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Rencontre : Charlie Adlard, l'après Walking Dead et Altamont

Rencontre : Charlie Adlard, l'après Walking Dead et Altamont

InterviewGlénat

Présent lors des Rendez-vous de la BD à Amiens au début de l'été passé, le dessinateur Charlie Adlard, mondialement connu pour son travail de longue haleine sur les comics The Walking Dead, était de passage pour présenter sa nouvelle bande-dessinée, Altamont. L'ouvrage est sorti depuis peu chez Glénat et nous profitons de l'occasion pour vous proposer cet entretien fleuve enregistré avec l'artiste, qui nous permet de revenir sur la période post-The Walking Dead avant d'embrayer sur ses nouveaux projets et de revenir longuement sur Altamont.

Pour celles et ceux qui le souhaitent, la version audio de cette interview, réalisée toute en anglais, est à découvrir via notre podcast First Print. Pour les autres, vous pouvez lire l'intégralité de cette discussion ci-dessous. Une balise spoiler est placée dans l'article au sujet d'Altamont, au cas où.

Remerciements spéciaux à Manon qui a permis la réalisation de cette interview, et à Antoine "Bigor" Boudet pour la retranscription.

 

Nous sommes ravis de vous recevoir, Charlie Adlard. Vous êtes ici de passage à Amiens et vous viendrez bientôt à…

Au Cabaret Vert.

…au Cabaret Vert, merci, pour présenter votre nouvel album, Altamont, de sortie le 30 août chez Glénat. On va en parler un  mais, avant ça, j'aimerais revenir quatre ans en arrière, quand The Walking Dead s'est terminé. Je pense que tout le monde sait que vous avez dessiné The Walking Dead pendant quinze ans, plus de seize même...

Oui, plus de seize ans.

Pouvez-vous revenir un peu en arrière et nous dire quand vous avez reçu le scénario du dernier numéro et quand vous avez réalisé qu'il s'agirait du dernier numéro ? En tant que lecteurs, nous n'étions pas au courant avant sa sortie.

Hum. Eh bien, je l’ai su quatre ans avant le dernier numéro. Robert et moi avions parlé de terminer la série il y a bien longtemps. Je me souviens avoir envoyé un e-mail à Robert pour lui dire : « J'en suis à environ douze ans de Walking Dead, je pense qu'à ce stade, nous devons établir une fin. Que ce soit dans six mois, dans vingt numéros, dans quarante numéros… » On a fini par se dire « on finit dans quarante-huit numéros » uniquement parce que, lorsque nous nous le sommes suggérés l'un à l’autre… 

En réalité, c’était assez mutuel, même si j'ai  l’impression d’avoir envoyé l'e-mail initial à Robert disant « J'ai besoin de sortir ! ». Robert pensait aussi « j'ai tant d'histoires à raconter, et il me reste que peu de temps, comment vais-je annoncer cela à Charlie » et, comme par hasard, j'avais envoyé mon e-mail. C'était drôle parce qu'on pensait tous les deux à la fin presque en même temps. Et Robert a suggéré que, pour que tout soit bien ordonné, il valait mieux terminer sur un numéro où on aurait une collection complète. Nous avons donc pensé que la meilleure chose à faire était de terminer sur le quatrième compendium, la grande collection de 48 numéros, afin d'avoir un joli nombre de Walking Dead sur votre étagère et, bien sûr, il a suggéré cela avant de se dire « oh, si on compte en compendiums, nous avons presque commencé le numéro quatre ». 

Évidemment, en regardant vers l'avant, on se rend compte qu'il s'agit de quatre autres années de travail. Mais pour être honnête, après douze ans de travail, quatre ans ne semblaient pas si longs que ça. Et je continuais à m'amuser, ne vous méprenez pas, ce n'est pas comme si je voulais partir tout de suite. J'avais juste besoin de savoir que nous allions terminer à un moment donné. Avant cela, nous avions l'habitude de nous dire l’un à l’autre, à la presse, aux fans et à tout le monde « nous allons continuer pour toujours » en plaisantant à moitié, évidemment, mais c'était toujours l'idée que l'on s'en faisait... Évidemment, nous avons continué à dire cela pendant les quatre années suivantes et nous avons surpris tout le monde avec le numéro 193 (rires).


Oui, parce que vous avez dessiné les couvertures de #194 et #195.

Oui.

Robert et vous avez fait une chose très rusée en laissant croire aux gens que l'histoire se poursuivrait. Était-ce difficile de dessiner des couvertures pour des numéros qui n'existeront pas et de garder le secret pour vos amis les plus proches et votre famille ?

C'est ce que Robert a suggéré et j'ai trouvé que c'était une idée géniale parce que c'est le problème avec l'industrie américaine : tout est projeté trois mois à l’avance. Donc si, à l'époque, trois mois de Walking Dead n'étaient pas dans le Previews, les gens auraient su trois mois avant la fin du numéro qu'il y avait quelque chose de bizarre, même si nous ne le disions pas. C'était tellement régulier pendant seize ans, avec des numéros qui s'enchaînaient mois après mois après mois... Nous n’étions jamais en retard, alors ça aurait été vraiment étrange de ne rien sortir pendant trois mois. 

