Les coupes franches dans la masse salariale de WarnerMedia s'annoncent. Tradition des fusions d'entreprises, les charrettes de licenciements font désormais partie du quotidien de ces supergroupes bâtis sur des logiques d'acquisitions et d'intégrations - Disney avec les employés de la Fox, AT&T avec ceux de Warner Bros., voire même DC Comics, à différents étages de la chaîne alimentaire. Généralement, la curée commence par le haut de l'organigramme : les présidents, les têtes couronnées, les boulots qu'il est généralement difficile de faire fonctionner en doublons.
Or, à présent Discovery a effectivement racheté Warner à AT&T, et finalise les derniers détails de la nouvelle structure Warner Discovery, le président de ce nouveau groupe créé suite à cette fusion compte apparemment prendre les choses en mains, seul à la barre. Jason Kilar, ancien PDG de Warner Bros., a donc été remercié.
Mais merci d'avoir foutu le bordel avant de partir
Figure de proue, relativement impopulaire, de la société WarnerMedia nommée en avril 2020 par AT&T et le boucher John Stankey (celui qui s'était chargé de superviser l'acquisition de Time Warner à l'époque, et donc de foutre à la porte tout un tas de gens en plus de réorganiser l'entreprise sur une mécanique plutôt stricte), Jason Kilar a occupé ce fauteuil de PDG pendant une courte période de deux ans. Cet ancien d'Amazon, ancien président de Hulu, fondateur du service de vidéo-à-la-demande Vessel, avait été embauché avec un objectif clair : orienter les productions internes au groupe vers le marché de la VOD et aider au lancement de la plateforme HBO Max, quitte à sacrifier au passage une partie des priorités d'autrefois.
Dès la pandémie de COVID-19, Kilar optera pour une stratégie du tout-dématérialisé, en basculant l'ensemble des sorties de films importants de Warner Bros. vers la grille d'HBO Max. Un sauve-qui-peut visant à augmenter artificiellement la quantité de contenus "exclusifs" à la plateforme pour rattraper Disney+ et Netflix sur un marché déjà très serré, malgré une offre de prix discutable et un manque cruel de nouveautés marquantes. Cette stratégie sera vivement critiquée par les partenaires du studio, coupés des sommes générées par l'intéressement aux succès de films proposés au cinéma, et par les professionnels du milieu, Christopher Nolan et Denis Villeneuve en tête de liste. Kilar commentera le succès de cette opération pour augmenter le parc d'abonnés HBO Max en affirmant que la pandémie était "bonne pour les audiences".
Plus récemment, l'ancien PDG avait décidé de changer son fusil d'épaule en militant finalement pour une disponibilité des oeuvres
après quarante-cinq jour d'exclusivité aux salles, en s'alignant sur la politique de
Disney avec leurs quelques rares films encore proposés dans les cinémas. Avec ou sans lui, le mal est fait, et
Jason Kilar rentrera certainement dans l'histoire aux côtés de
Bob Chapek comme l'un des artisans cruciaux de la destruction du circuit de distribution traditionnel au profit de la VOD - et à la fois, comme le gars qui a permis à tout le monde de télécharger
Wonder Woman 1984 en évitant soigneusement de lâcher un rond pour soutenir cette atrocité. Donc, mettons que le bilan est plutôt équilibré.
Warner Discovery ne compte manifestement pas embaucher de remplaçant au poste précédemment occupé par le col blanc, attendu que Discovery (et son PDG, David Zaslav) conserve le pouvoir décisionnel sur les futures directions des filiales Warner Bros., HBO Max, HBO, etc. Zaslav est donc officiellement PDG de toute la structure, et compte apparemment mettre les mains dans le cambouis, en assumant un rôle direct sans grands généreux à qui déléguer les décisions importantes. Reste à voir si le bonhomme continuera de faire le ménage chez les hauts gradés de WarnerMedia installés par AT&T au moment du rachat de Time Warner, et si de plus grosses charrettes de licenciements sont prévues d'ici les prochaines semaines.