Le marché des comics est pris dans une phase de transformation continue. Depuis que la pandémie de Covid et le confinement de 2020 ont mis à mal toute la structure du direct market, les éditeurs mainstream comme indé' changent leur façon de faire. Parmi les nombreuses options choisies pour dynamiser le secteur, la question du format se pose beaucoup. On aura vu par exemple Image Comics essayer progressivement de publier certains titres au format album (graphic novel), sans passer par la case single issues. Une façon de faire rapidement adoptée par le label Berger Books chez Dark Horse. De son côté, DC Comics a ouvert depuis maintenant cinq bonnes années une enclave de ses publications dans laquelle ses auteurs ont plus ou moins "carte blanche" pour conter des histoires sur les héros de son catalogue : le DC Black Label. Pour 2023, toujours à la recherche de nouvelles façon d'innover, Marvel annonce en grande pompes l'arrivée d'une nouvelle ligne de comics, avec une proposition qui se veut assez radicale.
Alors que l'éditeur dévoile en ce moment même les sollicitations de ses comics pour le mois de juillet prochain, figurant d'un été riche en events avec la superposition de Summer of Symbiotes et Fall of X, la rentrée 2023 est également au coeur de la stratégie de publication de la Maison des Idées. C'est ainsi qu'à partir de septembre prochain nous pourrons retrouver un ensemble de titres Marvel publiés sous une nouvelle enseigne : le Marvel Black & White Label. Si la nomenclature fait penser à l'imprint spécial auteurs de la Distinguée Concurrence, la description dudit label montre que Marvel cherche l'innovation dans le format de publication.
Ainsi, le Marvel Black & White Label se composera de publications proposées dans un format plus petit que celui des comics habituels - comptez du 12x18cm pour la taille des pages, avec un ensemble de chapitres intégralement en noir et blanc. Mais là où Marvel se montre radical, c'est dans le sens de lecture de ces histoires, puisqu'au contraire des comics normaux qui se parcourent de gauche à droite, ces titres là se liront de droite à gauche. Une volonté moderne qui s'inscrit dans la suite normale des expérimentations de Marvel, selon le rédacteur en chef C.B. Cebulski.
"Avec l'application Marvel Unlimited, nous avons été novateurs et quelque peu avant-gardiste en développant nos Infinity Comics. Il s'agit de publication numériques avec une lecture qui se fait au scrolling vertical. Il n'y a en fait qu'une seule planche de BD que vous déroulez de haut en bas avec votre doigt sur un seul écran. Nous sommes très heureux de cette approche moderne qui permet de lire de la BD sur des écrans de smartphone, et je suis sûr que d'autres pays seront tentés d'expérimenter un tel format chez eux. Pourquoi pas la Corée, tiens ? C'est pas là-bas qu'ils construisent les smartphones ? J'ai pas raison ?"
Une logique de marketing agressive qui montre que Marvel a de la suite dans les (Maison des) idées. A la suite de l'annonce, plusieurs médias spécialisés sur l'art séquentiel ont toutefois souligné la similarité dans l'approche du Marvel Black & White Label avec les bandes dessinées éditées au Japon, qu'on appelle de façon commune mangas. Mais le rédacteur en chef de l'enseigne nie tout lien avec ce format, qui se veut très différent.
"Non, non, il ne faut pas confondre tout juste parce qu'il y a du papier. Vous êtes en train de dire que toutes les bandes dessinées se ressemblent parce qu'il y a du papier et des dessins ? Bon, déjà, c'est un peu raciste. Mais plus sérieusement, je vous explique la différence fondamentale. Les mangas, ce sont des BD en petit format, en noir et blanc, qui se lisent de droite à gauche. Des mangas, quoi. Alors que le Marvel Black Label, ce sont des BD en petit format, en noir et blanc, qui se lisent de droite à gauche. Mais c'est le Marvel Black Label. Il serait idiot de faire la confusion alors que l'offre est si riche."
Toujours dans cette envie de disruption continue, Cebulski annonce également l'arrivée de numéros spéciaux pour le Marvel Black & White Label : il s'agira de sortes d'anthologies qui permettront de suivre parution après parution différentes séries proposées au sein d'une même publication. La première de ces publications spéciales portera le nom de Marvel Jump, mais l'éditeur en chef précise que si l'essai est concluant, d'autres revues pourraient arriver, comme Marveldansha. "Le fait est que nous pensons qu'il y a une offre en bande dessinée à laquelle le lectorat n'a pas encore pu accéder. Certes, les comics sont assez chers, surtout en TPB ou en Hardcover. Il faut donc parfois être novateur et disruptif pour continuer d'être leader, et j'ai le sentiment que ces BD en petit format noir et blanc, novatrice par ce sens de lecture atypique, qui nous pousse à revoir tous les fondamentaux acquis avec la lecture de comics, ont un bel avenir sur le territoire américain. J'ai comme une intuition. Et le lancement du Black & White Label pourrait s'accompagner... je ne sais pas, peut-être de déclinaisons animées qui reprendraient strictement la même histoire mais avec des épisodes d'une vingtaine de minutes, dotés de génériques rocks qu'on pourrait ensuite chanter dans des karaokés. Je vous le dis : j'ai une grande culture et quand les idées bouillonnent dans ma tête comme ça, c'est qu'un succès est au rendez-vous." Et Cebulski de conclure que les séries du Black & White Label n'auront pas de relaunches ou d'autres formes compliquées de numérotation à la "legacy". "Quand vous vous demanderez par quoi commencer du Marvel B&W ? Facile : il y a un tome 1, un tome 17, et c'est tout. Et arrêtez de dire ''comme les mangas'', je vous ai expliqué que ça n'a rien à voir".
Pour le lancement de la première série en septembre 2023, Marvel fera appel à un scénariste des années 2000 quelque peu oublié, mais qui avait intrigué l'industrie à l'époque, un certain Akira Yoshida. Certains titres comme Thor : Son of Asgard ou X-Men/Fantastic Four étaient du fait de ce scénariste, qui a toujours su cultiver le secret de son identité. Celui-ci s'apprête donc à faire un comeback tonitruant pour la rentrée prochaine. Selon Cebulski, "pour parler dans des termes que les français comprendraient, c'est un peu comme si les Daft Punk du comics se reformaient. Sauf qu'Akira était tout seul et qu'il ne portait pas de masque. Et qu'il fait de la bande dessinée et pas de la musique. Mais je vais pas vous faire un dessin. Après tout, je ne suis que scénaris.. euh, éditeur, éditeur." Nous vous donnerons bien entendu tous les détails et premiers visuels dès que ceux-ci nous parviendrons.
