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Édito #85 : le bimensuel est-il l'ennemi des bons comics ?

Édito #85 : le bimensuel est-il l'ennemi des bons comics ?

Chronique

L'été dernier, DC revenait en force dans les comics shops avec une nouvelle stratégie éditoriale, qui s'appuyait avant tout sur une idée toute bête mais puissante : doubler la dose pour ses héros les plus connus, qui allaient désormais arriver deux fois (contre une seule, précédemment) par mois sur les étagères. Une initiative qui semble avoir porté ses fruits puisque la notoriété des titres Batman, Superman, Wonder Woman, Green Arrow et consorts n'a fait qu'augmenter, tout en soutenant les ventes de l'écurie aux deux lettres, désormais plus en forme. Et même après quelques mois et de premières modifications dans son catalogue, l'éditeur continue de banquer sur les titres bimensuels, qui on le sait, ne subiront pas l'augmentation de prix annoncée par DC il y a quelques jours. A croire que ce rythme de publication est central dans la récente réussite de la maison d'édition. Mais mettons de côté la stratégie, le marketing et les ventes pour nous intéresser à ce qui passe dans ses comics et la tête des auteurs qui les imaginent.

Si on en croit les dernières rumeurs, Marvel pourrait imiter tout ou partie de la stratégie mise en place par DC, ce qui pourrait nous mener à une nouvelle vague de titres bimensuels dans les comics shops. On connaît les habitudes du Big Two : si une bonne idée s'impose, ne serait-ce que ponctuellement, les éditeurs concurrents ont tendance à s'engouffrer la tête la première dans la brèche. Mais avant de céder aux sirènes, prenons un peu de recul en leur nom et arrêtons-nous sur notre sentiment à l'égard de ce rythme bimensuel, qui pourrait devenir la dernière fausse-bonne idée à la mode dans le monde des comic-books. Gardez d'ailleurs à l'esprit que tout ce qui suit est très personnel, et que je ne compte pas vous imposer mon avis. Au contraire, je vous demande le vôtre.

Car de mon côté, après quelques mois de lecture forgés par ce rythme bimensuel chez DC, je ne suis toujours pas convaincu. Et je vous vois venir, pas uniquement parce que ces deux lettres frappent la couverture des titres que j'ai l'habitude de lire tous les quinze jours. Marvel pourrait être derrière cette idée que j'aurais sans aucun doute la même chose en tête : ce rythme ne convient guère aux comics. Pourtant il n'y a pas un mais des rythmes qui peuvent correspondre à la sortie d'un comic-book. Par exemple, je n'ai rien contre des séries hebdomadaires concernant des crossovers ou des events, qui en sortant chaque semaine, recherchent un côté blockbuster qui peut avoir du sens. Le bimensuel lui aussi, peut avoir une signification et une valeur, mais tout mon problème avec son application chez DC, c'est qu'en dehors de celle qu'il dégage avec des ventes plus élevées, je ne lui en trouve aucune.

On ne va pas se mentir, plusieurs artistes nous ont avoué qu'ils avaient été informés très tardivement sur ce point précis. Parfois plusieurs semaines après avoir commencé leur travail sur DC Rebirth, dernier relaunch / initiative éditoriale de la maison. Et beaucoup de lecteurs ont pu le sentir, surtout lors du lancement de ces titres. Mais personnellement, cette impression ne m'a pas quitté depuis l'été dernier. Je me réfère d'ailleurs, en premier lieu, à des éléments très factuels : des dessins ou des dialogues qui n'ont parfois pas toute l'attention qu'ils méritent. Des changement d'artistes réguliers. Et des arcs narratifs souvent plus courts. Mais à la rigueur, ce n'est pas ce qui me dérange le plus : quelle qu'elle soit, la deadline aura toujours des effets sur les artistes. 