L’idée était donc de prétendre que nous allions continuer, en essayant de garder un maximum d'informations, surtout à notre époque où rien ne peut être gardé secret. L'idée était de voir si nous pouvions garder le secret jusqu'à ce que les fans aient le livre entre les mains et qu'ils arrivent à la fin et qu'il y ait écrit « The End ». Cela a toujours fait partie du plan. Ce n'était pas bizarre de dessiner des couvertures, je savais qu'elles ne seraient pas publiées parce que je pense que c’est une partie de la création de The Walking Dead. Nous travaillons pour Image et notre contrat pour The Walking Dead ressemble plus à un contrat littéraire. Vous savez, nous ne sommes pas payés à la page, nous sommes payés sur les royalties. Donc faire des couvertures qui n'ont jamais été publiées me semblait faire partie de l'ensemble en terme de produit. Et elles sont toujours là, elles sont toujours pertinentes et ce n'est pas parce qu'elles n'ont pas été publiées qu'elles n'existent pas.

Et elles font partie de la publication de la BD.

Oui, exactement.

Et qu'est-ce que ça fait... de mettre fin à The Walking Dead après seize ans ?

Je me suis senti en pleine forme. (rires) C'est vrai. Il y avait, je dois l'admettre, une pointe de tristesse parce que cela a fait partie de ma vie pendant si longtemps. Seize ans dans la vie de quelqu'un, c'est un gros morceau. En réalité, c'est probablement un quart de votre vie que vous passez à dessiner une seule chose. Alors oui, il y avait un peu de tristesse, mais après douze ans, après mon premier e-mail demandant « pouvons-nous avoir une fin à un moment donné ? » je voyais bien que ça commençait à m'épuiser. Je pense donc que nous avons terminé au moment idéal. 

C'était génial de faire le dernier numéro parce que, pendant les quatre ou cinq dernières années, je crayonnais et Stefano Gaudiano encrait. Aussi bon que soit Stefano en tant qu'encreur, il comprendrait parfaitement que je préférerais encrer et terminer mon propre travail parce que c'est ce que j'ai toujours fait et c'est ce que je continue à faire. Nous l'avons fait uniquement pour gagner du temps afin que je puisse partir et faire autre chose, en plus de Walking Dead, donc c'était génial de dessiner le 193, de faire ce numéro triple et de le finir de la façon dont je voulais qu'il soit fini, c'est-à-dire en faisant tout de A à Z. C'était une chose sympathique à faire.

Vous avez réussi à trouver le temps de faire d'autres projets tout en faisant Walking Dead, comme Vampire State Building, qui a aussi pris beaucoup de temps à sortir parce que dans une interview de 2014, vous en parliez déjà, mais il n'est sorti que cinq ans plus tard. Je pense qu'il était difficile d'ajuster votre temps pour faire The Walking Dead et ensuite d'autres projets...

Oui, Vampire State Building en particulier a eu une gestation très longue, parce qu'évidemment je faisais Walking Dead. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'aime l'industrie française, parce qu'en réalité, ils vous donnent des délais très longs. Cela a été bénéfique pour moi. Et, évidemment, j'ai dit à Soleil, mon éditeur, dès le début, que ce projet ne serait pas terminé avant un an ou six mois, mais qu'il s'agirait d'un projet à très long terme, alors oui, il a été littéralement réalisé entre deux... Je faisais des numéros de Walking Dead pour prendre de l'avance. Je savais que je n'avais, disons, qu'un mois avant le prochain numéro, donc j'avais tout le temps de faire une partie de Vampire State. 

La première chose que j'ai faite après avoir terminé Walking Dead a été... de terminer Vampire State Building. Il me restait probablement dix ou quinze pages à faire, je m'en souviens maintenant, mais c'était mon premier objectif. J'ai éprouvé un sentiment de détente lorsque j'ai terminé les dernières pages parce que je savais que je ne travaillais pas contre la montre pour en faire le plus possible avant de retourner à Walking Dead. Ces dernières pages ont été très agréables parce qu'il y avait du calme, je pouvais me détendre et le faire à mon rythme.

En tant qu'artiste britannique, vous avez déjà travaillé pour le marché européen et français en particulier, et aussi pour le marché américain. À part les délais, quelles sont les différences entre ces deux marchés ?

Mis à part les délais... Je veux dire que c'est un format différent. Le format américain tend à être beaucoup plus... Vous devez produire en général 22 pages par mois, ce qui fait, si vous êtes régulier, plus de 150 pages par an. Vous pouvez vous permettre d'être plus détendu dans la narration de l'histoire. Je pense que beaucoup de bandes dessinées américaines, et je le critique moi-même, sont coupables du fait que lorsqu'un numéro mensuel sort, vous pouvez le lire en 5 minutes et vous dire " wow, est-ce que ça en valait la peine ? "Je veux dire que ça peut valoir le coup quand c'est rassemblé et qu'on le lit comme un gros morceau de 120 ou 200 pages. Parfois, vous avez juste besoin de votre dose mensuelle, mais ça peut-être une expérience assez vide. 

