Les salles de cinéma ne sont pas les seules à reprocher au groupe Disney la trahison Black Widow. En parallèle d'une situation complexe pour le film de Marvel Studios, freiné au score depuis sa deuxième semaine d'exploitation, l'interprète de Natasha, Scarlett Johansson, traîne ses anciens employeurs devant les tribunaux. En cause, la sortie simultanée de Black Widow au cinéma et en SVOD, sur la plateforme Disney+, une stratégie qui n'était pas prévue au départ et avait même été, pendant un temps, proscrite par Kevin Feige.
Widow's Revenge
Suite aux multiples retards imposés au film de
Cate Shortland par le reflux pandémique du COVID-19,
Disney aura finalement opté pour une diffusion en salle accompagnée d'une sortie sur la plateforme
Disney+ en accès premium, avec l'habituel surcoût de 29,99 dollars. Mais voilà :
à l'image de Robert Downey Jr. en d'autres temps,
Scarlett Johansson avait négocié un intéressement sur la performance économique du film
Black Widow au cinéma. En plus d'occuper le rôle principal, la vedette a également tenu un poste de productrice exécutive sur le projet, et devait donc profiter logiquement du succès éventuel de ce-dernier.
Les avocats de Johansson ont déposé une plainte devant la Cour Supérieure de Los Angeles pour "rupture d'accord volontaire", en expliquant que Disney n'avait pas tenu compte des conditions du contrat de la comédienne, et l'avaient de fait empêché de réaliser l'ensemble des bénéfices obtenus en temps normal si la sortie avait été réservée aux salles de cinéma. Une rhétorique qui va dans le sens des exploitants, en pleine grogne en ce moment même contre le groupe Disney et la stratégie de l'offre Disney+, contre-productive et pas forcément récompensante pour une entreprise qui se sera largement épanouie sur le modèle traditionnel au terme de ces dix dernières années.
Selon le Wall Street Journal, ce procès aurait valeur de précurseur pour une industrie qui ne s'autorise plus le moins délai entre les périodes d'exploitation en salles et la mise à disposition des projets en vidéo-à-la-demande. Là où Warner Bros. semble avoir renoncé à son idée de double-disponibilité entre l'exploitation traditionnelle et la plateforme HBO Max, Disney se vantait encore récemment du bon démarrage de Black Widow sur Disney+, chiffré à 60 millions de dollars selon la compagnie. L'un des avocats de Johansson estime que "ce procès ne sera certainement pas la seule fois où un talent d'Hollywood se dresse contre Disney pour faire entendre que, peu importe ce que la compagnie prétend, ils ont bel et bien une obligation vis-à-vis des contrats signés aux yeux de la loi."
Comme dans d'autres affaires précédentes,
Warner Bros. avait de son côté pris les devant en indemnisant une bonne partie des créatifs attachés à la réussite financière de certains projets. Le total de ces cachets de rattrapage aurait atteint une somme de 200 millions de dollars cumulés, pour compenser celles et ceux qui auraient perdu de l'argent sur les entrées en salles à l'aune des sorties simultanées sur la plateforme
HBO Max. Selon les avocats de
Johansson, celle-ci aurait tenté de renégocier son contrat après l'annonce de l'arrivée du film sur
Disney+, pour laisser une chance à l'entreprise de la dédommager à la hauteur de cette nouvelle stratégie, mais le studio se serait contenté de faire la sourde oreille. Une situation qui n'a rien de très inédit dans le cas d'une entreprise qui assume de plus en plus des allures de bloc totalitaire,
à bien d'autres niveaux.
Selon les sources du Wall Street Journal, Scarlett Johansson chiffre ses pertes à la hauteur de 50 millions de dollars, quoi que le litige n'ait pas encore été réglé devant les tribunaux. L'hebdomadaire explique, en outre, que plusieurs professionnels dans les rangs de Marvel Studios s'étaient élevés contre cette envie de diffuser le projet Black Widow sur la plateforme Disney+ au risque de faire chuter le score financier d'une marque qui n'avait, jusqu'ici, jamais perdu le moindre centime au moment des sorties en salles.
A l'heure actuelle, les chiffres semblent donner raison à cette (petite) fronde : aux dernières nouvelles, les analystes du box office imaginaient que le projet finirait sa course aux alentours de 500 millions et, compte tenu de la longueur de la campagne de promo' systématiquement embêtée par les nouvelles vagues de la pandémie, le film pourrait finir par se retrouver déficitaire à moyen terme. Pour peu que l'affaire Johansson fasse jurisprudence, Disney aurait sans doute gagné à réfléchir à cette fameuse situation de quasi-monopole, qui aura permis tout un tas d'excès au fil de ces dernières années.