C'est l'effet sur le lecteur, en l'occurrence moi, qui me gène avant tout. En effet, en parcourant tous les quinze jours les aventures de Batman, Superman, Wonder Woman et de leurs amis les plus célèbres, j'ai une impression de "trop plein, pas assez" que je ne saurais décrire autrement que par ce terme un peu putassier. D'un côté, il y en a trop : l'action, les dialogues, les rebondissements, tout s'enchaîne très, trop vite. De l'autre, il n'y en a pas assez : la tension, les enjeux, l'impact que peut avoir un numéro sur les personnages ET le lecteur retombent beaucoup trop vite. Mais prenons deux exemples, issus d'une série que j'aime et d'un titre avec lequel j'ai beaucoup plus de mal.

Commençons par Superman. Tout le monde s'accorde à dire que la série est excellente, et je suis de cet avis, rassurez-vous. Maintenant, on sent, souvent, en refermant un numéro, que tout ce qui a été bâti a vite été construit pour être vite utilisé, avant de vite passer à autre chose. Dans le cas de Superman on est ainsi passé d'une fresque familiale à un passage par une fête foraine, un détour sur une île pleine de dinosaures, un affrontement entre des monstres et un crossover, tout cela en une quinzaine de numéros. Trop d'événements en trop peu de singles, à mon sens. Ce qui limite l'impact que peut avoir la série sur ses héros et sur moi. Mais heureusement, dans l'exemple Superman, les personnages sont assez appréciables pour qu'on revienne volontiers suivre leurs aventures.

Prenons maintenant Batman : même constat avec de très nombreux arcs au sein d'une seule série et en l'espace d'une quinzaine de numéros. Mais contrairement à Superman où les personnages, notamment grâce à la présence d'un gamin, donnent l'impression de grandir, et malgré tout ce qui se passe dans la série de Tom King, rien ne semble avoir d'effet sur nos protagonistes. Tout glisse sur eux. Tout est expédié. Et le dernier numéro en date et sa façon de gérer en trois phylactères la disparition d'un personnage important me prouve, définitivement, que le scénariste et son dessinateur sont pris dans une sorte de course contre la montre.

Mais à quoi bon ? Techniquement, faire paraître un titre deux fois et non une fois par mois est l'occasion de raconter plus ou de raconter mieux, dans un temps donné. En six mois, Tom King a ainsi deux fois plus de numéros  de Batman à sa disposition. Pourtant, sa série ne paraît pas mieux conçue - du moins à mon sens - plus riche ou mieux articulée que celle d'un Scott Snyder lors des New 52.  Au contraire, je sens la précipitation, à tous les niveaux. Editorial, tout d'abord, parce que les idées semblent s'enchaîner sans véritable logique. Artistique, ensuite, parce que les cases ou les dialogues sont souvent trop légers. Et émotionnel, enfin : les rebondissements semblent glisser sur les personnages et sur le lecteur. Autre conséquence, je n'ai jamais vu autant d'articles sur des twists aussi convenus. Comme si le rythme bimensuel incitait surtout à une vraie frénésie médiatique.

Vous l'aurez compris, mon problème n'est donc pas le bimensuel en lui-même, mais la façon dont il est pour le moment utilisé chez DC. Mais des exceptions subsistent néanmoins : si je n'apprécie guère le titre, l'idée de raconter deux histories distinctes dans la série Wonder Woman me paraît, par exemple, être une bonne solution. On sent en tous cas que l'auteur, Greg Rucka, a réfléchi à ce que le rythme bi-mensuel pouvait lui offrir, ou ce qu'il allait lui imposer. Car finalement, sortir un numéros tous les quinze jours, c'est une discipline à part entière, et DC devrait peut-être former ses artistes ou les guider dans cet exercice, et non, comme je le suppose, les laisser "diviser" un numéro vaguement mensuel en deux parties. 

Comme le découpage et la composition d'une page de bande-dessinée impose un rythme à son lecteur, la cadence de parution d'un comic book a elle aussi un effet sur les artistes, les personnages et les lecteurs. En soit, le bimensuel n'est donc pas meilleur ou moins bon qu'un autre. Il est simplement une autre façon de créer et de lire un comic book. Mon problème avec l'idée, telle qu'elle est aujourd'hui (et globalement) appliquée chez DC, c'est qu'elle ne prend pas tout à fait en compte les spécificités de ce rythme, qui pourrait pourtant offrir aux artistes et aux lecteurs de grandes choses. Et si Marvel se lance également dans cette trouvaille pour le moment frappée de deux lettres, je crains le pire pour des comic books qui pourraient devenir toujours plus artificiels. Surtout au sein de la maison des idées où les titres en forme de gags sont légion. Mais encore une fois, ce n'est qu'un avis personnel, que je voulais coucher sur le papier afin d'ouvrir le débat sur ce sujet, avant que celui-ci ne devienne, dans un banal mouvement marketing, la norme dans le milieu des comics. 

