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Black Panther, la critique sans spoilers

Black Panther, la critique sans spoilers

ReviewCinéma
On a aimé• Michael B. Jordan, touchant en Killmonger
• Une première partie vraiment réussie
• Shuri, Nakia, Okoye
• Un bon dosage entre l'humour et le sérieux
• Le propos politique
On a moins aimé• Une seconde moitié facile et basée sur un cahier des charges
• Techniquement pas au point
• Loin d'être un Ryan Coogler authentique
• Toujours pas le film Marvel qui nous manquait
Notre note

Que doit-on attendre des films Marvel Studios ? De simples divertissements, ou de voir la proposition se transcender pour rattraper un statut de films plus exigeants ? Peut-être un peu des deux ? Parmi les noms de la phase en cours, on retrouve du Jon Watts ou du Ryan Coogler, et pour les amoureux du second, l'idée de le voir porter Black Panther à l'écran allait de fait. Si ce dernier, sur la ligne d'arrivée, atteint le haut du panier des Marvel classiques, une couche de qualité supplémentaire n'efface pas certains défauts courants de la marque.

Moins que l'humour à tout cran, Black Panther est un film plus sérieux, plus ambitieux, aussi plus politique, mais tout de même très hollywoodien. Si les critiques aiment à dire (comme d'habitude) qu'il s'agit du meilleur épisode de la saga, il n'est ni Creed 2 ni celui qui mettra le coup dans la fourmilière que d'aucuns attendaient depuis longtemps. Sur le curseur des qualités et défauts, on est cependant en face d'un film qui fait le job, véhicule certains des idéaux de son auteur, et arrive à tenir debout comme un stand-alone à l'image de Dr Strange ou de Homecoming. Commençons par l'indispensable critère de représentation : Black Panther est un super-héros noir (et Africain), ce qui est tout sauf un détail ici.
 

A l'ombre des intrigues personnelles de super-héros, Coogler traite d'un plothole évident dans l'appareil Marvel Studios. Où était le Wakanda pendant les événements de New York ? Où était le Wakanda pendant la Sokovie ? Où était le Wakanda quand les esclavagistes ont ratissé l'Afrique noire en quête de main d'oeuvre, quand les colons sont venus piller les ressources ou que des groupuscules religieux mettaient le continent à feu et à sang ? Ces questions sont abordées dans la politique interne d'un pays qui aura toujours, pour ne pas s'attirer la convoitise de l'occident et garder sa technologie à l'abri du regard, pratiqué le non-interventionnisme pendant sa longue histoire.

Un statut que le roi T'Chaka espérait changer dans Civil War, et sur lequel il appartiendra à T'Challa de trancher ou non. Sur sa route, Erik Killmonger va agir comme le motivateur essentiel : un noir, lui-aussi, mais d'une autre culture, d'une autre tradition. Élevé dans les ghettos de Los Angeles, ce personnage de vilain aura vu son peuple tomber sous les balles de la police, être élevé dans une culture parquée à l'ombre de l'establishment blanc et d'une ségrégation historique. Killmonger et T'Challa sont deux facettes d'un héritage qui refuse de sacrifier à l'occident esclavagiste : l'un victime, rebelle, l'autre sage et prêt à s'ouvrir, à discuter. 

Cet axe politique est la force du film, porté par des dialogues souvent réussis (sur ce point), un véritable cas de conscience du premier au second roi. On retrouve le propos de Coogler dans Fruitvale Station, cette incursion de propos sur l'Afro-Amérique intéresse parfois plus que les jolies traditions du Wakanda. Killmonger est le personnage fort, sa destinée est traitée comme celle d'un personnage à part entière - on retrouverait en filigrane la construction miroir du Kingpin et de Matt Murdock

Pas dans les thématiques, mais dans le sérieux et l'intérêt porté à un vilain complexe, compréhensible. Seule la cruauté qu'applique le personnage justifie de le traiter comme un véritable méchant. Certaines de ses répliques impressionnent dans ce blockbuster pourtant calibré, au sortir d'une année 2017 explicite sur le statut des noirs aux Etats-Unis. Coogler profite d'avoir entre ses mains la tribune d'un film que des millions de gens iront voir pour porter ses idées, avec justesse, et répondre à l'histoire d'un continent que les blancs auront toujours traité avec mépris. Instiller une civilisation supérieure dans la fiction de Marvel sert aussi un décalage brillant, où l'Amérique serait une nation inférieure occupée à tripoter des sillex pendant que le Wakanda inventait la roue.


A ce titre, les critiques seront nombreuses à l'avoir souligné : l'interprétation de Michael B. Jordan, très vulnérable comme le gosse des quartiers avec une revanche presque maladroite à prendre sur la vie, est formidable. Des jeux de voix sobres à des postures de truand grande gueule, qui contredisent l'aspect grandiloquent et aristocratique de la royauté wakandienne. Boseman fait aussi un joli travail, parfois hors temps, mais souvent dans une retenue à la Captain, sérieux, digne, fort et attachant. L'acteur profite à plein d'une complicité naturelle avec ses partenaires à l'écran - on sent l'alchimie déployée avec Shuri (Letitia Wright), géniale petite-soeur du Roi et coup de coeur de la distribution, de même qu'avec Nakia (Lupita Nyong'o) et Okoye (Danai Gurira). 

