Depuis la période de la pandémie, la fréquentation des salles de cinéma, de même que l'économie générale du marché des blockbusters, ont été considérablement altérées. Et il n'est pas nécessaire de regarder plus loin que cet été pour s'en convaincre : si Superman et Les Quatre Fantastiques : Premiers Pas devraient théoriquement se rembourser sans trop de problèmes, ces deux productions, longuement attendues, discutées, présentées comme les deux sorties les plus importantes du cinéma des super-héros depuis plusieurs longues années, ne sont pas assurées de pouvoir obtenir plus de 600 ou 700 millions sur les entrées en salles.
Par le passé, des produits de cette taille auraient sans doute pu miser sur des montants bien plus importants. Dans le même ordre d'idée, le film Jurassic World : Renaissance, qui passe pourtant pour l'un des succès de la période estivale, ne va probablement pas finir sa course sur les mêmes montants que ses prédécesseurs (lesquels culminaient au-dessus du milliard de dollars de recettes dans le "monde d'avant").
La rédaction de Variety pense pouvoir tirer un constat (amer) sur la base de cette nouvelle réalité pour le marché des blockbusters. Sans avoir besoin d'accuser qui que ce soit (dans la mesure où les fautifs sont connus et identifiés : les grands studios eux-mêmes ont creusé leur tombe en misant sur le divertissement domestique et les plateformes de streaming pendant la pandémie, et doivent désormais composer avec l'idée d'avoir tué leur propre poule aux oeufs d'or), l'antenne spécialisée évoque quelques problématiques susceptibles de contextualiser cette période sombre. Notamment, avec la fonte des entrées sur le marché chinois. De ce point de vue, les données sont claires : le Superman de James Gunn n'a obtenu qu'un pauvre ensemble cumulé de 4,5 millions de dollars sur place... un montant risible, en comparaison des sommes autrefois associés aux spectateurs de cette zone géographique précise. Au hasard, pour Avengers : Endgame, Aquaman ou Venom, le public de l'Empire du Milieu s'était avéré... sinon crucial, au moins, largement utile dans la performance économique des productions concernées.
Les studios doivent donc s'aligner sur ce climat problématique, et c'est justement le sujet du papier publié par Variety (en lien source, si ça vous intéresse). Pour revenir aux actualités plus immédiates, le site en a également profité pour contacter ses sources et dresser un état des lieux de la mentalité du moment chez Marvel Studios. On en profite pour récupérer quelques données utiles - notamment, sur le casting du premier film X-Men prévu pour entamer la prochaine période, une fois qu'Avengers : Secret Wars sera passé. En accord avec la réalité du marché, Kevin Feige aurait prévu de fédérer un casting composé de jeunes actrices et de jeunes acteurs, débutantes ou débutants, pour économiser sur les coûts. Des têtes moins connues que Pedro Pascal, Vanessa Kirby... ou même, pour regarder plus loin en arrière, Benedict Cumberbatch, Paul Rudd, etc. L'objectif affiché serait de miser sur de nouveaux visages, dans la mesure où les comédiens moins célèbres coûtent moins cher. Et permettent au passage de lancer des vedettes que l'on sécurise d'entrée de jeu. Un peu comme Chris Hemsworth lors du premier Thor (et dans une moindre mesure, avec Robert Downey Jr., tout juste sorti de sa traversée du désert). On s'adapte, on improvise... et surtout, on rogne sur les dépenses.
Du reste, selon les sources de Variety, la priorité du moment irait plutôt au projet Black Panther 3 (apparemment plutôt attendu en interne, parmi les effectifs de la compagnie) et plus du tout au film Blade. L'enseigne n'aurait plus spécialement envie de consacrer la moindre urgence sur ce bourbier particulier, si l'on se fie aux déclarations communiquées dans l'article. De la même façon, le prochain film Deadpool ne serait pas non plus traité comme une urgence, et ce malgré la performance record de Deadpool & Wolverine l'an dernier. On comprend globalement que Marvel Studios n'a pas forcément envie de brûler les étapes... pour changer. L'objectif du moment serait plutôt de se recentrer sur la qualité, en s'inspirant des bons résultats obtenus sur Thunderbolts* et Les Quatre Fantastiques : Premiers Pas. Puisque, comme le résume bien le rédacteur de Variety... du point de vue du cinéma des super-héros, un "bon film" est déjà un "excellent film" compte tenu des habitudes installées sur ces dernières années...
Techniquement, Blade n'est toujours pas un projet enterré pour de bon. En revanche, dans la mesure où Kevin Feige a surtout besoin de reconstruire le moral, de remotiver les troupes et de rassurer les fans sur l'avenir immédiat de sa petite franchise de vengeurs masqués, il est assez facile de comprendre comment un film aussi manifestement pénible a pu être mis de côté le temps de retrouver un peu d'oxygène. C'est le paradoxe : au départ, le film avait l'air de vouloir tenter une approche différente, avec une classification pour adulte et un budget restreint, et a même certainement été envisagé comme une expérience susceptible de casser la routine pendant un moment... mais dans le présent, celui-ci est finalement devenu un caillou inconfortable dans une godasse déjà usée par des kilomètres de parcours infructueux. Peut-être que Wesley Snipes avait raison dans Deadpool & Wolverine, finalement. A voir comment cette réplique vieillira sur le temps (très) long.