forcés. Il est même assez comique de voir un haut gradé de chez Marvel Studios présenter les choses sous cet angle, dans la mesure où Kevin Feige se sera bien assuré d'installer cette mécanique (au hasard) sur la saga des Ant-Man : des films globalement moins vendeurs sur un héros moins populaire, mais qui auront été utilisés comme points d'ancrage. Pour le voyage dans le temps utile au film Avengers : Endgame, par exemple, ou l'introduction de Kang le Conquérant à l'époque où celui-ci était encore prévu comme le vilain définitif de la Phase 6. Et les fameuses scènes post-génériques du MCU ont même été créées pour assurer cet esprit de continuité : un film qui introduit une suite qui introduit une suite qui introduit une suite.
Finalement, le retour de Marvel Television en tant que marque, et l'entrée en scène de Brad Winderbaum, passe surtout pour le symbole d'une page qui se tourne pour la longue saga du MCU. L'échec d'un raisonnement qui sera devenu obsolète à l'aune de la Phase 4, et le point de départ d'un fonctionnement peut-être plus raisonnable, plus industriel, plus traditionnel à l'échelle d'Hollywood. A voir maintenant pour mettre ce nouveau système en pratique (et même plus simplement : en rodage, dans la mesure où rien de concret n'a été fait pour le moment).