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Disney gomme les scènes ''violentes'' de The Falcon & the Winter Soldier sans prévenir

Disney gomme les scènes ''violentes'' de The Falcon & the Winter Soldier sans prévenir

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MàJ : vous voyez, on s'emmerde à fomenter maintes théories fumeuses pour tenter de comprendre, de rationnaliser une situation absurde, et en définitive le responsable de toute l'affaire arrive pour vous répondre "ah mais non les gars pas du tout, c'était juste une erreur, rien à voir en fait". Imaginez deux critiques professionnels qui auraient passé vingt minutes à essayer d'interpréter le choix de cette mystérieuse sculpture à roulettes au détour d'une expo' d'art contemporain - en essayant de saisir pourquoi celle-ci semblait si incohérente avec le reste des pièces présentées, les deux loustics sont interrompus dans leur analyse et leurs hypothèses compliquées par l'homme du nettoyage, venu récupérer son chariot de produits ménagers qu'il avait bêtement laissé traîner là. C'est fou, la vie.

Bref, Disney a donc coupé court aux rumeurs en expliquant que cette version revue et corrigée de The Falcon & The Winter Soldier avait été mise en ligne "par erreur", qu'il s'agirait de la "mauvaise version" des ces épisodes et que celle-ci aurait été publiée suite à un "problème de commande sur un logiciel". Ce qui veut dire, en gros, que le studio est tombé dans le piège du mauvais fichier (ça arrive), ou bien que l'argumentaire en présence n'est qu'une façon polie de mettre la poussière sous le tapis. 

D'aucuns estiment encore que Disney préparerait des versions "contrôle parental" de certaines de leurs séries à l'avenir (suite au classement britannique de Moon Knight, on peut comprendre le raisonnement) et que ces deux scènes seraient une sorte de fuite accidentelle de ces essais visant à se conformer aux organes de classement en vue de cet objectif. L'un dans l'autre, peut-être que l'enseigne avait bien prévu de modifier, mais ne pensait simplement pas se faire prendre - puisque, pardon, mais pourquoi avoir besoin de changer les fichiers d'un série un an après sa sortie ? - et décide finalement de rétropédaler à la dernière minute pour éviter d'alarmer le public sur ce genre de sales pratiques de corrections postérieures. Mais on ne va pas théoriser davantage sur le ridicule de la situation - en gros, la morale, c'est que tout ça ne serait jamais arrivé avec un DVD.


Pour les géants de la dématérialisation, les plateformes de vidéo-à-la-demande ont l'avantage d'être des engins faciles à manipuler. Le diffuseur garde la main sur la banque de contenus, et peut décider de la mettre à jour selon son bon plaisir -  pour, par exemple, modifier une scène en alternant le montage et en postant la nouvelle "version" d'un épisode de série télévisée sans alerter le public, pour gommer un élément gênant. Disney a même eu la sympathie de présenter un exemple très précis de ce cas de figure, pour aider à faire attention aux supercheries, avec le fameux "mec en jean" de The Mandalorian

Explication pour celles et ceux qui étaient passés à côté du gag. Dans le quatrième épisode de la deuxième saison de cette série dérivée de la saga Star Wars, The Siege, un technicien en jean se promenait dans l'arrière-plan d'une scène de fusillade dans le dos du héros et de son acolyte moustachu Greef Karga. Un faux raccord sans importance, presque sympatoche dans une tradition d'anachronismes présente depuis les premiers films de George Lucas. Voire même, en général, dans la moindre production en costume basée dans un univers fictif. Des films d'époque aux lointaines civilisations imaginaires où même l'équipe la plus rigoureuse manquera de remarquer la toquante apparente sous la manche d'un comédien en toge de cérémonie, ou la tasse de café qui traîne sur le banquet médiéval. De son côté, Disney a décidé de profiter des outils modernes pour poster une version de l'épisode où "le mec en jean" avait bêtement simplement été gommé par ordinateur. Voyez plutôt.

Dans ce cas de figure très précis, on avait surtout regretté que le studio refuse d'assumer le charme de ces petites maladresses, pour embrasser à fond l'historique des légendaires "remasterisations" de George Lucas, quand la technologie des images de synthèses donne dans le révisionnisme. Mais, force était d'admettre que la correction n'était pas suffisante pour amorcer un débat de fond sur la méthodologie. Sauf pour la rédaction de Gizmodo, qui s'interrogeait de son côté sur le danger de l'exercice - les outils de la vidéo-à-la-demande, avec ce principe d'épisodes stockés sur un serveur et modifiables en temps réel sans que personne ne s’aperçoive de rien, permettraient ainsi à un diffuseur de casser l'aspect immuable d'une oeuvre de fiction. Plus récemment, The Falcon & the Winter Soldier livrait un nouvel exemple du procédé, par les mêmes commanditaires.

