La filmographie de Quentin Tarantino est peuplée de projets qui n'ont jamais eu la chance d'apercevoir la lueur des plateaux. En dépit d'une carrière longue de plus de trente ans, le metteur en scène n'a, en définitive, pas tant tourné. Neuf long-métrages, quelques scripts adaptés en d'autres mains (True Romance, Tueurs Nés), un segment dans Four Rooms et une scène du film Sin City, et deux épisodes de séries télévisées (Urgences et CSI), une liste finalement assez réduite compte tenu de la popularité de ce réalisateur, considéré comme l'un des plus talentueux de sa génération. Dans le cimetière des projets qui n'ont pas abouti, l'adaptation de Django/Zorro rejoint Kill Bill vol. 3, Kill Bill vol. 4, son Star Trek ou Double V Vega.
Cache ta haine. Derrière ceci.
En développement depuis trois ans, cette curieuse idée de long-métrage part d'une cascade d'événements inattendus. Tout commence par l'adaptation en comics
du script complet de Django Unchained, éditée chez
Vertigo/
DC Comics en parallèle de la sortie en salles de ce film, septième travail de
Quentin Tarantino pour le cinéma. Dans la préface, le cinéaste, grand fan de comics (et en particulier des déclinaisons western du répertoire), expliquait avoir été frustré de devoir condenser le scénario de cette énième aventure pour le faire tenir dans un format qui ne dépasserait pas les trois heures de durée. Connu pour son style d'écriture particulièrement ample,
Tarantino a souvent pris l'habitude de jeter à la corbeille certaines idées par manque de place (comme dans le cas de
Once Upon a Time in Hollywood, où il dut canaliser ces chutes de montage dans une novélisation cette fois éditée sans images, au format roman).
Confiée à
Reginald Hudlin,
Jason Latour et
R.M. Guera, l'adaptation en comics de
Django Unchained comprenait donc l'ensemble du scénario. Cette incartade séquentielle réalisée,
Tarantino décida de s'autoriser un autre caprice :
un crossover entre le personnage de Zorro, dont les droits d'édition appartenaient à
Dynamite Entertainment, et son propre héros de western,
Django. En tirant sur une temporalité suffisante pour orchestrer la rencontre de ces deux personnages, le réalisateur écrivit un nouveau script centré sur un
Don Diego plus âgé, toujours heureux de jouer les escrimeurs pour défendre les faibles et les innocents, et un
Django heureux de venir en aide à cette nouvelle figure de mentor aux cheveux gris.
Matt Wagner se chargera de tordre ce script pour le rendre compatible à l'écriture séquentielle, en compagnie de l'artiste
Esteve Polls aux dessins.
En définitive,
Tarantino, plus cinéaste qu'auteur de BD,
voudra convertir le fruit de ce travail en un long-métrage. Celui-ci aurait été le dixième - et le dernier - de sa filmographie, si l'on en croit les propos du metteur en scène qui ne se voyait pas continuer le travail par-delà cet unique décalogue symbolique. Malheureusement pour les curieux, il faudra encore attendre : selon la rédaction de
Variety, le projet
Django/Zorro a été tué dans l'oeuf, victime apparente de son ambition sur le plan du budget de l'actualité des sorties post-pandémiques.
Jerrod Carmichael, engagé à la coécriture du script, avoue sa déception.
"Quentin est un lunatique, je l'adore, et je suis heureux du temps qu'on a passé ensemble. On a regardé des films d'exploitation au New Beverly, il me lisait des scènes qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'utiliser dans ses films, des choses qu'il écrivait dans sa cuisine après nous avoir préparé des limonades au citron frais. C'était un moment particulier pour moi. Et je dois dire que le script était vraiment, vraiment incroyable, et j'aimerais que Sony trouve une façon de produire ce film, mais je réalise que c'est impossible. Pourtant, je pense qu'on a écrit un script à 500 millions de dollars."
Autre nouvelle, le comédien Antonio Banderas, interprète de Zorro (Alejandro Murrieta, pas Don Diego de la Vega) dans les deux films Le Masque de Zorro et La Légende de Zorro de Martin Campbell, avait été approché par Tarantino il y a deux ans, durant la Cérémonie des Oscars. Banderas était présent, nommé dans la catégorie du Meilleur Acteur pour Pain & Glory, tandis que le réalisateur était sélectionné dans plusieurs catégories pour Once Upon a Time... in Hollywood. Les deux hommes auraient taillé le bout de gras, et Banderas se serait même montré assez enthousiaste à l'idée de retrouver le masque noir.
"On s'était croisés à une de ces fêtes. Il est simplement venu me voir et je lui ai dit 'avec toi ? Bien sûr mec !' Parce que Quentin a simplement ce talent pour faire ce genre de films et leur donner une qualité particulière. Même s'il s'agit de ce genre de séries B des années soixante ou soixante-six, il peut puiser dedans et en faire quelque chose de vraiment intéressant.
Nous n'avons jamais travaillé ensemble, mais ce serait génial, parce que c'est lui, parce que Jamie Foxx, et parce que je pourrais rejouer Zorro quand il est un peu plus âgé. Ce serait génial et ce serait fou et ce serait fantastique."
