Par manque de temps ou par souci d'organisation pour lequel nous vous présentons toutes nos excuses, nous n'avons pas réussi à dérusher, retranscrire, monter et mettre en ligne toutes les interviews réalisées au printemps passé. Et il y en a eu ! Entre l'édition 2024 de FACTS et le Paris Fan Festival, les rencontres ont été particulièrement nombreuses, et c'est sur la convention parisienne que nous revenons dans cet article. Le bien bon Stjepan Sejic, à qui l'on doit les bande dessinées sensuelles Sunstone et Mercy, mais aussi des titres comme Harleen chez DC Comics, faisait partie des nombreux invités de la dernière édition du Paris Fan Festival.
Il était donc parfaitement impensable, en grands fans du bonhomme et de son art du dessin en numérique, que nous ne profitions pas de l'évènement pour aller à sa rencontre et lui poser quelques questions. L'interview essaie de dérouler dans le temps imparti les choix de carrière de l'artiste, son état d'esprit sur ses projets et la façon dont le marché de la bande dessinée américaine fonctionne, etc. Une discussion à retrouver également à l'audio via le podcast First Print, et qu'on vous encourage à partager (quel que soit le format) si vous appréciez le travail fourni dans nos colonnes.
Remerciements : Sébastien Martin, Jérémy Briam.
CB : Bonjour Stjepan, comment allez vous ?
S : Ca va très bien ! Un peu fatigué, c'est la deuxième journée du salon et c'est à ce moment là qu'on commence à accuser le coup.
CB : Il s'agit de votre première visite en France, donc on va commencer avec la question obligatoire : pouvez-vous nous parler un peu de vous, et nous dire ce qui vous a poussé à devenir artiste de comics ?
S : Alors, je m'appelle Stepan Sejic, je suis auteur et dessinateur de comics. Je suis entré dans l'industrie au début des années deux mille, lorsque j'avais commencé à publier mes dessins en ligne, et qu'Arcana Comics m'a engagé pour travailler sur la série Kade : Sun of Perdition. Ensuite, je me suis orienté vers Top Cow, où j'ai dessiné sur quelques uns de leur titres (et surtout Witchblade) pendant cinquante à cent numéros si on englobe tout. Puis, après ça, je suis resté avec eux et j'ai bifurqué d'un titre à un autre. J'ai commencé à travailler chez DC... et puis, j'ai simplement continuité à faire des comics à partir de là.
CB : Comment est-ce que vous choisissez vos projets, entre les créations originales ou les contrats à la commande ?
S : Et bien, une fois que tout a été mis dans la balance, c'est simple : si une de mes créations originales se vend bien, je vais forcément la prioriser. Si vous avez un comics en creactor owned qui devient un best seller, ça vous rapportera toujours plus d'argent que de travailler sur un personnage qui appartient à une grosse enseigne. Donc... voilà ce qui définit l'ordre des priorités. Mais, ceci étant dit, en ce qui concerne les séries à la commande, j'ai tendance à choisir en fonction des personnages qui m'intéressent. S'ils trouvent comment me vendre un titre, ou si moi j'arrive à leur vendre une idée pour un titre, c'est comme ça que ça se passe.
CB : Vous êtes aussi connus, en tant qu'auteur, pour des titres qui vont vers la romance, les thématiques LGBT+. On imagine que ce n'était pas quelque chose de facile à engager au début de votre carrière. Est-ce que c'est cette préférence qui vous a poussé vers le webcomics, où vous étiez libre d'écrire sans la contrainte d'un éditeur ?
S : Non, en fait... cette partie là de ma carrière est née de quelque chose qui n'était pas prévu. J'ai fait un burn out, parce que je travaillais sur Witchblade depuis tellement longtemps, et je ne savais pas exactement ce que je voulais faire ensuite. A l'époque, j'avais lancé mon propre comics de fantasy qui s'était planté dans les ventes. Et à ce moment là, je pensais même abandonner la BD et me lancer dans les jeux vidéo, parce que j'avais déjà eu quelques premières expériences dans ce domaine. Donc je me suis dit, pourquoi pas. Peut-être que je vais raccrocher.
