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Ant-Man : Fourmi-versaire : un bel hommage pour les grands et les petits

Ant-Man : Fourmi-versaire : un bel hommage pour les grands et les petits

ReviewPanini
On a aimé• Un bel hommage à la diversité des hommes fourmis
• Le passage Irredeemable Ant-Man, copie parfaite
• La variété des styles de Tom Reilly
• Un projet parfait pour découvrir les Ant-Men
On a moins aimé• Peu de place laissée au "nouveau"
• Scott Lang, très secondaire
Notre note

Si la Maison des Idées n'a pas semblé vouloir spécialement insister dans les kiosques sur les personnages de la famille des fourmis à l'aune de la sortie d'Ant-Man & the Wasp : Quantumania (le vilain Kang le Conquérant emportant les suffrages de la mise en avant par marketing croisé), l'anniversaire des héros miniatures aura au moins permis de débloquer une sympathique petite mini-série. Pour un anniversaire tout en sobriété, d'ailleurs, et qui pose la question de l'intérêt qu'entretient encore Marvel Comics avec ce groupe de justiciers dans le présent. En comparaison des grandes célébrations consacrées aux autres membres fondateurs des Vengeurs, Ant-Man (ou plutôt : les "Ant-Men") aura eu droit à un feu d'artifice miniature. Comme si, avec le temps, Hank Pym, Scott Lang et Eric O'Grady avaient eu un peu de mal à se faire une place dans le panthéon des personnages qui comptent.

Et ça tombe bien, puisqu'il s'agit justement de l'une des idées soulevées par Al Ewing dans la mini-série Ant-Man : Fourmi-versaire, un projet débloqué en VF pour accompagner les soixante ans de la première apparition de l'homme-fourmi (Tales to Astonish #35, 1962). Scénariste vedette, habitué à positionner les joujoux de la Maison des Idées dans des postures parfois inattendues, celui-ci va livrer un hommage digéré et construit à toute la saga des miniaturistes professionnels avec une construction chapitrée sur plusieurs époques. Un projet qui n'est pas sans rappeler le travail d'archiviste des studios Cartoonist Kayfabe (Ed Piskor, Tom Scioli, Jim Rugg) et la série des Grand Design, en passant toutefois par une intrigue plus classique à travers les époques. Accompagné par le coup de crayon polymorphe de Tom Reilly, Ewing va s'amuser à voguer dans l'historique des différents personnages à avoir revendiqué l'identité du Ant-Man, dans l'exercice de style habituel des comics en clins d'oeils aux comics.

 

Ant-Man : Fourmi-versaire commence par assumer une posture de série à la commande. Au sens propre, dans la mesure où celle-ci ne perd pas de temps pour casser le quatrième mur : avec un avant-propos qui s'apparente à ce qu'ont pu proposer les différents studios Ubisoft sur la série des Assassin's Creed, on nous explique d'entrée de jeu que le voyage temporel qui occupe le coeur de la série n'est pas une expérience organique in fabula. 

Le voyage a été commandité, sera régi par des règles claires, piloté par un genre de logiciel qui exige des participants une suspension consentie d'incrédulité et une envie de se laisser faire par ces routines de scénario. Si on peut interpréter cet enrobage méta' sous plusieurs angles, la méthode a pour intérêt de tordre le cou à l'aspect "marketing" de ces anniversaires de grands personnages (généralement floqués de slogans publicitaires enthousiastes, de numéros à chiffres ronds ou de couvertures variantes swipées des premières aventures) en assumant le processus jusqu'au bout. Marvel, ou plutôt MRVL™, est ici présentée comme une grosse compagnie du futur, et presque en sous-couches d'une Abstergo qui va vendre une sorte de périple nostalgique en allant chercher dans les souvenirs d'un ancien personnage.

Le scénario d'Al Ewing ironise en sous-textes sur les habitudes de l'industrie avec son humour habituel. Mais aussi, cette façon de présenter les choses permet de présenter l'histoire qui va suivre sous un angle plus global : il n'est pas seulement question ici de parler d'un personnage ou d'une aventure, mais plus de livrer une sorte de testament. Sur les comics, leur évolution, le rapport des générations et des styles par périodes, en dépassant le cadre d'une simple mini-série consacrée à un groupe de héros. L'intrigue s'ouvre par un Ant-Man futuriste qui retourne dans le temps pour étudier les fourmis de ses prédécesseurs. On nous expliquera, plus tard, de qui il s'agit, et pourquoi l'identité de l'homme-fourmi aura intéressé ce lointain descendant venu des temps lointains. Dans l'intervalle, la série va se présenter comme une anthologie où Ewing revient sur les périodes emblématiques des différents porteurs du costume. 

