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Iron Man 2 : première défaite du modèle ?

Iron Man 2 : première défaite du modèle ?

chronique

C'est en 2010 que sort Iron Man 2, deux années après que Robert Downey Jr. ait relancé le modèle du super-héros Marvel au cinéma et sa propre carrière, revenant d'une longue croisade désenchantée contre l'addiction et un certain statut de paria. Les films de ce qui deviendra plus tard le MCU concret et rayonnant sont encore distribués par la Paramount, et quoi que la société sorte à peine du rachat de Disney, on aurait tort d'assimiler l'échec de ce film à une quelconque mainmise de l'entreprise aux grandes oreilles - comme on le voit aujourd'hui, des transactions de ce type prennent un certain temps à révéler leurs effet concrets.

Non, Iron Man 2 est bien la suite d'Iron Man, un film presque accidentellement bon si l'on regarde de près le parcours de son metteur en scène, Jon Favreau. La distribution y est : Robert Downey Jr., Gwyneth Paltrow, un Don Cheadle débarqué dans la douleur en lieu et place de Terrence Howard, et une paire de noms d'envergure. Scarlett Johansson pose une première botte tactique dans les films Marvel, et Sam Rockwell y fait un passage éclair. Mickey Rourke, revenu d'entre les morts en même temps que Downey Jr., et s'apprêtant justement à y retourner, sort juste d'une trilogie de projets pas inintéressants : Sin City de Robert Rodriguez, Domino de Tony Scott et l'excellent Wrestler d'Aronofsky à qui on attribue son retour en grâce.
 

 
Pourtant, à sa sortie le film crée une scission nette au sein des fans du premier volet - ou alors, admettons que tout le monde était d'accord pour dire que c'était beaucoup moins bien. Si la rentabilité sera au rendez-vous, le métrage ne marque pas grand monde et reste aujourd'hui le moins en vue de la trilogie consacrée à la branche Stark. Des raisons structurelles, vous croyez ? Le film est signé par Justin Theroux (que Downey ramène sur le projet après le génial Tropic Thunder). 
 
On parlait en amont de sa mise en boîte d'une inspiration Demon in a Bottle, un arc mémorable sur le personnage, Favreau se comparait à Lucas en parlant du Mandarin comme de l'Empereur et d'un vilain intermédiaire qui serait le Vador de sa trilogie (avortée), Shane Black était venu filer quelques tips à l'écriture en suggérant une inspiration Oppenheimer pour Stark. On se résume : les acteurs étaient bons, le premier était bon, le scénario écrit par un type compétent et le studio donnait sa confiance - mais enfin, qu'est ce qui s'est passé ?
 

 
Les promesses ne sont pas tenues - le film est généralement assez convenu et instaure des traditions qui ne deviendront lassantes ou pertinentes selon les projets : des blagues, à foison, un vilain vide, chaque fois battu et rarement réutilisé, le parcours d'un héros qui a déjà vécu son origin story mais doit rester pertinent sur des codes qui n'évoluent pas. A qui on raccroche un enjeu, sur qui on doit trouver de nouvelles choses à dire, sans brusquer le spectateur du film précédent. En somme, une véritable suite, dans le sens le plus bas et mercantile du terme.

Iron Man 2 est un symptôme, le grain de beauté d'un système malade qu'on pourrait appeler Hollywood, paresse, flemme, maximisation de profits ou formule commandée. Le film se paume en essayant d'être comique, cabotin, on ne croit pas aux enjeux d'un vilain flou dans ses motivations, son écriture ou ses compétences - quant à Rockwell, il fait du Rockwell dans un film qui préfère que Downey fasse du Downey. Pas de vilain à prendre au sérieux, pas d'enjeux réels, un pan entier sur l'héritage des Stark qui disparaît, et une utilité plus que discutable dans le grand plan de Marvel sur l'univers partagé - ce film est le premier, si on accepte que Hulk ne soit pas réellement compté dans la franchise, à ne pas être utile pour aller vers Avengers. A une Black Widow près.
 
Là où ILM aura sorti les croissants, on peine à trouver le rythme et la naïveté marrante du premier Iron Man, qui marchait dans l'ombre de la perception nouvelle des super-héros proposée par Nolan. Favreau et Downey revenaient à l'époque au cool des années '90, à cette légèreté où le héros met une beigne à un salaud de terroriste et puis choisit d'être un type bien à la fin du film. Iron Man 2 est un gigantesque festival d'auto-satisfaction - un vilain prétexte, un débat sur le gouvernement et l'acquisition de la Iron Suit laissé sous silence (là où Marvel Studios aura envie d'aller plus loin ensuite, à son petit niveau), la "maladie" de Stark qui l'amène à s'isoler, sa relation à son père balancée en une modeste projection 16mm qui n'aboutit qu'à teaser maladroitement Captain America, et sa relation à Pepper, en fait, tout sent le prétexte jetable, parce que le film lui-même est une entreprise jetable.
 
 
 
Beaucoup de théoriciens du cinéma expliquent que c'est après les années 1950 qu'Hollywood commence seulement à envisager les idées de suite, après une effervescence de l'âge d'or où on réutilisait trop souvent les mêmes monstres ou les mêmes héros jusqu'à les ringardiser trop vite. Aujourd'hui, la logique est actée, l'originalité repose dans un cercueil moelleux et on aurait tort de demander à un studio de cette taille de ne pas répondre à la demande publique. Mais Iron Man 2, comme Guardians 2, Thor 2 ou Avengers 2, appelle à cette réflexion sur le "pourquoi ne pas donner au public ce qu'il veut est peut-être la meilleure solution."
 
Puisqu'en définitive, c'est vrai, le public espérait plus de Nick Fury, un Stark blagueur, un héros qui emballe l'héroïne - peut-être. Peut-être même que le public espérait que Ben Kingsley serait le vrai Mandarin. Mais, tous les exemples cités plus haut, à l'instar d'un auteur qui passe après un run de comics marquant, nous rappellent que la suite n'a pas d'intérêt si elle n'est pas plus créative, si elle ne fait pas que répéter ou reformuler un motif déjà entendu. En cela, on peut se demander si la trilogie Captain America n'est pas la seule formule à imiter chez Marvel - on le rappelle, le studio n'avait pas encore totalement les mains libres et obéissait au dictat d'un certain Perlmutter, donc, tout n'est pas de la faute des artistes seuls.
 

 
Maintenant, Iron Man 2 porte surtout le lourd fardaud d'être la première défaite de Marvel Studios. Si le film ne manque pas de bons moments et reste une jolie prouesse visuelle, il aura bien trop déçu après le premier pour ne pas être un mauvais souvenir. Aujourd'hui, la fameuse école des spectateurs lassés de la formule peuvent être datés à cette première expérience malheureuse, enrichie ensuite d'un Thor plutôt calamiteux dans la foulée. Si on avait présenté ce qui est reproché au MCU aujourd'hui - l'humour ou les vilains prétextes - sous un jour plus favorable, dans un meilleur film, sans doute qu'on aurait accepté plus rapidement l'idée que ce qui n'était que les premières pierres d'un édifice plus grand se cherchait simplement un ton. 
 
On n'espère pas forcément un spin-off carcéral sur Justin Hammer et Travor Slattery pour laver l'affront, mais si la franchise Iron Man garde une dernière bille pour le cinéma, peut-être y aurait il mieux à faire qu'un énième one man show de Downey agrémenté d'un salaud de riche industriel un peu blagueur lui-aussi. Hey, et pourquoi pas avec Dr Doom dans le costume, tiens ?
Corentin
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