En comics, la concurrence des deux belligérants s'est longtemps résumée à un échange constant pour le vol des bonnes ou des mauvaises idées. Or justement, si DC Comics avait résisté jusqu'ici à appliquer la politique de Marvel sur les numérotations "Legacy", l'enseigne risque bien de s'y mettre, au moins sur les plus gros projets. A voir si une annonce plus officielle vient confirmer ce nouveau statut dans le comptable - ou si l'éditeur compte appliquer les mêmes routines d'abus que ses concurrents de la Maison des Idées.
La nouvelle a été repérée par la rédaction de BleedingCool, qui s'inquiète d'un éventuel glissement de ce point de vue : sur la série Batman, le mois dernier, le numéro Batman #135 était effectivement floqué d'un énorme "Legacy #900". Une façon de dire que ce single représentait l'équivalent cumulé de neuf cent numéros depuis la sortie de Batman #1 en 1940. Et donc, un numéro anniversaire embarqué dans un single qui n'était pas prévu pour ça au départ. Ce qui aurait pu rester un événement isolé va se reproduire avec le numéro de cette semaine, Batman #136, accompagné, une deuxième fois... d'un "Legacy #901".
Le problème : à pagination étendue, le prix augmenté en conséquence
Depuis l'événement Marvel Legacy, la Maison des Idées nous a habitués à cette méthode, comparable à un système de vente forcée. Pour les séries éditées après l'énième marqueur temporel que représentait ce relaunch précis (peut-être plus important que les autres sur le plan éditorial), chaque numéro était publié avec une double numérotation : un indice pour le volume en cours (#1, #2, #3, etc), et un indice pour le volume historique (#867, #134, etc).
Au départ, ceci pouvait passer comme une simple façon de contourner le problème des relaunchs, enchaînés pendant de très longues années entre Marvel Now! et Marvel Legacy. Et à force, la frénésie des retours sempiternels aux numéros #1 (plus accessibles, plus vendeurs) pour chaque grande série et chaque grand personnage avait fini par faire perdre de vue la matière historique des grandes séries de super-héros. Mais l'idée a vite fini par montrer ses limites, et à manifester l'intention réelle de Marvel pour cet étrange procédé.
Rapidement, seront apparues différentes numérotations arbitraires - qui contournaient certains volumes (
ou en ajoutaient d'autres, pour gonfler la note). Egalement, une augmentation du nombre de doublons d'anniversaires sur une même année (un numéro #50 en indice classique, et un numéro #200 ou #300 en indice
Legacy). Une façon de maximiser la valeur de chaque série, dans la mesure où un
single issue floqué d'un numéro anniversaire - qu'il s'agisse d'un multiple de 25, de 50 ou de 100, justifie généralement qu'on ajoute une donnée "festive" en augmentant le nombre de pages, en invitant de grands artistes, parfois déjà passé par le héros ou l'équipe en question, etc. En somme, on construit du bonus sur la base de ces petits événements, et le fait d'avoir deux numérotations, indice classique et indice
Legacy permet tout simplement... d'en produire deux fois plus.
Et évidemment, le public encore consommateur des singles issues se retrouve alors pris en otage - à partir du moment où les numéros "anniversaires" (auto-proclamés) ne sont pas de simples pauses dans une série régulière, seulement consacrés à célébrer le chemin parcouru. L'anniversaire en numérotation Legacy n'interrompt pas le déroulement de l'intrigue pour placer sa grande fiesta. Si, au dernier numéro, Spider-Man était en train de se savater avec Doc Ock, et était en mauvaise posture, vous achetez le numéro suivant pour savoir comment le combat va se terminer... sauf que vous l'achetez plus cher. Parce que c'est un numéro #850, et que Marvel l'a gavé de bonus. Que vous n'avez pas forcément demandé.
La méthode a fait ses preuves, dans la mesure où Marvel aura multiplié les événements de ce genre au point de pousser à l'absurdité occasionnelle. Chaque fois, on il s'agit surtout de cracher de la couverture variante, ou de rajouter des petits bonus dispensables dont le but est de créer du momentum médiatique ("tel numéro a atteint un point historique et un très gros chiffre, inédit !") ou d'augmenter la facture. Tout simplement.
Et au-delà même de savoir si les consommateurs sont d'accord ou pas d'accord à l'idée de payer plus cher pour un numéro plus épais, les faits sont là : la numérotation Legacy fait partie des techniques modernes de la Maison des Idées pour générer de la valeur sur une seule série à l'année, au même titre que les couvertures variantes, les crossovers et les numéros spéciaux. Cette façon de faire a, depuis, ouvert la porte aux artificiels numéros #1000 (puisque, une fois qu'on a cassé la valeur faciale de la numérotation, autant faire les choses à fond), à l'accélération de la publication sur deux ou trois numéros par mois pour certaines séries (Amazing Spider-Man...) quitte à fatiguer les équipes créatives, ou encore aux séries annulées une fois que le marqueur anniversaire a été atteint (Moon Knight, annulée après le numéro #200 en toute simplicité). En somme, un bilan contrasté.
A voir maintenant quelles séries seront concernées par cette mise à jour de la politique DC Comics, et si l'éditeur appliquera le même degré de cynisme sur ses produits à l'avenir.