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Commentaires (9)
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Avatar de La_Fourrure

15 Fevrier 2017

La_Fourrure

Et si on prenait l'exemple des mangas ? Le rythme est encore plus effréné (1 sortie par semaine, dans la majorité des cas) et pourtant les histoires sont construites sur du long terme. Certes, il n'y a pas l'aspect colorisation des comics qui peut faciliter les sorties (et encore, quand on voit l'état de santé des mangakas...) mais on sent que les auteurs s'approprient leur oeuvre totalement, avec le succès à la clé ou pas. Les éditeurs japonais ne sont pourtant pas particulièrement patients et n'hésitent pas à annuler brutalement des séries. Les éditeurs de comics pourraient peut-être s'en inspirer tout ou partie, l'essentiel restant de laisser aux artistes la possibilité de raconter leur oeuvre pour le plaisir des lecteurs ce qui est loin d'être le cas de nos jours...

Avatar de joliaux

14 Fevrier 2017

joliaux

Pire encore, pourquoi croyez-vous que l'on nous servent des reboots tout le temps ? Les auteurs eux-mêmes ne savent plus faire du soaps (ou ne veulent plus). Combien de numéro de Byrne sur FF ou de claremont sur X-men ?
Donc des séries courtes, avec des arcs narratifs +/- indépendants. En plus ça stimule la créativité car chaque auteur voudra apporter sa patte aux personnages.

Avatar de joliaux

14 Fevrier 2017

joliaux

La question fondamentale, c'est l'avenir du single ? Le single, le fan de comics l'adore, il attend fébrilement le jeudi (en général) pour courir dans son comics store. Perso, quand j'achetais des singles, Noël c'était une fois par semaine.
Le single c'est bien à l'époque des séries à grande continuité, un numéro après l'autre. Encore une fois, c'est mon crédo ^^ celui qui a tout pété c'est le cross-over. Ça a commencé comme ça, un arc narratif sur plusieurs dizaines de séries, on en produit beaucoup pour faire tout acheter et on en produit deux fois plus pour faire encore plus acheter.
Les meilleurs séries sont celles qui tiennent toutes seules avec des fins. Hawkeye, le punisher (version LA), Black widow, etc... Donc, ce qui marche c'est les trucs qui se lisent en TPB eet SANS PUB, avec une histoire qui a un début, un milieu et une fin. En fait, on remarque quoi ? Les comics qui marchent le plus (en tout cas, côté succès critique) pourraient avoir un rythme "franco-belge" en album.

Avatar de Arnaud Lehue

14 Fevrier 2017

Arnaud Lehue

Le problème des séries Rebirth est peut-être que les scénaristes n'ont pas eu assez de temps en amont pour bien peaufiner l'écriture de leurs numéros, vu que le lancement de l'event a été assez précipité. Il leur faut écrire également pour pleins d'artistes différents, aux envies variés, et s'adapter au rythme de chacun donc ne pas forcément écrire les numéros dans l'ordre. Et je pense que cette rythmique n'aide pas forcément à produire des grands runs.

Mais au moins chez DC ils peuvent travailler les choses sur la longueur, et c'est là où ça peut vraiment devenir intéressant au niveau du développement des personnages. Là où chez Marvel, leur fonctionnement en saisons de 12/15 épisodes avec relaunchs à répétition et les events auxquels il faut participer, empêche de déployer le plein potentiel des équipes. Et surtout, tout relancer en même temps comme en 2015 fait qu'on se retrouve à lire que des débuts de série d'équipe, avec la team qui se forme, et c'est chiant.

Avatar de spectra

13 Fevrier 2017

spectra

pas de problème avec le bimensuel de mon côté. Prendre ma dose de nightwing, detective comics, flash et WW deux fois par mois ça me va. Après j'aime que les arcs soient courts et que tout s'enchaîne avec fluidité (néanmoins j'étais à la base très réticent).

