Comme dans le cas de toute bonne fermeture : les équipes sont invitées à récupérer leurs affaires et à quitter le bâtiment, on bâche les ordinateurs, on évacue le matériel, et ensuite les équipes de ménage et les architectes prennent possession des lieux pour retaper toute la structure. Les univers partagés de cinéma fonctionnent un peu de la même façon, mais avec davantage de prises de parole et un peu moins de licenciements. C'est normal : les réalisateurs et les vedettes sont embauchés à la prestation, et les patrons de groupe se font rarement déloger, même en cas de catastrophe industrielle. Sauf chez Disney. Et Warner Bros.. Mais est-ce que ça compte ?
Dans l'immédiat, la licence Spider-Man devrait donc rester entre les mains des mêmes têtes pensantes chez Sony Pictures. Et c'est bien normal : l'échec de Morbius, de Madame Web, de Kraven et la performance décevante de Venom : The Last Dance, tout ça, c'est d'abord et avant tout la faute des critiques. C'est le grand patron qui l'a dit, on n'a aucune raison de ne pas lui faire confiance. Il a fait des études et tout. Il porte une cravate. Donc il sait de quoi il parle, c'est obligé.
La Fin des Fins
La société a officiellement mis fin à l'effort des films "
Spider-Man" à la fin de l'année dernière. Ce que l'enseigne aura longtemps présenté comme un univers partagé (et qui s'appelait au départ le "
SUMC" pour "
Sony's Universe of Marvel Characters", avant de devenir le "
Sony's Spider-Man Universe" sans doute par peur du ridicule) a finalement été enterré quelques semaines avant la sortie du
Kraven the Hunter de
J.C. Chandor. Les équipes dirigeantes se sont simplement aperçues que la sauce ne prenait pas :
Morbius n'a pas fonctionné,
Madame Web non plus et les premières estimations autour de l'adaptation de
Kraven ne leur ont pas donné de raison valable de reprendre confiance vis-à-vis de cet effort global. Estimations qui se sont au passage avérées exactes : le projet s'est effondré au box office
avec 61 millions de dollars réalisées sur les entrées à l'échelle du globe, soit tout bonnement l'une des pires performances de l'histoire du cinéma pour un film de
Marvel piloté par un grand studio.
Dans le même temps,
Venom : The Last Dance n'a pas réussi à faire aussi bien que son prédécesseur,
Venom : Let There Be Carnage. Et ce alors que celui-ci
avait enfin eu droit à une sortie en Chine, ce qui n'avait été le cas du film précédent. L'érosion de la franchise, la difficulté à installer d'autres marques dans l'esprit du grand public, ou peut-être plus simplement, la fin du contrat de trois films de
Tom Hardy ont achevé de convaincre
Sony Pictures qu'il était temps d'arrêter les frais. Les autres productions actuellement en cours de développement ont été abandonnées, les porte-paroles du groupe ont annoncé officiellement l'arrêt des machines, et c'en était fini du
SUMC. Ou du
SSMU. Au choix.
Ne restait plus qu'à passer un dernier coup d'aspirateur pour faire disparaître les derniers restes de poussière. De ce point de vue,
Sony Pictures avait arrêté une date de sortie, pour une production dont l'identité restait encore à définir, mais qui avait bien été identifiée officiellement comme appartenant au pôle
Marvel, à l'horizon du 27 juin 2025. Les studios fonctionnent sur ce principe : ils choisissent des dates dans le calendrier en prévision de sorties futures, pour marquer leurs territoires, définir un planning, établir un plan publicitaire, alerter les concurrents et les salles de cinéma, etc.
Marvel Studios fonctionne sur ce même principe, et généralement,
lorsque les choses ne se passent pas comme prévu, il n'est pas rare de voir certaines grosses enseignes déprogrammer leurs grosses sorties en attendant d'y voir plus clair. C'est ce qui vient de se passer :
Sony a officiellement libéré ce créneau en annulant le film prévu pour cette période.
On s'en doutait un peu : même les meilleurs magiciens ne sont pas capables de faire sortir du chapeau une production à 200 millions en l'espace de quelques mois. Et dans le même temps, on se demande un peu ce que l'enseigne avait préparé pour cet horizon. El Muerto ? Silver Sable ? Le Hypno Hustler ? La liste est longue dans le cimetière des productions mortes du summeque (pardon, du SUMC) et compte tenu des énormes plages de retard rencontrées par certains titres développés en interne (Morbius, Kraven) on aurait tendance à se dire que le studio n'a jamais eu de grand respect pour le calendrier ou les dates de sortie dans tous les cas. Dans l'intervalle, il s'agit probablement de la dernière des dernières annulations de ce triste effort d'univers partagé pas vraiment partagé. Si quelqu'un se motive pour jouer la marche funèbre : a priori, cette fois, c'est bel et bien terminé.