A ce stade, on serait en droit de se demander si la crise n'est pas un état économique permanent. Dans la foulée des difficultés amorcées par la hausse générale du prix des matières premières, l'industrie se prépare à affronter un nouvel iceberg : la chute de Diamond Comics. Cette entreprise spécialisée dans la distribution des copies en direction des libraires est entrée en banqueroute tout récemment. Or, une partie des dettes à l'origine de cette banqueroute n'ont pas pu être remboursées à certains gros clients... et plusieurs enseignes de comics installées sur le marché indépendant vont devoir assumer le coût de cette dépense à leur propre charge. La rédaction de BleedingCool avait évoqué ce curieux cas de créance par association dans le cadre d'un article consacré à la situation du moment chez IDW Publishing. N'hésitez pas à jeter un oeil pour mieux comprendre la problématique.
Autre crise, autre champ de bataille : Dark Horse se retrouve également dans une position problématique. Liées ou non à la chute de Diamond, l'enseigne doit faire face à des difficultés économiques qui ont visiblement poussé les pontes de la compagnie à prendre les devants en se séparant d'une partie de sa masse salariale.
Cheval Boîteux
L'enseigne s'est exprimée par la voie d'un communiqué de presse, en évoquant toute une variété de raisons à l'origine de cette décision : le marché serait en pleine mutation, certains emplois créés au moment de la période de croissance de ces dernières années ne seraient désormais plus utiles (voire même "redondants", le gros mot préféré des départements de ressources humaines au moment de justifier une bonne grosse charrette de licenciements), et des facteurs économiques externes seraient à considérer. On imagine que cette litote désigne précisément la problématique que rencontre Dark Horse vis-à-vis de certaines dette accumulées (soit auprès de Penguin Random House directement pour la distribution, soit via le même cas de sous-traitance par maillage de société que pour IDW) et que l'éditeur va devoir endosser à ses frais.
Pour être plus précis, voici comment l'enseigne présente les choses :
"Le 3 février, Dark Horse a pris la décision difficile mais nécessaire de procéder à une réduction des effectifs internes. Après avoir connu une période de croissance significative, nous devons désormais prendre des mesures pour répondre à l'augmentation des frais généraux, aux dernières évolutions du marché et à plusieurs facteurs économiques externes. Nous avons commencé un travail de rationalisation (ndlr : un autre gros mot qui va bien) des équipes dans tous les départements de notre entreprise afin de continuer à produire des titres de qualité, ce qui reste notre objectif et notre marque de fabrique depuis le premier jour.
Encore une fois, cette décision a été extrêmement difficile et n’a pas été prise à la légère. Nous apprécions le dévouement, l’engagement et le travail acharné de nos anciens collègues et leur souhaitons le meilleur succès possibles pour leurs prochains projets."
BleedingCool évoque la possibilité d'une décision venue d'en haut : depuis quatre ans, les éditions
Dark Horse font partie des actifs
du groupe Embracer, une société plutôt spécialisée dans le jeu vidéo. Jusqu'ici, la collaboration entre ce nouveau propriétaire et le département éditorial semblait fonctionner sur un principe d'équilibre, dans la mesure où la compagnie de
Mike Richardson avait poursuivi le travail sans encombre notable à la suite de ce rachat survenu en 2021. Mais encore une fois, c'est la crise. On imagine qu'en cas de dette, les grands patrons ne sont jamais très content et exigent des réactions immédiates... voire des sanctions.
Pour l'heure, une vingtaine de salariés auraient été licenciés. Parmi ceux là, citons l'éditeur(ice) Konner Knudsen, une personnalité respectée de l'industrie connue pour son travail en compagnie de Jeff Lemire sur l'univers Black Hammer. Entre autres choses. On lui doit également l'édition de séries telles que le Mazebook de Jeff Lemire, les comics Conan le Barbare de Kurt Busiek, l'adaptation aux Etats-Unis du manga Gantz ou le développement des licences Terminator et Aliens en bande-dessinée. Sur les réseaux sociaux, plusieurs grands artistes (Michael Avon Oeming, Christian Ward, Jim Zub, etc) ont salué son départ.
La situation du marché indépendant sera bientôt chroniquée sur le site par la voie d'un article plus détaillé. Dans l'intervalle, la rédaction adresse son soutien aux salariés licenciés (ainsi qu'à leurs familles) dans cette période de tourments et d'inquiétude pour les artisans de la production de créations originales.