à mon sens l'ennemi du comics chez DC ce sont surtout les auteurs, Je ne suis pas certain que King ferait du meilleur travail sur Batman avec plus de temps puisque clairement en bi-mensuel il ne se passe rien. pour continuer dans ta comparaison Snyder au bout d'un moment je n'en pouvais plus car il y avait pas mal de remplissage sur des arcs trop longs.

Et côté Marvel hormis les events à la con sur les rares séries que j'apprécie encore je n'ai pas trop de soucis avec le schéma 2-3 intrigues à résolution rapide + gros fil rouge.

'fin bref c'est très personnel mais je trouve que DC a su trouver un nouveau souffle sur certaines séries, et les moins bonnes je les trouve toujours plus appréciables que dans l'ère DC YOU.

Avatar de Guillaume_Prs

13 Fevrier 2017

Guillaume_Prs

Le bimensuel est l'une des raisons de ma réduction drastique de lecture de comics. Rebirth est pour moi affreusement mal géré alors qu'il y avait vraiment quelque chose à faire face à un Marvel qui passe son temps à relancer ses séries depuis all-new marvel now. Personnellement je ne trouve mon compte dans aucune des deux propositions, et ce n'est pas l'intensification des parutions qui va me séduire.

Avatar de Fett'sSon

13 Fevrier 2017

Fett'sSon

Bref, la situation actuelle des Big Two m'inquiète encore plus, j'étais patient jusqu'à maintenant mais là... Les méthodes commerciales de ces éditeurs, leur traitement des personnages ainsi que l'industrie qui prend le pas sur la passion m'écœure au plus au point... Seul les vieilles histoires des années 70/80's et certaines des 90's semblent encore immaculées du sceau de la commercialisation à outrance... Je n'en reconnais presque plus les personnages que j'aime pourtant toujours...

C'était une allocution d'un fan de comics désespéré.

Avatar de Fett'sSon

13 Fevrier 2017

Fett'sSon

À force de relaunchs, on veut constamment plaire quitte à amputer le plaisir du lecteur ! Celui qui nous a tous fait commencer les comics et qui nous les a fait aimer ! Ce défi qui nous poussait à plonger dans la série Spider-Man sans connaître parfaitement le passé de cette série puis se documenter, relire à la source, remonter la mythologie ! Dorénavant les #1 s'enchaînent sans réel plaisir... Et ce ne sont pas les changements de statut quo illusoires ou de costumes qui changeront quelque chose... Rien n'avance plus chez Marvel et DC, les personnages ne meurent plus (pire, reviennent une deuxième fois dans une série éphémère) les crossovers sont devenus légion et s'accadent encore plus les séries solos (il était pas bon le temps des séries sans réunions de bastons entre super héros ? Allez je l'accorde il y a parfois de bon crossovers mais seulement 1 bon crossover sur 10 !!!) qui doivent alors caser de petites histoires entre ces events vraiment dispensables...

Avatar de Fett'sSon

13 Fevrier 2017

Fett'sSon

Très bon édito, enfin quelqu'un qui pointe du doigt ce problème que je percevais aussi au fil des titres DC Rebirth "Quand même ! Ça va super vite ces histoires/arcs !".
Et tu fais bien de prendre pour exemple le titre Superman parce qu'il résume bien TOUS (ou presque) les autres ! Le rythme des débuts en plaisant, on s'y habituerait presque, puis on nous balance des îles avec des dinos, des Supermans multidimensionnelles en même pas 20 numéros... Et le pire, c'est que même si Marvel n'a pas (encore) adopté ce rythme de publications, depuis ANAD, les séries ne nous laissent tout simplement pas le temps de nous attacher à leurs histoires (tout avance à un rythme de long crossover et ces arcs ne sont parfois pas très inspirés voir copier/coller).
L'industrie des Big-Two au final s'engouffre dans une logique de buzz, exploitations de personnages en tous genres, films à succès, et j'ai vraiment l'impression que ce qui me faisait aimer ces deux éditeurs est en train de disparaître !