Alors qu'avec la Bande Dessinée, en raison de ce format, surtout avec le format classique de 48-52 pages, vous devez vraiment condenser votre histoire dans ces pages, donc je pense que nous obtenons, comme nous le disons au Royaume-Uni et aux États-Unis, « more bang for your book ». L'histoire est plus condensée et il faut donc adapter un peu son dessin pour qu'il convienne à cette forme narrative. D'un point de vue technique, il y a plus de cases par page à cause de cela, et vous savez aussi que les pages seront imprimées en plus grand, donc c'est plus facile de faire plus de cases par page. 

À part ça, nous sommes tous des pays occidentaux, il n'y a pas de différence dans notre façon de raconter l'histoire ou quoi que ce soit d'autre, notre façon de raconter l'histoire est similaire. Je pense que les Européens ont un plus grand sens de l'espace que les Américains, ce qui me convient parfaitement car c'est ce que je préfère. Vous vous concentrez davantage sur l'atmosphère et, disons, sur un lieu, la référence est toujours très forte, alors qu'en Amérique, on se concentre davantage sur le dynamisme, l'action et les choses de ce genre, où l'on pourrait dire qu'ils le font mieux que les Européens, mais on peut dire que les Européens mettent mieux en scène les séquences et les dialogues que les Américains. Chaque industrie a ses propres avantages et désavantages…

En avez-vous une que vous préférez ?

Oui : La Bande dessinée (rires) Oui, vraiment. J'ai toujours été un fan de cette forme d'art. Angoulême est le dernier... J'avais l'habitude de visiter Angoulême parce que je suis un participant régulier chaque année. Les premières années où j'y suis allé, au début des années 90, j'avais déjà commencé à travailler professionnellement, alors... mais je n'y allais pas pour travailler à l'époque, j'y allais juste en tant que fan. En fait, pour être honnête, ce sont les seuls salons où je suis allé en tant que fan, car tous les autres évènements auxquels j'ai assisté depuis que je me suis intéressé aux bandes dessinées, à la fin des années 80, je n'avais qu'une seule motivation pour y aller : d'abord, trouver du travail, et ensuite devenir un pro. 

Ces premières années à Angoulême ont donc été les seuls moments où l'on se promenait et où l'on s'émerveillait de tout. J'ai toujours été un grand fan, j'adore le format, je suis dans une position très privilégiée en tant qu'artiste de comic-book, je n'ai pas besoin de travailler au rythme d'un comic-book américain pour continuer à gagner de l'argent, je peux donc me permettre de m'asseoir, de me détendre et de travailler sur un album français et de prendre un an pour le faire. J'ai presque pris le contre-pied de ce que les gens attendaient de moi, car j'ai toujours été connu, surtout aux États-Unis, pour être très rapide, et je l'étais vraiment. Mais maintenant, j'apprécie d'être très lent (rires), de prendre mon temps et de me détendre... d'apprécier ce que je fais plutôt que de regarder constamment l'horloge et de me dire « Je dois faire une autre page avant… »

Lorsque votre travail s'est terminé sur Walking Dead, vous n'étiez pas entouré de scénaristes qui voulaient travailler avec vous ou des choses comme ça ? Parce que vous étiez libre pour la première fois.

C'est drôle, je n'avais pas beaucoup de gens qui frappaient à ma porte, mais j'ai trouvé ironique que, dès la sortie du dernier numéro, j'ai reçu deux offres : l'une de Marvel, l'autre de DC, pour faire quelque chose en rapport avec les zombies. Et je n'étais pas intéressé du tout. Encore une fois, Robert et moi avons été gâtés parce qu'évidemment, The Walking Dead appartient à ses créateurs. Pourquoi diable aurais-je été intéressé par l'idée de reprendre les personnages de quelqu'un d'autre ? Je pense que quelques personnes ont essayé de m'offrir cette carotte sur un bâton et j'ai répondu : « Non, pourquoi voudrais-je travailler sur votre personnage et être juste payé pour les pages ? » J'ai plein d'autres projets que je peux faire, que je peux créer moi-même, ce qui est bien plus excitant.

Vous n’avez pas eu peur d’être uniquement perçu comme « le mec qui fait du zombie » ou bien que même pour de la création indépendante on ne vous demande que de faire dans l’horreur?

C’est pour ça que j’ai refusé ce genre de proposition. Comprenez moi bien, je suis éternellement reconnaissant d’avoir pu faire The Walking Dead et si ça veut dire que je ne travaillerais jamais plus car j’ai refusé les projets pour lesquels les gens pensent que je suis le meilleur, qu’il en soit ainsi ! Mais heureusement, je trouve toujours un moyen de m'en sortir. Je suis réaliste, je sais sur quoi je vais travailler ou sur quoi j'ai travaillé depuis The Walking Dead, je sais que ça ne fera pas les mêmes ventes. C’était un genre d’anomalie. Je ne suis pas naïf, je sais que ça ne sera pas « the next big thing » puisque j’ai déjà fait le « big thing ». Je ne cours plus vraiment derrière ça, je veux juste faire quelque chose de bien. La seule chose que je suis déterminé à faire, c’est prouver que j’ai plus d’une corde à mon arc et que je peux faire plus que des zombies.

