Dans le numéro Edge of Spider-Geddon #1 - la série qui devait préparer la sortie du deuxième "Spider-Verse" des comics - le personnage de Spider-Punk affrontait un certain Kang the Conglomerator, lecture parodique et ultracapitaliste du tyran venu du futur, pas si éloignée de profils types de producteurs à la Kevin Feige. Kang débarquait dans le quotidien du Spider-Man de cette réalité parallèle pour lui expliquer que, longtemps après sa mort, le héros avait été transformé en un produit de grande consommation. Des t-shirts Spider-Punk, des peluches Spider-Punk, des comics Spider-Punk, et bien entendu, des films. Des tonnes de films.
Le bon Jed Mackay, à l'écriture du numéro, avait pris le pari de se foutre de la gueule de cette logique de marchandisation des idéaux - au sein même d'un crossover produit par un géant du divertissement en vue de décliner un personnage populaire, de créer de nouveaux spin-offs, goodies, toute la panoplie. Un façon intelligente de critiquer l'accélérationnisme de ces dernières années autour de Spider-Man (devenu en peu de temps l'un des héros qui coûte le plus cher à son lectorat) et le cynisme des entreprises dans le climat actuel. Un peu comme quand Amazon produit The Boys ou que Disney puise dans l'imaginaire de la scène punk britannique pour son remake en images réelles de Cruella, avec des vedettes d'Hollywood et un personnage qui devrait normalement représenter la cruauté animale à l'échelle des plus fortunés.
A l'époque de Edge of Spider-Geddon #1, le renversement de perspective avait en plus l'intérêt de passer par les dessins de Gerardo Sandoval. L'artiste empruntait aux héros des premières années d'Image Comics, une boîte fondée par des artistes épris de liberté, fatigués de se faire exploiter par leur ancien employeur, pour construire sa New York de la Terre-Punk et son Hulk à crête. Cette tactique de l'arroseur arrosé aurait pu suffire à enterrer pour de bon toute envie de ramener le Spider-Punk, un héros naturellement opposé à l'idée que l'on fasse du pognon sur le dos de sa croisade anarchiste.
Mais, Marvel reste Marvel. Puisque certains commercialisent des t-shirts à l'effigie du Che Guevara fabriqués à pas cher par des mômes dans un pays chaud, La Maison des Idées a simplement décidé de hausser les épaules. D'abord parce que personne ne s'illusionne encore au sujet de l'éthique de Nick Lowe ou de son tonton Chester, et surtout parce que : le marché existe. La preuve, vous allez sûrement acheter le numéro, regardez, les dessins sont sympas.
Spider-Punk #1 est attendu pour ce mercredi 6 avril 2022, avec Cody Ziglar au scénario, Justin Mason sur les intérieurs, et des couvertures d'Olivier Coipel, Takashi Okazaki, Todd Nauck, Maria Wolf et Mike Del Mundo.