En périphérie des grosses machines développées à Hollywood par les conglomérats dominants, le marché des super-héros accueille de temps à autres une curiosité, une bizarrerie développée à peu de frais. Pensez Upgrade, Jeeg Robot, Brightburn, Project Power, etc. Des productions originales, déconnectées de toute franchise ou de tout catalogue comics précis, souvent plus proches du cinéma de genre. Plus violentes, plus étranges, celles-ci offrent des résultats à géométrie variable sur le fond et la forme. Certains titres sont plutôt bons (Archenemy) voire très bons (Super), et d'autres sont mauvais (Vigilante Chronicles, Sinister Squad). Un marché microscopique de films-champignons dont on ne sait jamais vraiment quoi faire, dont le but est visiblement de se greffer à la mode des productions Marvel Studios en proposant une contre offre radicale, mais qui n'a jamais réellement réussi à reproduire le succès surprise du cinéma d'horreur pur et dur. Et ça continue, cette fois en Italie, avec le film Bunny Man.
Ce matin, un lapin...
Le projet a été évoqué récemment dans les colonnes de Deadline. Il s'agit d'une nouvelle production de l'entrepreneur Andrea Iervolino, l'une des étoiles montantes du cinéma italien, connu pour avoir produit coup sur coup les biopics Lamborghini (Robert Moresco) et Ferrari (Michael Mann). Un acharné de la culture transalpine engagé dans une sorte de mission pour la gloire de son pays natal. Personnalité publique passablement complexe à manœuvrer, Iervolino s'est engagé très tôt dans l'industrie du septième art (pour avoir déjà acquis une solide base financière en vendant des sites web à l'âge de treize ans avant de devenir producteur à la fin de son adolescence, selon les biographies officielles).
Habitué du Festival de Venise, il est aussi le propriétaire officiel du catalogue de l'ancienne société Exclusive Media Group (Sexe Intentions, Donnie Darko, Rush, End of Watch, etc). En dehors des excentricités conventionnelles (comme le fait de mettre son nom et prénom sur l'ensemble de ses sociétés et sous-sociétés, dans l'optique de cultiver sa marque personnelle), Iervolino entend aussi développer le monde du cinéma à travers l'espace, pour tourner des scènes de combat en gravité zéro. La compagnie SpaceX d'Elon Musk est partenaire sur le projet.
Pour l'anecdote, le loustic est aussi le premier à avoir mis le pape (le vrai, le vrai pape) dans un long-métrage de fiction à l'occasion du film Beyond the Sun en 2017. Il s'est aussi lancé dans l'industrie du streaming et des cryptomonnaies en fondant la plateforme TaTaTu, un service de vidéos-à-la-demande financé par des jetons virtuels. Le film Lamborghini a été développé pour cette même plateforme (qui refile à ses abonnés une monnaie virtuelle en échange d'un engagement social, pour le partage de contenu, les interactions par commentaires, etc). Le producteur multicasquette a également des parts dans une société d'animation basée en Serbie, Iervolino Studios. Celle-ci est notamment responsable d'une série animée diffusée sur le web, Puffins, avec Johnny Depp au doublage.
Difficile donc de feindre la surprise en découvrant le casting du film Bunny Man : James Franco, Mike Tyson et Bella Thorne, ainsi que Michele Morrone (365 Days), Franco Nero (Django) et Ana Golja. Le projet devrait s'intéresser à un super-héros mystérieux, multimillionnaire anonyme, qui combat le crime dans un costume de cuir intégral avec des oreilles de lapin. Le héros aurait décidé de se lancer dans cette croisade vengeresse pour venger sa sœur, qui se serait suicidée à la suite d'une agression (sexuelle ou non, l'information n'est pas précisée). Celle-ci aurait été traumatisée en découvrant que ses assaillants avaient ensuite posté des images de leur acte monstrueux sur le web. Le réalisateur du long-métrage (dont l'identité n'a pas été révélée) se chargera lui-même du rôle de Bunny Man.
Pour un peu de contexte : la carrière de James Franco a pris un sérieux coup de plomb dans l'aile ces quelques dernières années suite aux révélations du mouvement MeToo. Sans entrer dans les détails de chaque affaire, le comédien a reconnu quelques données en particulier, notamment le fait d'avoir couché avec une adolescente de 17 ans alors qu'il en était âgé de 35, d'avoir couché avec plusieurs de ses élèves au moment où celui-ci enseignait l'art dramatique, et l'on sait également que celui-ci aura versé 2 millions de dollars à deux plaignantes qui l'accusaient d'agression sexuelle sur ce même cursus pour éviter un procès. Un article du Los Angeles Times a également rapporté cinq autres accusations du même genre, et l'une de ses ex l'a également accusé de viol. L'acteur nie cet élément en particulier, mais a tout de même reconnu qu'il était en traitement pour une dépendance sexuelle depuis de nombreuses années. Voilà pour le Bouffon Vert.
En ce qui concerne Tyson et Thorne, inutile d'entrer dans les détails personnels de leurs vies et parcours individuels. Une chose est sûre : le projet Bunny Man a misé sur des profils dans le creux de la vague, habitué aux petites productions dans le cinéma de genre ou les répertoires de série B. Et ça se confirme dans les détails : le film devrait être tourné dans son immense majorité en décors virtuels, sur fonds verts (ou sur fonds bleus, en fonction des goûts). Tyson a même déjà eu le temps de terminer l'ensemble de ses scènes, entre deux séances d'entraînement avant son combat contre Jake Paul. Ou entre deux podcasts, deux séances de calinothérapie avec ses célèbres pigeons voyageurs ou deux tournées publicitaires pour la promo' de sa marque de peuf', le gars a une actualité très chargée.
Andrea Iervolino assure que Bunny Man va bien évidemment révolutionner pour de bon l'industrie des super-héros et changer la façon dont le public aborde cet imaginaire cloisonné. En somme, on tient sans doute l'équivalent de The Crow ou Hellboy : The Crooked Man pour 2025, comme pour préserver l'équilibre karmique naturel en attendant que Red Sonja ne réapparaisse du néant. Le film est actuellement présenté aux investisseurs de l'American Film Market pour tenter de trouver une distribution locale. Mais pas d'inquiétude : l'Italie a encore le parmesan et le limoncello pour se défendre à l'international, il en faudra plus pour écorner le prestige du pays. Amitiés à nos cousins transalpins.