Vous faites malgré tout de l’horreur avec Damn Them All, de Si Spurrier [à venir chez Delcourt, nda]. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur l’origine de ce projet ?

J’ai tellement fait de projets que c’est parfois compliqué de se rappeler du moment précis…

Je veux connaître le moment exact, la date, le jour ! (rires)

Malheureusement, je ne peux pas vous dire… (rires) C’est difficile de mettre le doigt sur le moment où le projet est né. C’est une de ses choses étranges où j’ai réalisé en lisant – parce qu’évidemment je lis encore des comics, même si ce n’est pas au rythme que j’avais enfant ou même au début de ma vingtaine…

Mais vous lisez encore ! Ce n’est pas toujours le cas chez beaucoup d’artistes qui disent avoir tellement de pages à dessiner qu’ils n’ont pas le temps ou l’envie de lire, mais ce n’est pas votre cas.

J’ai tendance à lire spécifiquement en allant au lit, parce qu’un comic-book qui vous tombe sur la tête quand vous vous endormez est moins douloureux qu’un roman (rires) Donc je lis au lit et ça peut me prendre 3 ou 4 jours de lire un comic-book parce que je tombe de sommeil après quatre pages, et la nuit d’après je dois en relire au moins deux parce que je somnolais… Enfin bref ! Dans ces lectures, je lisais pas mal de choses éditées par Boom! Studios. Chose rare, j’ai fini par avoir le contact d’un éditeur chez eux, pas pour avoir du travail… enfin si, pour avoir du travail, mais pas de manière désespérée en mode « J’ai vraiment envie de travailler pour vous les gars ! » mais je voulais juste envoyer un mail pour dire « j’aime beaucoup ce que vous faites, si jamais vous avez une opportunité pour que l’on travailler ensemble, ce serait cool parce que je pense que ce que vous faites est vraiment bien et ce serait sympa de bosser avec un autre éditeur » parce que j’étais tellement habitué à travailler pour Image depuis de longues années que je voulais bousculer un peu mes habitudes. Ils sont revenus vers moi en me disant « Carrément ! ».

Je connais Si Spurrier depuis des années, et on s’est souvent dit « Oh ! On devrait travailler ensemble un jour » mais sans jamais se lancer. Puis, un jour, au détour d’une conversation, il a mentionné le fait qu’il avait Coda chez Boom! et que ça rencontrait un vrai succès. Les planètes ont fini par s’aligner et Si a proposé Damn Them All. Au début, j’étais un peu réticent car j’avais une règle qui était de dire systématiquement et définitivement non aux zombies. J’ai reçu tellement d’offres liées aux zombies ces quatre dernières années. Et je suis réticent à faire de l’horreur parce que c’est l’étape d’après. 

Tu penses juste à expérimenter d’autres genres, d’autant plus que Walking Dead était avant tout une histoire de personnages, donc je préfère me concentrer plus là-dessus. Puis Si a débarqué avec Damn Them All et m’a promis que ce ne sera pas qu’un simple festival de gore. Puis j’ai lu le script et je me suis dit « Ah mais c’est vraiment bien en fait. Bon bah ok ! » (rires) Je trouve que les projets où je vais aimer travailler sont ceux où je commence à avoir des images en tête lorsque je lis le script. Et avec Damn Them All, je voyais ces images. Et c’était cool de me dire que j’allais pouvoir dessiner une Londres contemporaine. J’ai toujours voulu dessiner des choses contemporaines, mais sans un contexte fantaisiste parce que Walking Dead c’est contemporain mais à chaque plan d’immeuble, tu dois faire en sorte qu’il ait l’air en ruines et recouverts de plantes. Devoir dessiner des vraies personnes dans des vrais lieux était vraiment attirant. Une jolie petite carotte pour moi.

Vous avez dit que vous n’aimez pas trop les bains de sang, que vous préférez l’horreur atmosphérique. Mais Damn Them All est malgré tout…

C’est assez gore, oui (rires) C’est de l’horreur finalement, avec des démons. Mais ce que je voulais faire, c’était qu’ils n’aient pas l’air de démons surhumains. Si tu regardes les pages en noir et blanc – parce que je ne fais pas les couleurs ici, Sofie Dodgson le fait d’une manière brillante – chaque fois qu’un démon apparait, il y a comme un effet de vibration et des lignes irrégulières avec l’arrière-plan qui se fissure comme pour susciter une migraine. Je me suis particulièrement inspiré de Rosemary’s Baby, notamment la scène de viol du démon et son tourbillon surréaliste à l’image, où il y a cette esthétique typiquement années 60 où les images sont distordues. Je m’en suis rappelé en me disant que c’était une très bonne manière de montrer quelque chose d’extrême sans réellement montrer ce que tu vois. J’essayais de reproduire ça avec l’apparition des démons. A moins d’être comme Eli, l‘héroïne, avec des pouvoirs magiques, tous les autres vibrent, tremblent, deviennent fous alors que les démons passent au travers de ses scènes où tout devient taré ! J’ai juste essayé de faire quelque chose de différent plutôt que quelque chose de massif avec une grosse bestiole qui détruit tout… Ça a déjà été fait un million de fois, donc j’ai juste essayé quelque chose de différent.