Les personnages féminins sont une autre des réelles forces du film : souvent drôles, chaque fois brillantes, elles sont le pendant des forces vives du Wakanda. Technologie, espionnage, soldatesque, chacune est un contrepoint intéressant à T'Challa dans cette société où la hiérarchie des genres semble loin de nos codes occidentaux. En un sens le film arrive à être aussi ou plus féministe que Wonder Woman, en ne proposant pas de réelle histoire d'amour au coeur des enjeux, et en se dotant de personnages féminins plus forts que leurs homologues du chromosome Y - souvent brutaux, stupides ou dans l'erreur. Tout n'est pas bon dans l'ensemble humain : Forest Whitaker reprend son surjeu de Star Wars - Rogue One avec une même utilité (relative), Winston Duke en M'Baku est bombardé comic relief malgré lui et le cabotinage d'Andy Serkis dessert l'absence générale d'humour potache dans ce Marvel où on ne rit pas si souvent.

Ou alors, on rit plus d'un aspect aventure. D'une seconde lecture de l'évolution et du progrès technique, on rit de voir une peuplade surdouée trouver les armes à feux barbares et Martin Freeman s'émerveiller de ce qui paraît si courant au peuple du Wakanda. Cet étrange lien au MCU parachuté dans la nation centre-Africaine est un exemple des tics de Marvel contre l'envie de renouveler - forcer un humour plus conventionnel, déjà vu avant. Comme l'est la photographie, ou l'usage de fonds verts horriblement paresseux : le métrage vieillira très mal, et est techniquement très en deça de ce que l'on attendait.


Puisque contre toutes ses qualités, Black Panther est bien un film du MCU. Segmenté en deux, la première partie brille par sa peinture du Wakanda, entre traditions et modernité. Un héros intéressant, un propos politique utile et agréable, une culture colorée faite de jolies inspirations - et puis, reviennent les codes. La seconde moitié se concentre sur le segment d'action indispensable à tout divertissement du genre, mais desservi par la technique : on ne reconnaît pas l'inventivité des plans de Coogler dans Creed. Les combats sont sclérosés, trop virtuels ou tellement synthétiques qu'on ne rentre jamais réellement dedans. Killmonger devient assez vite un boss de fin habituel de la formule : même pouvoirs que le héros comme l'Iron Monger ou le Winter Soldier, avec un combat sans relief. 

Feige a apparemment décidé que la nouvelle génération de héros devant succéder à la première serait supérieure sur le plan de l'échelle de puissance. Strange est devenu le sorcier suprème, et sa prestation dans Ragnarok en témoigne. Spider-Man arrivait déjà à rosser le Faucon et Bucky à lui-seul, et le Black Panther est ici virtuellement invincible. Armuré comme jamais, le personnage offre des combats assez simplistes, basés sur la technologie du Vibranium (qui justifie tout et rien) loin de l'envie d'arts martiaux techniques des Russo. On trouve du gimmick et un héros impossible à blesser en définitive pas si intéressant. Les meilleurs affrontements se font à visage découvert, et si on peut louer l'aspect divertissement de la formule, ceux qui aiment le super-héros pour les chorégraphies et combats resteront ici sur leur faim.

C'est d'ailleurs le noeud problème. Loin du perfectionnisme esthétique de Coogler, Black Panther ressemble à un Marvel Studios. Fautif sur le rythme, qui abuse de l'ellispe comme moyen de faire avancer l'intrigue, besogneux dans une seconde partie qui se rappelle d'un coup au besoin de faire plus souvent rire, et perlé de quelques how convenient ou d'abus de Vibranium comme elixir de réussite à un scénario qui ne savait pas vraiment comment achever une bonne entrée en matière. 

Même Killmonger est emporté dans la spirale, incapable d'échapper à son destin de vilain standard, comme s'il était trop inenvisageable de le penser avec un destin sur plusieurs films ou une conclusion un rien plus surprenante. Sans trop en dire, depuis la photographie, aux fonds verts et à la résolution, derrière toutes ses qualités, Black Panther n'est pas le James Bond du MCU que vantent certains. La sortie de projection s'est faite dans un état partagé, devant tant de potentiel rattrapé par un mode de production qui ne cesse jamais de montrer ses limites. Au passage, un détail à souligner, les deux scènes post-génériques ne sont pas réellement utiles et ne préfigurent pas d'une introduction à un élément futur du MCU que l'on ne connaisse déjà. Dommage.

Dommage, parce que les acteurs y sont, le film est bon dans son propos et pas juste un quota historique que l'on pourrait bêtement tagger "premier film de super-héros noir" (ce qui serait de toute façon faux) et en rester là. Social, utile, Black Panther profite d'un peu de fouille sur le background du Wakanda, une culture colorée et festive qu'il est agréable de retrouver à l'ombre de l'habituel urbanisme américain. Souvent drôle dans le bon registre, le film pêche par excès de confiance - dans son modèle. Certaines scènes de combat sont éhontées dans leur flemme à rendre les incrustations crédibles, certains excellents acteurs comme Whitaker ou Daniel Kaluuya (Get Out) sous-utilisés par une écriture qui ne se laisse pas le temps, et on sent l'envie de proposer une construction classique derrière de nobles idéaux et un réel travail d'ensemble, comme à moitié achevé. On peut saluer, après Spider-Man, l'envie d'enfin proposer de bons vilains et de meilleurs personnages secondaires, mais tant que n'aura pas été tourné la page Infinity War, on prend ici un bon Marvel, et toujours pas la claque dont les fans rêvent depuis des années. Une belle promesse au final enfermée dans un film Marvel normal, bon sans être révolutionnaire.

Corentin
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