
C'est-à-dire que ce sont les interactions entre les différents personnages qui
la font progresser, bien plus que l’enchaînement des évènements. Evènements qui
sont d’ailleurs au final assez peu nombreux (l’incident déclencheur, un
« entraînement » contre une poubelle, la « bataille »
finale et c’est à peu près tout). Ce qui fait tout l’intérêt de cette graphic
novel, c’est donc les relations entre les personnages, et celles-ci sont très
réussies. On s’attache immédiatement à Taki et Olivia, forcées d’être très
proches par une mère qui les surprotège, et qui se tapent sur les nerfs. Et
pourtant, malgré les tensions, on sent un réel lien entre elles, une véritable
affection. Kelly Sue, la meilleure amie de Taki, est aussi très réussie. Son
virage vers le côté obscur est très bien amené et ne fait pas artificiel. Le seul
personnage qui laisse un peu à désirer est le père de Kelly Sue, le véritable
vilain, qui fait franchement cliché. Mais ce n’est pas trop grave non plus car
cette histoire n’est clairement pas la sienne. Plus qu’un personnage, il est un
élément activant, guère plus. Les excellents dialogues de Bendis sont la raison
pour laquelle tout cela fonctionne si bien. Même dans l’optique du « tous
publics », il n’a pas changé son style si caractéristique et efficace.
Ainsi les répliques sont travaillées sans faire artificielles et on se régale à
chaque bulle. En revanche, il y a bien un domaine pour lequel l’auteur a dû
sacrifier aux exigences de la catégorie « all ages » : le
background de l’univers qu’il crée. Takio n’est clairement pas une série pour
les maniaques du détail et les pinailleurs en tous genres. Des sbires armés
apparaissent et disparaissent au gré de l’action, le méchant dispose de moyens
à la provenance floue (on a droit au cliché de la « méchante grande
entreprise ») et les réactions des autorités aux évènements restent
marginales. Bon, il y a bien un petit effort pour faire que l’histoire ne se
passe pas totalement dans une bulle (la page de journal que consulte Taki),
mais ça reste léger. Idem pour ce qui concerne la nature et le fonctionnement des
pouvoirs des héroïnes, ils restent plus que vagues (elles appellent ça de la
« télékinésie kung-fu » et baste). Enfin, on ne sait presque rien de
leur passé si ce n’est qu’an moins une des deux a été adoptée (et encore c’est
parce que c’est écrit sur la quatrième de couverture). En gros, pour apprécier
Takio, il faut se laisser porter par les personnages et éviter de poser trop de
questions. Au même titre, on remarquera qu’il n’y a pour ainsi dire aucun
personnage secondaire. Même la mère de Taki et Olivia n’est qu’une voix et une
silhouette (on ne l’entrevoit que dans trois cases). En fin de compte, Brian
Bendis donne un peu l’impression d’être assis entre deux chaises. Il ne veut
pas écrire une histoire « bê-bête », mais on sent bien qu’il essaie
quand même de simplifier son style sans réussir totalement le tour de force que
fut Ultimate Spider-Man.
Par contre, presque aucune trace de ses
habituels jeux d’ombre. Ici, à de rares exceptions près (la scène dans le
laboratoire du père de Kelly Sue par exemple), pas de noirs compacts. Tout est
extrêmement lumineux. Les ombres sont représentées par des nuances de couleurs.
On en profitera pour saluer l’excellent travail de Nick Filardi, dont la palette pastel fait des merveilles. Mais il
n’empêche que chez Michael Avon Oeming la gestion des zones d’ombre est d’habitude
un élément essentiel, à l’instar d’un Mike
Mignola (Hellboy). Le retirer revient à perdre une grande partie de
l’intérêt de lui faire dessiner le titre. D’un autre côté, on ne peut pas lui
reprocher de s’être adapté à l’histoire, qu’il était inenvisageable de dessiner
avec son style classique. Le dessinateur doit aussi s’adapter au format
particulier des pages, plus petites. Pour cela il ne change rien à ses mises en
page, toujours très efficaces et dynamiques même si elles sont un peu moins
« artistiques ». Par contre il allège beaucoup ses arrières plans
pour laisser respirer. C’est plutôt réussi et ça ne donne pas d’impression de
vide, sauf peut être un peu dans la bataille finale. Pour finir, on notera que
le design des personnages est très bon. Les trois fillettes ont vraiment l’air
d’enfants, pas d’adultes miniatures. Le vilain a quant à lui le look typique du
savant fou, mais ça lui convient bien.Les plus : Taki, Olivia et Kelly Sue
Les dialogues
Bel effort de Michael Avon Oeming…
Les moins : … même si on regrette ses ombres
Background scénaristique très léger
Les auteurs se soucient un peu trop de faire du « tous publics »
Notes
Scénario : 3,5/5
Dessin : 3/5
Globale : 3,5/5