Au moment où on enregistre ce podcast, la série est en pause et le numéro 7 vient tout juste d’être annoncé dans le Previews. Ce n’est donc pas une ongoing, vous travaillez surtout par arc narratif ? 

Je préfère le dire tout de suite : je ne ferais jamais plus d’ongoing.

Editeurs, vous êtes prévenus.

La vie est trop courte. J’ai 56 ans, je ne suis pas vieux-vieux, mais je regarde parfois ma carrière en me disant qu’il me reste probablement que 10 ou 15 ans de très bonnes années. En tant que scénariste, c’est un peu différent car tu peux faire deux, trois, quatre projets en même temps et arriver à t’en sortir, alors qu’en tant que dessinateur, c’est bien plus dur car ça prend tellement de temps de dessiner. Damn Them All est divisé en arcs narratifs, donc j’ai le temps entre deux arcs de faire, je l’espère, d’autres choses. Donc c’est parfait : c’est une ongoing, mais ce n’en est pas une. Du moins, pas à rythme mensuel.


Parlons maintenant d’Altamont [sorti chez Glénat, nda]. C’est l’histoire d’un festival qui a eu lieu en 1969, avec les Rollings Stones en tête d’affiche et la fête devenue un enfer car le gang de bikers des Hell’s Angels faisant la sécurité et ont fini par tué quelqu’un. C’est une marqueur important dans l’Histoire des USA. Comment est né le projet ? Est-ce que c’était quelque chose d’important pour vous ?

Je n’ai pas de lien personnel avec cette histoire, mais je trouvais juste la fin des années 60 intéressante par rapport à la manière dont les USA et le monde est passé d’une sorte de positivité au début des années 70 où c’était totalement l’inverse. Altamont et les meurtres de Manson ont toujours été les deux goupilles, les deux évènements marquants qui ont mis fin au rêve des hippies et je trouve ça fascinant. Aussi, j’ai toujours voulu faire une bande dessinée sur la musique, particulièrement sur le rock.

Parce que vous aimez ce genre.

Oui, je joue de la batterie, je suis dans un groupe. Mais c’est pas uniquement à cause de ça, je trouve juste le contexte historique intéressant à dessiner. Je me suis dis « oh, ça serait sympa de dessiner les sixties ! » de manière très basique. Avec tout ces éléments combinés tournant dans mon esprit, j’avais besoin de quelqu’un pour réunir mes pensées parce que je ne suis pas un scénariste. Je ne serais jamais un scénariste, je suis le premier à l’admettre.

Vous êtes sûr ?

Absolument certain. Je sais que je n’en suis pas capable. J’avais besoin de quelqu’un pour réunir mes pensées, les coucher sur papier et créer du sens à tout ça. Et c'est ce qu’a fait Herik Hanna.

C’est Thierry Mornet de Delcourt qui vous a présenté Herik ?

Oui. La chose amusante avec Altamont, c’est que ça n’a jamais été pensée pour le marché français à la base. J’ai toujours pensé que ce serait une BD américaine, que j’allais trouver un scénariste, que j’irais voir Image ou un autre éditeur aux USA pour le publier. C’était le chemin que j’avais en tête. Pour différentes raisons, j’en ai discuté avec plusieurs scénaristes et à moment on a un petit peu avancé avec un mec qui a finalement décidé que ce n’était pas pour lui, ce qui peut se comprendre. Il est parti vraiment tôt du projet, ce n’est pas comme si c’était à la dernière minutes et que beaucoup avant déjà été fait. J’avais déjà dessiné quelques croquis, quelques concepts, pour y voir clair dans ma tête. Mais je l’aurais fait dans tous les cas. Ma seule déception avec la personne me disant « je veux pas le faire » c’est que c’était la dernière personne parlant anglais avec laquelle j’en ai parlé. 

S’en est suivi quelques semaines où je me disais « Mon Dieu, je n’y arriverais jamais ! » puis il se trouve qu’un jour, je discutais avec Thierry par mail et je lui ai demandé « Tu connaîtrais pas quelqu’un qui pourrait être intéressé ? » et il m’a direct donné le nom d’Herik. Je le connaissais déjà parce qu’il a travaillé avec mon ami Sean Phillips sur Les 7 Psychopathes (Editions Delcourt) donc j’ai eu ses coordonnées. Nous avons échangé un peu, il m’a très rapidement envoyé une proposition puis m’a aussi rapidement envoyé le scénario. A ce moment là, je me suis dit qu’il avait exactement compris ce que je voulais faire de cette histoire. Je n’aurais pas pu souhaiter un meilleur collaborateur sur Altamont. Il a vraiment compris ce que nous essayions de faire, à tel point que je suis sûr que nous retravaillerons ensemble parce qu’on semble sur la même longueur d’onde sur ce que l’on veut faire en bande dessinée, c’est à dire en priorité des histoires de personnages. 