Et... peut-être dans l'idée de retrouver un peu la flamme, je m'étais créé un compte secondaire sur la plateforme DeviantArt, pour m'amuser. Je dessinais des petites blagues sur le thème du BDSM. Sauf qu'à cette période, ils avaient cette politique interne qui interdisait les dessins sexuels d'un certain genre pour les personnages masculins. Donc je me suis dit "je n'ai qu'à dessiner des femmes". (rires) Vous voyez à quel point rien de tout ça n'était prévu. Alors j'ai commencé à faire ces petits sketches, en pensant que c'était juste pour rire, que rien de sérieux n'allait en sortir. Et puis, les personnages ont commencé à parler. J'ai commencé à les prendre au sérieux, à écrire, à faire des recherches, à faire de plus en plus de recherches. Et puis, bien sûr, quand vous commencez à produire ce genre de trucs, vous avez de plus en plus de gens qui vous approchent pour vous raconter leurs propres histoires. Et ils vous en parlent et vous en parlent et vous en parlent... et là j'ai réalisé que je pouvais écrire une quantité infinie de comics sur ce sujet.
J'en ai écrit une, et à la fin, il me restait un élément que je voulais placer mais qui ne s'insérait pas dans cette histoire. Et donc je devais en écrire une deuxième, pour cet élément. Et puis les choses se sont enchaînées, en fait.
CB : Est-ce que ça a été difficile de trouver un éditeur pour ce genre de titres ? On sait que l'industrie est plutôt pudique avec les comics qui traitent ouvertement de sexualité.
S : Ca n'a pas été dur à proprement parler... en fait voilà : au moment où j'ai décidé de commencer à publier ces histoires en albums, j'avais déjà sorti quatre saisons de Sunstone sur le web. J'étais en train d'écrire la cinquième, et grosso modo, j'en discutais avec Matt Hawkins (ndlr : président de Top Cow) qui a longtemps été mon éditeur et est encore à l'heure actuelle mon meilleur ami. Il m'a dit "et si nous on les publiait, tes BDs ?". Je lui ai demandé s'il était vraiment à l'aise avec le sujet parce que, bon, la romance pour adultes... Il m'a dit qu'il allait jeter un oeil, et que c'était ok de leur côté. Ce qui s'est passé, je pense, c'est que Saga avait établi un précédent chez Image Comics avec la nudité, la sexualité, et on a justement eu cette discussion à ce moment là.
Et puis ça n'a pas été difficile de les convaincre à ce moment là : quand ils ont vu le nombre de lecteurs de Sunstone sur le web, ils sont devenus dingues. Alors on a commencé à les publier, et ça a explosé. Au point que la série est éditée et traduite dans soixante-quinze pays à travers le monde. C'est devenu un projet énorme, pour quelque chose qui est juste né de mon envie de passer le temps à travers un burn out. C'est surréaliste.
CB : Donc votre conseil pour les artistes qui se lancent serait : faites un burn out. (rires)
S : Vous savez, le burn out, c'est votre corps qui vous explique que vous avez simplement fait la même chose sur une trop longue période. Alors pourquoi ne pas essayer de faire quelque chose d'autre. C'est ce qui a marché dans mon cas, et voilà pourquoi je m'en suis retrouvé là. Mais si j'avais un conseil à donner, ce serait de dire aux artistes : prenez ce petit personnage original que vous avez créé et que vous dessinez de temps en temps, que vous montrez aux gens, avec lequel vous vous amusez, et faites en quelque chose. Actuellement, vous n'en faites rien, vous vous tournez vers l'alimentaire. Donnez lui une chance. Parfois, vos propres créations peuvent vous surprendre, et c'est ça qui s'est passé dans mon cas.
CB : Selon vous, cette ouverture vers le marché du webcomics vous a mené vers un autre lectorat que celui des super-héros ? Dans le cas de la Witchblade, on a cette image d'un lectorat essentiellement masculin, mais vos projets du moment ont l'air plus ouverts à d'autres catégories.
S : Le public des webcomics comprend une part vraiment, vraiment importante de lectrices. Dans le cas de Sunstone, le titre a eu un énorme public féminin. Et alors... bon, le problème c'est ça : pendant très longtemps, l'industrie de la BD américaine a eu cette tendance à mettre tous ses œufs dans le même panier. Le panier des super-héros. Et à cause de ça, tous les autres registres de fiction se sont effondrés, ou ont existé dans de petites perspectives à la périphérie. Et ça, c'est un vrai gros problème. Quand vous allez dans un comic shop, l'essentiel de l'offre disponible se concentre sur les séries de super-héros. Et pour les gens qui ne s'intéressent pas aux super-héros, ou qui n'ont pas envie de trimballer cinq grosses encyclopédies pour savoir vers quel titre se diriger... ceux-là n'auront pas forcément envie de pousser la porte de la boutique. Vous voyez ?