No Guts no Gory

Deux scènes de la série de Marvel Studios ont effectivement eu droit à un coup de baguette magique, lors du voyage des protagonistes à Madripoor. La première concerne la mort du scientifique Wilfrid Nagel, tué dans une effusion de sang, et la seconde un personnage anonyme empalé à un conteneur par le Winter Soldier. Dans un cas, Disney a décidé de supprimer les gerbes d'hémoglobine et de fermer les yeux du mort, sans doute pour donner à cette scène un aspect plus acceptable auprès du jeune public, en suivant la charte philosophique de surprotection des gosses qui s'abat sur la culture depuis que le PG-13 a été détourné de son but original. 
 
 
De l'autre, en revanche, on a plus de mal à expliquer l'intention de cette modification - en particulier quand d'autres scènes de la série opérant à un même niveau de "violence" de la main des héros n'ont pas été effacées. Dans la version "2.0.", le projectile du Winter Soldier rebondit sur son adversaire. L'actrice joue toutefois comme si elle était effectivement empalée, confinant le résultat final à un détail ridicule que le diffuseur n'a pas cherché à justifier pour le moment. On imagine que la rhétorique qui veut que les héros ne font pas ce genre de choses a guidé la main de Marvel Studios, ce qui explique au passage pourquoi les actes violents commis par John Walker ou Sharon Carter ont, de leur côté, été conservés tel quel. Eux, ce sont les "méchants", et donc, leur devoir est se conduire comme des méchants.
 
 
Plusieurs spécialistes estiment également que cette mise à jour a été commandée pour mettre à niveau les séries de Disney+ au moment où la plateforme se prépare à accueillir de nouveaux programmes classés plus "adultes" par les instances dirigeantes de la télévision. Récemment, Marvel Studios s'est enfin décidé à rapatrier les séries Netflix produites par Marvel Television (Daredevil, Luke Cage, Jessica Jones, Iron Fist, Punisher, Defenders) sur la plateforme. Or, celles-ci sont justement répertoriées comme appartenant à la catégorie "TV-MA" par les organes de classification de la télévision aux Etats-Unis, un équivalent de la signalétique française "déconseillé aux moins de seize ans". 
 
Avec des nuances - les Etats-Unis ont pour habitude d'être plus sévères dans la pratique des classements et tranches d'âge avec, dans le cas du "TV-MA", une nomenclature qui renseigne sur la présence de violence graphique, de violence verbale, ou d'une expression explicite de la sexualité dans une oeuvre de fiction sur le petit écran. Dans le cas de Jessica Jones ou du Punisher, cette catégorie semble effectivement appropriée.
 
De son côté, The Falcon & the Winter Soldier a été rangée dans les programmes "TV-14", comme le reste des séries de Marvel Studios. Catégorie plus souple qui suggère aux adultes de ne pas laisser les jeunes spectateurs seuls devant l'écran de télé', celle-ci autorise la présence d'images violentes, dans une certaine mesure. Les nuances existent selon les territoires : récemment, Moon Knight était par exemple classé TV-14 aux Etats-Unis, mais rangé dans la catégorie "16+" au Royaume-Uni, un autre équivalent du TV-MA ou du "déconseillé aux moins de seize ans". 
 
Il est donc possible que Disney cherche simplement à réagir, en tentant de se mettre à la page pour respecter cette nouvelle disparité dans l'offre des productions de super-héros disponibles sur la plateforme. Quitte à aplanir le peu de violence graphique de The Falcon & the Winter Soldier, pour permettre à la série de mériter sa classification sans risquer d'être revue à la hausse en compagnie des produits Netflix. La nuance dans le choix des scènes modifiées est même très importante de ce point de vue : aux Etats-Unis, les organes de classement basent leurs avis sur des critères complexes, parmi lesquels la présentation explicite d'une ambiguïté morale ou l'identité d'un personnage à l'origine d'un fait violent. L'exemple le plus connu étant le classement "PG" des Dents de la Mer de Steven Spielberg - une des classifications les plus souples du système de la MPAA, qui autorise l'accès aux enfants d'âge moyen accompagnés de leurs parents. Les responsables avaient à l'époque expliqué que l'effet de la violence n'avait pas le même impact sur les enfants dès lors que ceux-ci comprenaient que les actes brutaux étaient d'origine naturelle, perpétrés par un animal et non par un être humain.
 
Cette charte complexe accepte donc l'idée que la violence ne constitue pas un critère absolu pour mesurer le classement d'une oeuvre - il n'est donc pas interdit de penser que si les héros ne sont pas à l'origine des scènes les plus graphiques, The Falcon & the Winter Soldier conserverait son TV-14 en comparaison de la décapitation à coups de bouclier d'un terroriste par John Walker, explicitement présenté comme un personnage plus gris. Mais, cette explication en vaut une autre. Et même si le public pourra s'arracher les cheveux à tenter de comprendre en quoi les deux scènes modifiées avaient à ce point besoin de ce coup de pinceau magique, une seule certitude au sortir de ce micro-scandale (aux conséquences franchement limitées) demeure : Disney a désormais les moyens de tricher, constamment, et avec n'importe lequel des contenus de sa plateforme. Le public a donc intérêt à garder les yeux ouverts, et espérer que cette méthode (curieuse) ne s'appliquera qu'à des situations anodines dans le genre.
 
Corentin
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