C’est peut-être arrogant, mais l’idée est d’essayer d’avoir de l’importance. Je ne veux pas juste faire quelque chose de fun et frivole, je ne suis plus trop intéressé par ça, je veux un genre - à défaut d’un meilleur terme - d’héritage. Comme avec Altamont, avec un propos, pas juste une aventure sympathique. Comprenez-moi bien, c’est bien que ça existe. Mais je ne suis pas vraiment intéressé par ce genre d’histoires, je préfère créer quelque chose qui marque longtemps les gens. J’espère que c’est le cas avec Altamont, et quelque soit ce que je fais à l’avenir, j’aimerais que ce soit du même acabit.

Quand avez-vous trouvez le temps de dessiner cette BD ? Parce que vous y faites les crayonnés, l’encrage, les couleurs…

Je sais, c’est un peu fou, parce que tout à l’heure je vous parlais d’être plus détente, de prendre le temps, et d’un coup je me retrouve à faire Damn Them All et Altamont en même temps. J’ai d’abord commencé Altamont, et puis Damn Them All commençait à prendre vraiment forme, et avant que je puisse m’en rendre compte, Boom voulait que ça sorte à un certain moment et j’ai bêtement dit d’accord. Je le regrette un peu, j’aurais aimé dire « Non, est-ce qu’on peut repoussé d’un an ? » Je me suis de nouveau retrouvé très occupé. Mais tout va bien ! J’ai fini Altamont, je suis impatient que ça sorte. Maintenant, je me concentre sur le prochain arc de Damn Them All et on verra où on en sera après. 

Au moins, j’ai réussi à finir… parce que cette année n’a pas été très fun. Enfin si, elle était fun, mais c’était du dur labeur de jongler entre Damn Them All et Altamont, de revenir sur Damn, puis de retourner sur Altamont… C’est une manière de travailler que j’aime pas. Je le faisais à certains moment quand j’étais sur Walking Dead, avec Vampire State ou même sur des projets bien avant, mais j’arrivais à prendre assez d’avance pour avoir un mois pour travailler sur autre chose… Je peux le faire, mais je pense que c’est la méthode de travail préférée de personne. Heureusement, j’ai demandé à Herik et Glénat si je pouvais faire la première partie de Damn Them All avant de me concentrer pour finir Altamont et j’ai demandé aux gars de Boom! si je pouvais avoir un peu plus de temps entre les arcs pour pouvoir finir Altamont. J’ai du plus ou moins négocier avec les gens, mais dieu merci, ils étaient d’accord. Parce que, in fine, le travail sera meilleur si vous avez le bon environnement pour le réaliser.


Vous avez dit qu’Herik vous a rapidement envoyé un script réunissant toutes vos idées. Vous aviez déjà décider que ce ne serait pas une BD documentaire mais plutôt une histoire centrée sur 5 personnages qui vont se rendre à ce festival et vivre ce qu’on vécu les festivaliers à ce stade ?

Oui, parce qu’aussi fasciné que j’étais par Altamont, je ne voulais pas faire de BD sur Altamont. Ca a déjà été raconté, quel est l’intérêt ? Il existe déjà un excellent documentaire, je ne voyais aucune urgence créatrice à faire une version BD de Gimme Shelter. Et je pense que ça aurait été ringard, parce qu’avec cet angle sur Altamont, les Rolling Stones seraient presque les personnages principaux, ce qui veut dire que tu dois faire parler Keith… et ça m’a toujours semblé vraiment affreux. Ce que j’aime dans ce que nous avons fait c’est qu’Altamont se passe en toile de fond. Tout ce qui concerne Altamont se déroule en arrière-plan de manière assez subtile, avec quelques bribes dans les cases ou des références dans les dialogues, où lorsque les personnages rencontrent les Hell’s Angels. Nous racontons ce qui s’est passé là bas à travers les yeux et les péripéties de ces cinq jeunes adultes. C’est ce que je voulais faire, avoir les sensations d’Altamont tout du long, mais avec des personnages qui ont leur propre voyage au cœur des ténèbres.

Visuellement, notamment au travers des couleurs, j’ai commencé avec une palette très californienne où tout est beau, le soleil couchant orange et jaune, le ciel bleu. Au fur et à mesure qu’ils avancent dans leur road trip — ils n’arrivent pas à Altamont avant la moitié du bouquin, avec beaucoup de construction de personnages — les choses deviennent de moins en moins coloré. Les choses ne se passent pas comme prévu, même pendant le road trip, du coup les couleurs commencent à s’évaporer. Le temps qu’ils arrivent à Altamont, il fait nuit et c’est particulièrement sombre. Puis, ils se réveillent le matin et c’est très très gris. Les couleurs s’évaporent encore plus. Arrivé à la fin de l’ouvrage, c’est presque du noir et blanc. Je voulais m’amuser avec cette atmosphère où les couleurs sont totalement aspirées. Si vous regardez un film de la fin des années 60, comme un James Bond, et que vous le comparez avec une production du milieu des années 70, comme French Connexion, ce dernier est juste gris et bleu alors que Au Service Secret de sa Majesté est très coloré.