Alors que dans les webcomics, le genre de la romance est colossal. Vous ne pouvez pas imaginer combien certain(e)s artistes se font avec leurs propres projets. Des sommes qu'il est complètement impossible de gagner en travaillant dans les comics de super-héros. Sans blague. Sur le simple plan financier. C'est quelque chose que j'aime rappeler aux gens, parce que quand je demande aux éditeurs "pourquoi vous ne publiez pas davantage de romances ?", ils me répondent "parce que ça ne se vend pas !" (Stjepan Sejic se frappe la cuisse) Vous vous foutez de ma gueule ?
Il existe des séries comme
Lore Olympus qui fonctionnent mieux que le moindre de mes propres projets. Mieux que tout ce que j'ai fait pendant ma carrière. Et pourtant, mes albums se vendent énormément ! Mais
Lore Olympus ? Pfiou ! Ma femme
a aussi fait ce comics, Punderworld, qui se situe quelque part entre la romance et la série tranche-de-vie. Et vous savez, aux Etats-Unis, le genre de la tranche-de-vie ? Ca n'existe pas. Alors qu'au Japon, c'est quelque chose d'énorme. Et donc c'est un problème : l'industrie américaine manque profondément de diversité.
Alors, les choses se sont améliorées depuis quelques années, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Tout un tas de gens en ont marre de cette obsession pour les super-héros et veulent essayer des trucs différents, et c'est ce qu'ils font. Des fois ça marche, des fois non, mais l'effort est là, heureusement.
CB : Mais vous-mêmes avez tenté d'insuffler un peu de nouveauté avec Harleen, qui proposait un mélange des genres. Dans un univers de super-héros, avec des codes de romance noire. Et la série a connu un vrai succès.
S : Oui. Avec Harleen, l'idée était de faire un truc dans le style thriller, romantique, ténébreux. Je crois avoir déjà dit par le passé que l'histoire de Harley Quinn, son origine en tant que personnage, ressemble à cette littérature de l'amour ténébreux. Vous voyez : une femme rencontre un homme, il est dangereux, il est grand, plutôt beau mec, mais en même temps, il lui fait un peu peur. Et elle se dit qu'elle peut l'aider, qu'elle peut le changer. L'histoire de Harley, c'est ça... sauf qu'elle échoue. Là où, en temps normal, l'héroïne arrive à secourir, à changer l'attitude de son amoureux, dans ce cas précis c'est l'inverse qui se produit. C'est ce principe plutôt fascinant qui m'a poussé à écrire cette histoire. Je voulais prendre les stéréotypes, les poncifs d'usage, et les explorer sous un angle qu'on a souvent tendance à négliger. Travailler là-dessus a été assez intense et très amusant.
CB : Et là-dessus vous aviez carte blanche. Je me demandais aussi : qu'est-ce qui vous a poussé à vous occuper de la série Aquaman ? Puisque vous avez dit plus tôt que vous choisissez vos projets en fonction de vos envies personnelles.
S : Ce qui s'est passé, c'est que je venais de terminer le cinquième Sunstone. J'avais besoin de prendre une pause d'un an avant d'attaquer l'histoire suivante, pour remettre mes notes et mes idées dans le bon ordre. Durant cette période, je me suis dit qu'il fallait travailler sur quelque chose de différent, pour me changer les idées. C'est là que DC Comics m'a appelé, et comme j'avais un trou à remplir dans mon calendrier, ils m'ont dit "ça tombe bien, on a besoin de quelqu'un sur Aquaman."
Et je crois ma réaction a été "euh Aquaman ? Vraiment ?" (rires) Parce que... bon, je n'ai jamais lu de comics Aquaman. Je n'ai aucune idée de ce à quoi ça ressemble. Je connais quelques personnages qui sortent de cet univers, mais c'est tout. Alors je leur ai répondu que je n'étais pas vraiment intéressé. Ils m'ont dit "écoute jusqu'au bout : toute la série va se passer dans le Royaume d'Atlantis, un monde imaginaire sous l'eau, peuplé de créatures fantastiques, de monstres..." Et moi "vous voulez dire que j'aurai la possibilité de créer tout un univers, d'inventer des designs de monstres et que je ne vais pas avoir à m'emmerder à dessiner des voitures ? Vendu !" (rires)
Parce que voilà : je n'aime pas utiliser de références quand je dessine (ndlr : beaucoup de dessinateur illustrent à partir de photographies pour certains objets de la vie réelle, ce qui nécessite un certain travail de recherche) parce que ça a tendance à me ralentir. Mais quand vous dessinez des séries qui se passent... disons, au-dessus de la surface de l'eau, vous devez dessiner des voitures. Et qu'est-ce que vous allez faire dans ce cas ? Inventer de nouvelles voitures à chaque fois ? Les fans d'automobile vont venir vous voir et vous demander ce que vous foutez. (rires) Donc... quand c'est possible, j'ai tendance à éviter. Parce que je déteste dessiner les voitures. Si vous avez besoin d'un artiste doué pour ça, allez voir Sean Murphy. (rires) Lui, il aime ça, moi non.
