Entre les mailles du filet sempiternel des moratoires de fans, le film Suicide Squad n'aura pas été accompagné par la même envie de rectification que la Justice League de Zack Snyder. A l'époque, pourtant, l'ensemble des éléments avaient été présentés au public sous la forme d'une enquête de plusieurs mois, par la rédaction du Hollywood Reporter, détaillant l'enfer de production imposé au metteur en scène par les studios Warner Bros..
En opposition avec le projet original suite à l'échec relatif de
Batman v Superman : Dawn of Justice,
David Ayer n'aura pas non plus pu aller au bout de ses idées, et évoquait quelques regrets quant aux directions prises
sur les personnages de Joker et Harley Quinn il y a quelques années. Le cinéaste avait alors expliqué que l'héroïne devait déjà se séparer de son clown de petit-ami, dès le premier film.
La sortie de
Birds of Prey, et
l'échec malheureux de cette dérivation involontaire du premier
Suicide Squad, a ravivé l'envie de débats comparatifs entre ces deux projets. Pris entre deux feux, le réalisateur, encore marqué par l'accueil critique amplement défavorable du film malgré le poids des ans, est revenu succinctement sur le cas de sa
Harley en expliquant que l'arc prévu au départ avait été "éviscéré", et qu'il avait tenté de coller aux comics en promettant de faire mieux à l'avenir. Un
mea culpa louable, qui rappelle que
David Ayer a souvent été un bon soldat pour les truanderies de
Warner Bros. (y compris
après avoir été foutu à la porte et encaissé seul la plupart des critiques, sans trahir le secret d'entreprise sur les conditions qui lui avaient été imposées).
Pour rappel, le matériau utilisé pour la base du scénario était bien la Suicide Squad des New 52, où l'héroïne était ajoutée à l'équipe et avait obtenu cette nouvelle apparence de bustier et mini-short, loin de la combinaison inventée par Bruce Timm dans Batman T.A.S.. Sur le sujet des costumes, Birds of Prey aura choisi de s'émanciper plus frontalement de ce lien aux comics ou à l'animation, un calcul toujours compliqué dans la relation d'une adaptation au matériau original. Avec le recul, la piste proposée par les New 52 et son Harley Quinn de Roller Derby serait toute aussi responsable de cette pente glissante, en opposition avec l'esthétique générale de Timm et sa Gotham City plus élégante, où la première Harley s'était distinguée.
Là-dessus, la polarisation des avis n'aura pas manqué de frapper une fois encore - les amoureux du premier
Suicide Squad n'étant pas prêts à entendre ce type d'excuses, estimant qu'aucun impair n'avait été commis à l'époque, quitte à donner raison aux studios castrateurs contre la vision originale du metteur en scène (continuez les gars, on adore). A l'inverse, d'autres en ont profité pour tenter le coup du mot dièse paradoxal "
ReleasetheAyerCut", un bel effort tombé quatre ans et un
Justice League trop tard, puisque si
Warner Bros. ne compte pas remettre de billes dans la machine pour cette équipe de justiciers plus populaires malgré la complainte des fans, il est peu probable que la
Task Force X de
David Ayer,
remise à zéro par James Gunn, ait un jour le droit à une version authentique.
Suicide Squad reste donc un énorme gâchis, catalyseur de divisions dans les communautés et vraisemblablement responsable indirect de l'échec de Birds of Prey. Le film de Cathy Yan étant considéré malgré lui comme la suite de celui de David Ayer, en dépit du discours officiel, il est probable que l'un aurait mieux marché si le précédent avait été à la hauteur de ses personnages (à l'image de Justice League après Batman v Superman).