Etait-ce un objectif d’avoir des personnages qui parlent vraiment de musique, de qui sont leurs artistes préférés ? Est-ce également une manière de parler de vos propres artistes préférés de cette époque ? Ou même d’exprimer les divers sentiments qui traversent la jeunesse à cette époque entre la guerre du Vietnam et le mouvement hippie ?

Oui, c’est exactement ça, il y a de tout ça dedans. C’est la façon maline qu’Herik a trouvé pour mettre tout ça dans le scénario. Même si c’est littéralement des personnes assises dans un van Volkswagen qui discutent, il se passe tellement de choses et tu développes tellement tes personnages que tout ces éléments reviennent les hanter, même si ce n’est surement pas le bon mot. Tout cela est important afin de définir le comportement des personnages lorsqu’ils arrivent au festival. La musique qu’ils aiment permet d’avoir des splash pages d’Hendrick ou d’Eric Clapton dans ces formidables et psychédéliques tableaux technicolor qui débordent dans les premières pages parce qu’ils sont plein d’espoirs sur le chemin. Tellement d’espoirs qui seront finalement brisés lorsqu’ils arriveront sur place.

Disclaimer : un spoiler mineur sur l'intrigue est révélé dans la question suivante.


Je pense qu’à la sortie de la BD, on pourra peut-être vous faire une critique sur la fin à propos du viol de la jeune femme. Il y a déjà eu de nombreuses critiques sur l’utilisation du viol comme motivation narrative pour que d’autres personnages agissent. Le fameux trope de la femme dans le frigo (Women in Refrigerators) où les personnages féminins sont uniquement présents dans une histoire pour être tuées ou violées afin de servir de motivation principal à un autre personnage. Qu’en pensez vous ?

Wouhoh, c’est une question difficile. C’est pour se préparer aux critiques… Je suppose qu’on peut aussi dire que c’est écrit par deux hommes blancs qui n’ont pas le point de vue d’une femme… Tout ce que je peux dire c’est que les femmes dans ce livre sont aussi fortes que les hommes, elles apparaissent aussi robustes… Oh mon dieu (rires) Je pense que l’idée derrière ce qui arrive à Jenny, le personnage qui se fait violer, c’est qu’il lui arrive l’une des choses les plus horribles au monde qui puisse arriver à quelqu’un, en dehors du meurtre. C’est le scénario « enfer sur Terre » ultime et la pierre angulaire du récit s’achève avec cet acte brutal de violence. Mais, même si le récit en arrive là, je ne pense que tu peux t’attendre à ce que ça arrive, parce que le reste de ce qui arrive à Altamont est une suite de petits incidents pas si terribles. Un mec fait un bad trip et se réveille en haut d’une tour puis on le voit plus par la suite, même si évidemment il y a un spoiler et je ne sais pas si on peut en parler. Et d’un coup on a cet élan de violence vers la fin. Pour notre défense, cela semblait une façon naturelle de l’amener. Si on est critiqué pour ça, qu’il en soit ainsi. Je suis désolé car…

Je ne voulais pas vous piéger.

Non, tout va bien. C’est intéressant parce qu’on ne m’a jamais vraiment posé la question auparavant. Personnellement, je n’ai jamais pensé que ça pouvait être mal, que ça pouvait être hardcore, je n’aime pas trop ça.

Après, vous ne le dessinez pas de manière frontale, c’est hors champ.

Oui, c’est hors champ, d’autant que nous avons un petite astuce narrative donc on voit rien. Et je préfère ça, j’ai toujours préféré l’horreur hors champ parce que l’imagination arrivera toujours avec des images pires que ce que l’on peut montrer. Puis, soyons honnête, on ne voulait pas montrer ça. Ça, ça aurait été vraiment glauque et je pense que ça aurait été en contradiction avec l’histoire.

Avez-vous utilisez beaucoup de références comme le documentaire ou divers photos d’époque pour avoir la bonne ambiance des années 60 ?

J’ai effectivement utilisé beaucoup de références, merci Google Images. Étonnamment, il n’y a pas beaucoup de photos d’Altamont. Je retombais sans cesse sur la même photographie. Et je ne voulais pas tricher en utilisant des images d’autres festivals de la même époque en guise de référence. Je voulais rester centrer sur Altamont. Parfois, j’ai mélangé d’autres images avec des photos d’Altamont pour me créer mes propres visions. J’ai aussi fait pas mal de captures d’écran du documentaire. 