Alors, quand ils m'ont dit que je pouvais m'amuser, inventer tout un nouveau design pour Atlantis, je me suis dit "ah oui, ça je sais faire". J'ai reçu les premiers scripts et réalisé que j'avais de quoi travailler - parce que le scénario était vraiment bon, vraiment intense, avec beaucoup de dramaturgie, d'intrigues. C'était mon répertoire. Et aussi, il y avait le personnage de Dolphin. Et c'est un sujet de dessin assez intéressant, parce qu'elle ne parle pas ! Ce qui m'a donc obligé à passer par l'expressivité, le "jeu d'acteur", à travailler sur ce personnage. Et ça, ça fait partie de mes spécialités, des trucs que je préfère en tant qu'artiste. Les expressions, la gestuelle, ce genre de choses... C'était le personnage idéal pour ça.
CB : A propos de ça justement : au début de votre carrière, sur des séries comme Witchblade ou Aphrodite IX, votre coup de crayon, vos designs étaient plutôt "réalistes", voire photoréalistes, dans un sens. Aujourd'hui, on a plutôt le sentiment que vous avez atteint une sorte de forme finale, avec des couleurs pleines, quelque chose qui oscille peut-être davantage entre l'influence comics et l'influence manga ?
S : Ce qu'il faut savoir à ce sujet, c'est que... à l'époque, j'avais mon propre style. Et ça ressemblait déjà beaucoup à ce que je produis aujourd'hui. Je dessinais de cette façon avant d'entrer dans l'industrie des comics. Et ensuite, grâce à internet, j'ai pu découvrir le travail de Marc Silvestri et Alex Ross. A partir de là, je me suis posé la question de comment combiner ces deux esthétiques... et le problème, c'est que finalement, je me suis "fabriqué" un style et je m'en suis servi au début. Sauf que quand vous pratiquez une méthode qui n'est pas exactement la vôtre... comme si vous deviez écrire un texte en imitant l'écriture de quelqu'un : ça peut fonctionner pendant un certain temps, jusqu'au moment où votre main se remet naturellement à écrire à votre façon.
Quand vous lisez mes comics Witchblade, vous pouvez voir au fil du temps comment cette approche a fini par se dégrader, au fur et à mesure de l'avancée de mon burn out. Parce que j'ai passé toute la série à me forcer à travailler dans un style qui n'était simplement pas le mien. Et ensuite, j'ai eu cette grosse dépression, j'ai commencé à travailler sur Sunstone, et j'ai fini par trouver mon style définitif que j'emploie pour tout ce que je produis aujourd'hui. A l'exception de certaines couvertures où je donne encore dans le réalisme.
CB : On avait aussi entendu parler d'un projet de spin-off pour Harleen ?
S : Oui. Au moment où je leur ai présenté la série, d'entrée de jeu, l'idée était la suivante : trois albums sur Harleen, avec un arc scénaristique différent à chaque fois. Et l'objectif, c'était de terminer chaque série sur une fin qui fonctionnerait telle quelle, sur une fin qui aurait l'air parfaite. A la suite de Harleen, on avait prévu deux autres arcs scénaristiques, mais aussi des spin-offs entre chaque arc.
Ce qui nous donne : Harleen, puis Isley, puis Harleen 2, puis Selina, puis Harleen 3, puis les Gotham City Sirens. Je leur avais pitché ça comme ça, avec cette logique globale, sur le long terme. L'ennui, c'est que je travaille sur cinq séries en parallèle (et un roman), donc à partir de là, difficile de trouver le temps de placer tout ça.
CB : Mais est-ce que ces différentes séries sont encore prévues... ? Ou est-ce que vous avez renoncé au projet ?
S : Si je trouve le temps de les faire, je les ferai. En plus, tous les scripts sont déjà écrits, et ils sont bien meilleurs que celui de la première série Harleen. (rires)
CB : Vous n'aimez pas la première série ?
