
Dernier soubresaut dans le cadre d'un feuilleton passablement mouvementé. Depuis quelques semaines, l'annonce du rachat du groupe Warner Bros. secoue l'équilibre des puissances traditionnelles dans le microcosme de l'audiovisuel aux Etats-Unis. Toutes les thématiques concernées par cette opération sont déjà passées sous le scalpel de la presse spécialisée, avec les perspectives potentielles d'un tel rachat sur l'industrie du cinéma, pour le futur de l'intelligence artificielle générative, la liberté de parole pour les artistes, et l'influences des capitaux étrangers, entre autres choses. Ne manque plus qu'un verdict officiel sur l'identité des nouveaux propriétaires.
Pour l'heure, un obstacle se dresse encore sur le chemin de Netflix, après l'offre publique d'achat (de plus de cent milliards de dollars) formulée par les représentants de Paramount Skydance dans l'espoir de faire pencher la balance de leur côté. Cet ultime coup de poker, de la part de la famille Ellison, reste actuellement contesté par le conseil d'administration de Warner Bros., qui publiera prochainement un avis défavorable destiné aux actionnaires du groupe. Les pontes de la compagnie restent favorables au contrat signé avec Netflix, malgré la somme plus élevée proposée récemment par les concurrents.
La rédaction de Bloomberg rapporte cette information, potentiellement décisive. Pour le conseil d'administration, l'offre de Paramout Skydance poserait plusieurs problème structurels (autour de quatre points essentiels), et notamment du côté du financement. Sans avoir besoin d'entrer dans les détails, le constat dressé par les responsables actuels de Warner Bros. reste aligné sur les décisions validées récemment : l'offre de Netflix présente davantage de stabilité, et s'accorde avec la philosophie du groupe, dans l'idée de séparer une bonne fois pour toutes les actifs du cinéma et de la production en streaming du pôle consacré aux chaînes de la télévision linéaire.
Aussi, l'avis rendu sera défavorable, et Warner Bros. compte donc rejeter (pour la cinquième fois) l'offre de Paramount Skydance. Du côté des actionnaires proprement dit, le bilan n'est pas exactement aussi clair en l'état, mais il n'est pas certain que les porteurs voudront s'engager dans une guerre de tranchée avec leur propre conseil d'administration (compte tenu de l'instabilité des valeurs boursières dans ce genre de rares cas de figure). Accessoirement, une autre information vient s'empiler au sommet de ce retournement de situation, dans la mesure où la société Affinity Partners, embarquée dans la proposition des Ellison, a également annoncé se retirer de cette offre publique d'achat. Une donnée cruciale sur le papier, dans la mesure où ce fonds d'investissement, piloté par Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, servait de relais principal pour les capitaux soulevés depuis le Moyen-Orient, en Arabie Saoudite, au Qatar et depuis Abu Dhabi. Au global, ces investissements étrangers représentaient un ensemble cumulé de 24 milliards de dollars dans l'accord promis aux investisseurs de Warner Bros..
En l'occurrence, il reste assez probable que ces fonds feront encore partie de l'accord final. Et dans tous les cas de figure, le fonds d'investissement de l'énorme entreprise Oracle (pilotée par Larry Ellison) pourrait de toutes façons couvrir cette perte potentielle. Mais, le retrait d'un pareil membre de la Maison Blanche (au sens strict, Jared Kushner reste un conseiller officiel de la présidence, en particulier sur le plan des investissements venus d'Arabie Saoudite aux Etats-Unis), peut être considéré comme un signal direct ou indirect de l'engagement des troupes de Donald Trump dans le cas d'une signature éventuelle.
Pour l'heure, le président a seulement indiqué que le rachat de Warner Bros. par Netflix pourrait "poser problème". Selon toute vraisemblance, Ted Sarandos et ses équipes ont probablement prévu un plan de négociation pour contourner les censeurs fédéraux, dans la mesure où l'ensemble de l'économie des Etats-Unis tournent désormais autour des humeurs de Donald Trump et de son clientélisme notoire. De ce point de vue, Netflix reste en bonne place parmi les lobbyistes proches du Parti Républicain, avec le soutien de plusieurs firmes de "marketing" basées autour de Washington pour s'accorder les faveurs du pouvoir en place.
L'avis défavorable du conseil d'administration du groupe devrait être formulé officiellement d'ici les prochains jours. La balle est donc dans le camp des actionnaires, qui ne pourront vraisemblablement pas opérer sur un plan purement individuel dans le cas d'un retournement de situation.