 

A commencer par l'âge d'argent : dans un numéro qui embrasse la naïveté, la simplicité et l'absurdisme des premiers pas de l'héroïsme à la Marvel, on se reconnecte avec le Hank Pym des débuts. L'inventeur du costume, le membre fondateur des Vengeurs, l'époux aimant de Janet Van Dyne. Un personnage qui n'est pas encore passé par le stade Giant-Man, qui n'a pas encore été déformé par les scénaristes passés dessus pour amorcer l'évolution qui mènera, plus tard, au Yellowjacket, à la dépression nerveuse, à l'invention d'Ultron ou au complexe d'infériorité systématique qui pousseront Pym vers son statut moderne de figure grise, alourdie par le poids de ses erreurs.

Encore une fois, puisque le but est autant de rendre hommage aux Ant-Men que de produire "une expérience immersive MRVL™", Ewing va mettre ces éléments de côté pour réduire la personnalité de Hank Pym à son idéal utopique - un scientifique bien intentionné, un rien caractériel, qui représente les progrès de la science et l'abnégation du justicier dans le contexte propret et idéaliste des années soixante. En somme, le rêve original de ce qu'était Ant-Man à l'époque où celui-ci faisait encore partie des héros de premier plan. Ewing construit une petite aventure qui tape dans tous les stéréotypes d'usage : une vie civile tranquille et romantique, des adversaires hauts en couleur (voire carrément risibles) susceptibles d'apparaître au moindre coin de rue, des monologues de méchants et des solutions proprement irréalistes pour se tirer du danger. Tom Reilly épouse les codes graphiques de l'âge d'argent des comics : valeurs de plan statiques, personnages dessinés en pied, visions monstrueuses réduites à de grosses têtes de démons très expressives, effet jauni sur les planches et colorisations qui débordent des cases. L'artiste se met au diapason du scénario en poussant cette posture d'hommage, particulièrement réussie dans le choix de la palette chromatique et des effets (d'énergie, de suspense, de révélation, etc). Le premier numéro s'achève sur une cassure graphique, plus épurée, sans contours, presque en flat design, comme si le dessinateur décidait de bander les muscles pour montrer l'étendue de ses capacités dans le passé comme dans le moderne.

 

Ce n'est pourtant que lorsque le scénario bascule sur Eric O'Grady que la série Ant-Man : Fourmi-versaire réussit le mieux son exercice de commentaire méta' sur la continuité Marvel. Troisième porteur du costume, souvent considéré comme l'un des plus intéressants, ce personnage particulier n'est pas à proprement parler un super-héros. Petite frappe, égocentrique, celui-là a tout d'un accident de parcours. Ses aventures, racontées dans la série Irredeemable Ant-Man, présentent le récit d'une sorte de loser magnifique dans les zones grises de la Maison des Idées. Ewing va copier à la perfection l'écriture de Robert Kirkman, auteur sur ce volume de douze numéros (paru entre 2006 et 2007) en se plaçant dans cette période de Marvel antérieure à Secret Invasion, lorsqu'un Skrull a pris l'apparence de Hank Pym et se camoufle au grand jour dans les bureaux du S.H.I.E.L.D.. Or, justement, si le lecteur a pris l'habitude de voir les codes du Silver Age des comics détournés à l'envi (l'exercice est même devenu très, très commun à force de BDs qui regardent vers l'arrière), on a moins l'habitude de voir des oeuvres de l'ère moderne passer sous le même genre de scalpels. 

Ewing va ainsi sanctifier l'idée que la période Secret Invasion appartient désormais au passé, et serait même devenue un genre d'archive à part entière avec ses propres codes, ses propres routines et ses habitudes que l'on peut, comme les comics des années soixante, disséquer et parodier au présent. Le scénariste respecte le statu quo en vigueur, les méthodes de narration de Kirkman, le rythme, le découpage, les reprises de cases en copié/collé, et l'humour très présent à l'époque. De la même façon, si le dessin de comics des années deux mille (forcément plus varié que les structures figées des années soixante) n'a pas encore été compris comme un "style" à part entière dans le présent, force est d'admettre que l'époque était gouverné par des codes précis dans certaines poches de créateurs. Doug Mahnke dans la JLA de Joe Kelly, Humberto Ramos sur Spectacular Spider-Man, Joe Quesada sur Daredevil, une époque moins campée dans le diktat du muscle ou des corps réalistes, habituée aux proportions exagérées, parfois plus cartoons, à l'encrage un peu plus lourd, etc. Sur Irredeemable Ant-Man, l'artiste Phil Hester accompagnait ce mouvement, et Tom Reilly va là-encore livrer un travail de copiste exceptionnel pour restituer le trait de cet autre dessinateur.

