Entre ses envies de donner suite à certaines de ses plus anciennes créations, ou de pouvoir enfin lancer le crossover dont il rêve depuis toutes ces années, Mark Millar doit tout de même continuer de produire. Pour Netflix, maison mère de la société Millarworld. Cette fois, la dernière création en date du scénariste assume une ambition algorithmique plus officielle : The Ambassadors, présenté dans les colonnes du Hollywood Reporter, a tout l'air d'un solide produit de commande.
Si l'auteur, communicant de métier, tente de trouver les mots justes pour enthousiasmer le public (et surtout, à recruter certains des artistes les plus talentueux de l'industrie), difficile de ne pas déjà entendre le "toudoum" au bout du fil de lecture.
Super-Squid-Game
The Ambassadors repose sur un principe de compétition organisée depuis la Corée du Sud. Une milliardaire de ce pays d'Asie a effectivement décidé de construire un quartier général pour super-héros, après avoir fait breveter un sérum capable d'attribuer des pouvoirs surnaturels à n'importe quel individu. Mais, cette fortunée excentrique ne précise pas qui sera en mesure d'accéder à cette précieuse formule. Mark Millar présente la BD comme un équivalent costumé de Charlie et la Chocolaterie, avec un Willy Wonka prêt à accueillir dans sa forteresse toutes celles et ceux qui réussiront à trouver le ticket d'or. Partout à travers le monde, des milliards d'êtres humains vont donc se mettre à la recherche du sésame, qui leur ouvrira la porte vers le statut de surhommes officiels. En l'occurrence, seuls six individus seront sélectionnés à la fin de la compétition.
Chaque numéro sera illustré par un artiste différent, et sera consacré à l'un des six personnages en question. Frank Quitely, Travis Charest, Olivier Coipel, Matteo Scalera, Matteo Buffagni et Karl Kerschl se relaieront sur les planches, avec des protagonistes éparpillés entre la Corée du Sud, l'Inde, la Brésil, la France, le Mexique et l'Australie. Et vous allez rire, mais Coipel ne se chargera pas de la partie française, inexplicablement - Millar n'a visiblement rien retenu de la partie à Paris dans King of Spies et son inexplicable topographie des transports en commun au périphérique sud. Hey, mais c'était Scalera d'ailleurs !
Comme cela a pu être évoqué plus haut, Mark Millar assume cette fois plus directement l'idée d'un produit à la commande utile pour fonctionner dans la logique Netflix (avec des personnages qui permettront de cibler certains consommateurs précis dans des pays précis, l'influence d'un produit comme Squid Game ou des séries sud coréennes en règle générale sur ces différents marchés d'Occident, etc). A se demander si le scénariste n'a même pas volontairement cherché à offrir une proposition plus quadrillée à ses employeurs, compte tenu de l'énorme retard à l'allumage sur la plupart des adaptations du catalogue Millarworld depuis quelques années.
"L'un des grands avantages du streaming par rapport au cinéma, c'est que vous pouvez vous permettre de faire quelque chose d'aussi fou et d'aussi ambitieux. L'audience nationale est souvent la principale préoccupation du cinéma américain, et même principalement le fameux weekend d'ouverture, donc l'idée d'avoir un casting entièrement composé de personnages non-américains et exclusivement basé dans des décors étrangers passerait pour un projet invendable si cette histoire avait été pensée pour une sortie sur grand écran. Alors que je suis tout aussi enthousiasmé par la Corée, l'Inde, le Brésil, le Mexique, l'Australie et la France (ndlr : il nous cite en dernier vous avez vu ?) que je le suis des audiences de New York ou de Californie. C'est aussi enthousiasmant pour Netflix dans la mesure où il s'agit à chaque fois de marchés en croissance."
Difficile de faire plus clair, ou même d'aller chercher plus ouvertement le trophée de l'employé du mois. Reste que la distribution artistique vaut le coup, comme d'habitude, et qu'avec cette idée d'aller chercher un produit déjà pensé pour une adaptation au premier degré, Millar se sentira peut-être plus inspiré que lors de précédents titres un poil plus hasardeux dans l'exécution. Au passage, le fait de se reconnecter à la thématique des super-héros dans un monde moderne et relativement proche de nous pourra peut-être ramener le scénariste à l'inventivité de ses années WildStorm - remarquez d'ailleurs que tout ça n'a pas l'air cynique ou désabusé. Le personnage de la milliardaire coréenne compte former une équipe de super-héros bénévoles pour sauver le monde à la fin de toute l'histoire.
A moins d'un twist nihiliste qui pousserait le scénario à se finir dans un bain de sang. Haha. Non, c'est pas le genre de la maison arrêtez.
The Ambassadors #1 est attendu pour le mois de mars 2023.