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Daredevil Saison 2, la critique des derniers épisodes

Daredevil Saison 2, la critique des derniers épisodes

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On a aimé• L'ascension inexorable du Punisher
• Les bases d'un futur étouffant pour le héros
• Des intrigues majeures en suspens
On a moins aimé• Une fin de saison dégonflée
• Des conditions de production drastiques
• Une conclusion diaboliquement maladroite
Notre note


Attention, cette critique contient énormément de spoilers ! 

Vous n'êtes pas sans savoir que vendredi dernier marquait la sortie, instantanée et intégrale, de la seconde saison de Daredevil. Un marathon ou un week-end de binge-watching plus tard, que reste-t-il d'une série qui, à l'instar de sa première saison, peine à maintenir sa qualité presque magistrale tout au long de ses treize épisodes ?

Ainsi, si la Saison 1 et son catastrophique final nous avaient laissés sur un statu-quo en forme de grosse question concernant l'avenir artistique de la série, cette saison imprime le parcours de Matt Murdock et fait revenir ses vieux démons pour mieux chanceler l'avocat le plus célèbre de New-York. Pourtant, et alors que le public semble plus que jamais séparé entre ceux qui voient en Daredevil la seule et unique proposition super-héroïque mainstream à poser ses propos, ses enjeux et ses personnages avec une violence graphique et une approche inédite jusque-là, d'autres spectateurs n'y voient qu'ennui et compromis.

Symbole de son statut de proposition à part sur un héros globalement méconnu, ou simple conséquence d'un second final en forme de queue de poisson ? Il se pourrait qu'il s'agisse des deux. Ce qui est certain en revanche, c'est qu'il serait dommage et assez malhonnête de passer à côté de qualités évidentes et rares dans la Pop-Culture, comme il serait criminel de ne pas taper sur la tête des producteurs responsables d'une fin de saison qui nous laisse pantois devant beaucoup (trop) de questions. Et pas nécessairement les bonnes. 

• Lire aussi : Daredevil Saison 2, la critique sans spoilers des 7 premiers épisodes


Avant toute chose, il est important de poser le contexte dans lequel nous étions restés avant de découvrir cette suite (et fin) tant attendue. Matt et Elektra face à un trou béant correspondant aux plans de Nobu aperçus dans la Saison 1, et une première indication très forte concernant l'arrivée (décidément tardive) de Shadowland au sein du Marvel Cinematic Universe - si bien que le statu quo à la fin de cette seconde saison nous laisser penser qu'il suffirait de mettre Elektra à la tête de La Main pour lancer The Defenders avant la très attendue Saison 3 de Daredevil, qui devrait adapter de Born Again en bonne et due forme, en plus d'accueillir (enfin) l'autre nemesis de Matt, le terrible Bullseye

S'en suit alors l'arrivée de Stick, caution d'une ouverture bienvenue vers un univers plus fantastique et moins terre-à-terre que l'intrigue faisant office d'origin story pour le Punisher. Quelques Ninjas respectant parfaitement la tradition populaire de leur fonction et une Elektra laissée pour morte plus tard, les showrunners ouvrent les vannes concernant La Main et Stick devient le messager des origines médiévales d'une guerre effectivement plus large que les nuits troublées de Daredevil qui nettoie Hell's Kitchen un mob à la fois. Et si l'hommage à Frank Miller se fait de plus en plus poignant et de plus en plus graphique de ce côté là de l'aventure, Foggy, Karen et Frank n'en oublient pas pour autant d'avancer dans leurs intrigues respectives, souvent liées et appelées à faire revenir Murdock sur la terre ferme, lui qui sombre absolument devant la beauté et la destinée fatale d'Elektra. 

C'est d'ailleurs ce passage qui constitue ce qui apparaît pour beaucoup comme le ventre mou de la série, et ce malgré la densité assez dingue qu'offrent des scénaristes toujours désireux de faire parler leurs personnages de manière vraisemblable et/ou poignante, en témoigne les scènes de dialogues assez dingues que sont celles du plaidoyer de Matt au tribunal face à un Punisher plus intéressé par l'idée de rejoindre la case prison, ou encore la pause café culte de ce dernier dans un Diner's appelé lui aussi à se transformer en Warzone. 


Impossible de ne pas regretter d'ailleurs que le retour du Kingpin, aussi réussi et majestueux soit-il (quel plaisir de retrouver un Vincent D'Onofrio en pleine montée en puissance, plus cynique et manipulateur que jamais du haut de sa toute puissance physique), intervienne si tôt dans la série - l'inverser avec l'arc de la main aurait fait beaucoup de bien au ressenti global des spectateurs, qui s'arrêtent pour beaucoup sur deux derniers épisodes loin d'être les meilleurs de cette saison. D'autant qu'une fois les comptes établis après la baston de rue qui fait office de Season Finale, la véritable conclusion de ce Daredevil Saison 2 se cache d'avantage dans la confrontation terrible entre un Matt arrogant et dépassé et un Wilson Fisk qui finira son apparition dans cette saison en demandant des dossiers sur l'avocat, jusqu'à prouver sa double identité et/ou éliminer ceux qui lui sont proches. Une projection forte à mettre en relief avec la destinée de Karen, toujours bien vivante à la fin de 26 épisodes. 