Avec des dialogues réussis, un humour mordant et l'impression d'un véritable petit morceau retrouvé ou d'une scène coupée de la série originale de Kirkman et Hester, ce passage précis est le plus réussi de l'album. Comme si le scénariste essayait de communiquer au lecteur moderne (qui n'aurait pas fait ses classes) la variété que peut couvrir l'identité Ant-Man à travers le temps, les difficultés par lesquelles ce personnage un temps utile aux Avengers sera passé à force de voir le costume changer de pognes. L'homme-fourmi aura été, parfois, un scientifique prometteur, un héros bienveillant mais relativement secondaire, une fripouille somme toute assez lamentable, et Al Ewing n'oublie rien dans ces différents héritages jusqu'à se reconnecter à un présent dans lequel le porteur définitif, Scott Lang, n'a plus que son intérêt en tant que héros de cinéma pour rester pertinent dans ce petit paysage.

 

Les derniers numéros vont effectivement boucler en achevant de construite l'arc scénaristique qui sert de motivateur : Scott Lang, Cassie Lang, le greffon indispensable du "Pymtron" (la fusion de Hank Pym et de sa créature robotique), et bien sûr le Black Ant au cas où l'héritage du premier Ant-Man ne paraîtrait pas encore suffisamment bordélique et éparpillé. La grande bataille qui s'organise dans la dernière ligne droite a moins d'intérêt en tant que combat de super-héros que dans ses confluents symboliques - l'alliance des grands personnages de la famille, le retour à la symbolique essentielle des débuts, de ce qu'était le super-héros d'autrefois et de son idéal de justicier scientifique qui trouve une solution rationnelle face à la menace de la fin du monde. Paradoxalement, c'est aussi là qu'Al Ewing a l'air de manquer de place. Puisque si le combat final est satisfaisant, offre une bonne place à tout le monde et donne cette impression d'une petite histoire qui finit bien, on aurait aimé en apprendre plus sur le voyageur temporel - ce Ant-Man du futur qui espérait utiliser la technologie des fourmis pour réparer un monde à sec face aux conséquences de l'effondrement climatique.

Paradoxalement, l'histoire sous-entend que les hommes-fourmis ont tout le temps du monde pour en dire plus, comme un clin d'oeil à l'anniversaire du personnage et un sous-entendu sur capacité à évoluer à travers l'histoire de Marvel sans jamais disparaître et en épousant des formes et des identités de plus en plus variées. A voir si l'auteur compte réutiliser ce héros d'un jour dans de futures histoires, ou si celui-ci avait simplement vocation à canoniser ce principe (en résumé : il existera toujours un Ant-Man, même dans le futur, et celui-ci sera plus proche encore du Hank Pym des débuts que ses nombreux héritiers involontaires). 

On sort de l'album avec l'impression d'une mission accomplie : tout le monde a droit à sa petite dose d'exposition, les différentes facettes et identités ont été bien représentées, les grandes périodes et les styles ont eu droit à leur clins d'oeils indépendants, l'évolution des comics Marvel a bien été restituée, et on aurait presque envie de demander de nouvelles séries Ant-Man à l'avenir compte tenu des nombreuses façons de faire et de penser le personnage démontrées par Ewing et Reilly. Difficile de demander plus à une série qui assume dès ses premières planches son statut d'expérience commandée, de comics mis en contexte pour parler d'histoire et remplir son rôle dans une année d'anniversaire. Le dessinateur en particulier sort grandi de l'expérience, en démontrant toute sa palette de styles et ses capacités hors pairs pour passer d'une atmosphère à l'autre, d'un découpage à l'autre avec habileté et adresse sur les superbes couleurs de Jordie Bellaire. Le genre d'exercices de style qui manque aux célébrations souvent tapageuses de la Maison des Idées - où on a généralement l'impression qu'un éditeur nous fait les poches à la recherche du porte-monnaie - réalisé avec sincérité et humour pour un personnage complexe, mais qui n'aura certainement pas manqué les grandes révolution des comics à travers le temps. 

- Vous pouvez commander Ant-Man : Fourmi-versaire à ce lien.

Corentin
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