Ce qui était bien avec ça, c’est que le documentaire n’est pas disponible dans un magnifique BluRay 4K full HD, elle est sur Youtube. Si t’en fait des captures d’écrans, tu te retrouves à les regarder et à les projeter et ça donne des images floues et peu nette. Ce que j’aimais bien finalement car ces images, que je m’en serve pour dessiner dessus ou pour m’en inspirer, m’ont forcé à y ajouter mon propre style par dessus. J’ai l’impression générale, mais c’est pas clair du tout. En général, je préfère que mes références soient un peu floues pour que je puisse en faire ma propre interprétation, sinon tu recopies juste exactement ce qui s’affiche sur ton écran. J’étais soulagé, en projetant une image sur mon ordinateur ou en l’imprimant, de parfois me dire « chouette, c’est assez flou ! » (rires) Je pouvais en faire ma propre version. Mais oui, je voulais que ce soit le plus fidèle possible donc, oui, j’ai utilisé beaucoup de références. Mais ça a toujours été l’idée, ce n’est pas de la fantasy, c’est une BD inspirée de la réalité.

AK : Une petite question que nous avons déjà eu l’occasion de vous poser pendant la conférence [aux RDV de la BD d’Amiens] est-ce difficile de mettre en scène la musique en BD ?

Hé bien ça aurait été un problème si on avait fait le livre uniquement sur Altamont parce que comment tu montres l’excitation de la musique en images fixes et silencieuses… Il y a des choses que la BD peut faire et que les autres médiums ne peuvent pas mais il y a aussi des choses que la BD ne peut pas faire et que les autres medium peuvent faire. Vous avez raison, c’est vraiment difficile de montrer la musique. Tu ne peux pas la montrer, tu dois l’écouter. Ce qu’Herik a fait, c’est de glisser certaines paroles de musique pendant les conversations dans la voiture. Le temps d’arriver à Altamont, le festival se passe en arrière plan. On peut presque percevoir que quelque chose se passe, au fond de ton crâne. 

Visuellement, je ne mets pas trop en scène les groupes, parce que comme je l’ai déjà dit, ça se passe derrière. Et même les cases avec Jefferson Airplane ou les Rolling Stones, les deux groupes qui ont le plus de temps à l’écran dans le documentaire, elles sont vraiment discrètes. Il y a des images d’eux, mais le sujet est vraiment ce qui arrive en périphérie des groupes. S’il était important de voir ce festival, il n’était pas aussi important que la musique soit au coeur de l’ouvrage. Ca aurait été trop compliqué de mettre en scène ça et nous ne voulions pas prendre le chemin éculé qui consiste à ajouter des notes de musiques flottant dans les airs. Je pense que nous nous en sommes bien sorti, du mieux que l’on peut en tout cas (rires)

Dernière question, sur la dernière page, en essayant de ne pas trop en dévoiler. On en parlé, de cette fin symbolique de l’innocence, et vous et Herik posez la question : « Quelle innocence ? » Pensez vous les années 60 n’étaient pas aussi optimistes ?

Je pense qu'en fin de compte, nous montrons... Mais l'humanité... Oh, c'est tellement déprimant... Même si certaines choses sont merveilleuses, il y a toujours une part d'obscurité sous-jacente, qui a une telle emprise sur les choses qu'elles peuvent facilement évoluer d'une manière ou d'une autre. Et même, tout au long du livre, une fois que vous avez passé la page 10 ou 11, vous êtes déjà dans un voyage où vous vous dites « c'est sur le fil du rasoir, ça peut aller dans un sens comme dans l’autre ». 

Au final, tu démontres que l’humanité et la société n’ont pas vraiment changé, que ce soit dans les années 60 ou aujourd’hui. Quelque chose domine quelque chose d'autre d'une toute petite quantité. Vous avez soudainement 51% contre 49% de quelque chose. Et puis, avec quelques années, vous obtenez 51 % de l'autre chose et 49 %... Il y a toujours cette sorte de légère surpuissance... Nous sommes probablement dans une période où il y a 51% d'obscurité et 49% d'espoir et dans quelques années, nous aurons juste fait basculer la balance à nouveau de 51% d'espoir et 49% d'obscurité (rires).

Peut-être que votre prochaine BD sera donc une comédie romantique ?

CA : (rires) En général, quand vous allez regarder un film, quel est le meilleur personnage ? C’est le villain. C’est pas nécessairement le plus cool, même s’ils le sont souvent, c’est juste qu’ils sont la plus part du temps plus intéressant que les héros. A cause de ça, je dessine beaucoup… Je veux dire, regardez moi. Je ne suis pas habillé tout en noir ni totalement déprimant ou malheureux, je suis plutôt heureux et positif. J’ai une femme, deux enfants, avec une petite vie de famille confortable. Je ne suis pas cette personne maléfique mais j’adore dessiner des histoires sombres. Est-ce que c’est parce que j’ai besoin de me défouler sur la papier, je ne sais pas. Evidemment c’est plus intéressant de faire ça. 

Faire une comédie vous avez dit : ça ne m’intéresserait pas, ça me semble être quelque chose à propos de rien. Alors que si tu fais quelque chose à propos de quelque chose, c’est souvent sur un sujet sombre parce que c’est le plus intéressant. S’il n’y avait pas de problèmes dans le monde, de quoi parlerions-nous ?

Merci beaucoup pour votre temps Charlie Adlard ! Nous attendons avec impatience votre prochain projet après Altamont.

Arno Kikoo
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