En effet, annoncer Born Again d'une telle manière est un teasing insoutenable pour les spectateurs que nous sommes, tandis que le grand public n'y verra qu'une vague menace pour un futur on-ne-peut-plus nébuleux après une conclusion pour le moins discutable. Hyper prometteur, le début de l'arc de La Main accouche finalement d'un enjeu mort-né (et ce malgré la bonne idée de faire d'Elektra une living weapon, un statut qui se justifie aisément par rapport à son histoire en Comics et l'ampleur très mystique du personnage, et ce avant d'accueillir Iron Fist chez Netflix), en plus d'être assez catastrophique en termes de mise en scène. Que la menace millénaire de milliers de Ninjas prêts à envahir sur New York débouche en une baston proche de la CW sur un toit est un vrai problème, que la série semble payer pour la seconde fois après une fin de saison 1 déjà bien trop angélique et bourrée de compromis pour être réussie. Pire, nous montrer la résurrection d'Elektra semble être une horrible idée de producteur, pas capable de mesurer que les lecteurs de Comics ne sont pas dupes, mais qu'ils tenaient là une vraie potentielle surprise dramatique pour leurs futurs spectateurs du grand public. 

Ce final s'accompagne d'ailleurs d'une nouvelle baisse de qualité assez drastique au niveau de l'image et de la mise en scène, entre un Punisher hyper méthodique qui se dévoile au monde dans un "buddy moment" plus gênant qu'épique (sans même parler de la promo' qui tournait autour de son minigun en action que vous pourrez ravaler jusqu'à sa propre série) et un Nobu en guise de faire valoir qui perd cent points de charisme par rapport à sa présence fort appréciable de la Saison 1. 

Pire, pour les comic-book nerds bien tatillons que nous sommes, certains éléments de l'intrigue (pourtant superbement déroulée tout au long de la série, je n'en démord pas) flottent terriblement, nous rappelant les conditions de production drastiques d'une série écrite, tournée et montée en moins de 8 moins, sans même savoir de quoi son avenir sera fait - et c'est là que Matt Murdock essuie les plâtres de ses petits confrères qui, espérons-le, sauront se passer de ces "fins de producteurs" qui fixent un point A et un point B où les showrunners doivent impérativement arriver, laissant au voyage une totale liberté. 

Parmi ces éléments, on notera notamment la question de la cuve du Black Sky, qui semblait être pleine et prête avant même la révélation concernant la vraie nature d'Elektra, le statut d'immortel des Ninjas qui semble annoncé par Claire lors de l'autopsie mais qui est tempéré par Elektra, Stick, Matt et leurs producteurs dans un élan de rappel au pragmatisme face au fait que Shadowland, ce n'est pas pour de suite - un statut qui change pas mal de choses puisqu'Elektra égorge quand même un ado (!) devant Matt, lui dont le parcours dans cette saison 2 nous rappelle à quel point la question de la mort est prépondérante dans les deux parties de sa vie. Ce qui ne l'empêchera pas de la choisir elle, d'ailleurs, plutôt que Karen vers qui il ne manquera pas de vite revenir dans un élan de vérité à moitié dissimulée malgré la grande révélation finale sur sa double-identité. Dans le cadre "how convenient" du scénario, on notera aussi l'extrême malchance de Frank Castle d'aller pique-niquer en famille le jour où son ex-commandant dans l'armée (qui est en réalité le plus gros dealer de la côte est, à tel point que Madame Gao semble pouvoir continuer son traffic d'héroïne sans que ça ne bouscule trop Daredevil) réalise son plus gros traffic. L'histoire se démêle en effet mieux dans le sens de la progression que de la reconstruction. 

Pourtant, et ce malgré la tonne de défauts qu'il est possible de faire remonter à la surface, Daredevil est également l'une des rares productions super-héroïques à la télévision qui ne prend pas son audience pour des demeurés, qui propose de vraies ambitions d'écriture et de narration, qui fait l'effort d'être la plus "true to the character" de tout le paysage audiovisuel actuel et j'en passe. En effet, comment taper sans discontinuer sur une série capable de donner autant de bons moments, qu'ils soient d'action ou de réflexion, de pousser aussi loin l'approche d'une série pour adultes, d'assumer ses personnages secondaires plutôt que de tartiner leur tête de proue et j'en passe. Une série qui a d'ailleurs le mérite de confirmer une idée bien connue des fans de Comics : Daredevil est un personnage à part, plus proche du réel et du concret, enclin à ralentir le rythme pour les besoins de son identification, qui demande plus d'efforts et qui questionne d'avantage que beaucoup de ses confrères en collants.  

Daredevil se rappelle à ses vieux démons dans un final qui ne fait pas grand chose de mieux que son catastrophique prédécesseur de la Saison 1. Rien de dramatique toutefois si tant est que l'on accepte d'emblée le compromis d'une fin de saison en forme de porte maladroitement ouverte, qui pêche quand même terriblement dans sa réalisation et ses ambitions. Shadowland et Wilson Fisk à bord, Daredevil peut quand même aborder le futur avec quelques passages obligés ultra-attendus pour les fans de Comics, tandis que Matt Murdock peut dormir sur ses deux oreilles jusqu'au rappel : on n'oublie pas que le vrai niveau de la série, c'est l'excellence de onze épisodes en forme de doux rêve pour les fans que nous sommes, pas sa triste conclusion soumise par ses conditions de production.


Sullivan
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