S : Si, je l'aime beaucoup, mais je suis devenu meilleur. (rires)
CB : On a pris l'habitude de poser la question aux artistes : qu'est-ce que vous pensez de l'intelligence artificielle, et est-ce que vous sentez un danger dans l'apparition et l'existence de cette technologie pour les métiers du dessin ? En tant qu'artiste numérique, on imagine que vous devez avoir un avis sur la question.
S : Je n'ai pas peur de l'IA, je pense simplement que c'est de la merde. (rires) Le principe, c'est qu'un algorithme va avaler et régurgiter le travail d'autres artistes, comme on assemble des morceaux de corps humains pour faire la créature de Frankenstein. Prendre les dessins des autres et accoucher d'un facsimilé de vrai dessin, qui a l'air cool parce qu'on a été pioché dans le travail de vrais êtres humains.... c'est un gimmick. C'est de la merde, et ça ne fonctionne réellement qu'en tant qu'outil entre les mains d'artistes réellement expérimentés, ce qui est toute l'ironie de cette technologie.
Vous voyez tous ces gens qui n'ont jamais vraiment voulu produire de l'art, qui ne se sont même jamais posé la question, et qui se racontent aujourd'hui qu'ils sont devenus des artistes en utilisant l'IA ? Ok, alors moi j'ai une requête : est-ce que tu peux garder tous les éléments de ton image, change la position de ce personnage et faire en sorte que la caméra pointe sous cet angle ? Ils ne peuvent pas faire ça. Evidemment, parce qu'ils ne savent ni dessiner, ni peindre.
Maintenant, un artiste expérimenté peut utiliser l'IA pour certaines tâches, certains rendus, certains copiés collés. Il peut faire en sorte que la technologie aille dans son sens. Même si, à mon sens, ça reste une méthode illégitime, parce que l'intelligence artificielle n'utilise pas une grille de production éthique. Elle se base sur le vol de données. Et c'est tout, d'entrée de jeu, tout le principe a toujours reposé sur du vol et de la collecte de données, sans consentement, sans poser la question aux artistes. Pour moi, toute utilisation de l'IA s'oppose à l'éthique. Quand je vois des gens qui s'en servent, je leur dis "ok bye". (rires)
CB : J'avais une dernière question. Ou plutôt, une requête : quand vous aviez fait ces petites illustrations pour un team-up entre Wonder Woman et Lara Croft il y a quelques années, beaucoup de gens espéraient un comics dans la foulée. Ca n'a pas été possible pour des questions de droit, évidemment, mais si la situation devait se débloquer, est-ce que ce projet vous intéresserait encore ?
S : Bien sûr, j'ai déjà développé toute une histoire autour de ça ! Et c'est le genre de choses qui, si ça devait finir par arriver, pourrait me motiver à mettre tout le reste sur pause pour m'en occuper en priorité. Parce que c'est le genre de comics qui pourrait me rapporter cinq millions de dollars. (rires) Sans blague ! Ce truc pourrait se vendre à des niveaux incroyables !
Mais sérieusement, j'ai effectivement une histoire en tête pour ces deux personnages. Et surtout, la viralité de cette petite poignée de dessins a été telle que... si je pouvais annoncer que ce comics était en route ? (Stjepan Sejic utilise une gestuelle complexe pour indiquer l'étendue vertigineuse de cette annonce au sein de la communauté des fans) J'aurais juste à annoncer les précommandes et le site web tomberait en quelques secondes.
CB : Et pour les temps futurs, qu'est-ce que vous pouvez nous dire à propos de vos prochains projets ?
S : Alors, récemment on vient tout juste de sortir le tome deux de Fine Print. Ensuite, le 15 mai, ce sera au tour du huitième tome de Sunstone. En début d'année prochaine, le tome deux de Death Vigil arrive. Et puis ensuite... Fine Print 3, et à ce moment là, il faudra voir. Je pense que je vais m'autoriser une pause. Peut-être accepter un contrat chez DC, pour me recentrer un peu. Et puis, après tout, pourquoi pas Harleen 2, pourquoi pas Isley. On verra. C'est de l'ordre du possible. J'ai vraiment envie de travailler sur ces albums, c'est juste que... il faut que je trouve une façon de faire rentrer tout ça dans l'agenda.
CB : Parfait. Merci beaucoup Stjepan Sejic, ça a été un plaisir de discuter avec vous !
S : Merci à vous ! Plaisir partagé.