En attendant de savoir combien de milliers de salariés seront foutus dehors dans le cas d'une fusion entre les groupes Warner Bros. Discovery et Paramount Skydance, une bonne nouvelle pour les présidents des différentes branches autonomes : de ce qui les concerne, en cas de rachat, leurs postes ne seront pas mis en danger. Félicitations aux quelques uns qui tombent dans ce cas de figure, faute de mieux. Depuis le mois dernier, cette même idée trotte dans toutes les têtes du microcosme de l'audiovisuel américain : David Zaslav, le président de Warner Bros. Discovery, assure que son groupe sera bientôt vendu au plus offrant, en poursuivant l'état d'instabilité permanente qui occupe Hollywood depuis que Disney a enclenché cette politique d'acquisition au tournant de la décennie passée.
Une seule question cependant... qui va bien pouvoir s'offrir pareil morceau de poulet ?
Sur ce champ de bataille, le clan Ellison s'est positionné le premier, en formulant une offre pour le rachat de Warner Bros. (sur l'ensemble des actifs du groupe) qui n'a pas convaincu David Zaslav. Celui-ci aura même (manifestement) tenté de manipuler l'opinion en organisant une rencontre avec les patrons de Netflix lors d'un événement sportif, dans l'optique de faire monter les prix ou de faire jouer la concurrence. Pour l'heure, selon les sources les plus proches du dossier, le président de Warner Bros. Discovery aurait refusé par trois fois les avances de la famille Ellison. Pour des raisons diverses : un montant pas suffisamment important, ou peut-être aussi, un nouvel organigramme en cas de fusion qui aurait pour effet d'orchestrer le départ forcé de David Zaslav... or, celui-ci veut vendre, oui, mais en obtenant aussi un poste de responsabilité dans la future nouvelle structure.
Ce paradoxe rigolo retarde manifestement le processus, en attendant que d'autres acquéreurs potentiels se manifestent. Et dans l'intervalle, David Ellison, le président de Paramount Skydance, peut dérouler sa tactique de communication dans la presse business. En comprenant, bien sûr, que le bonhomme s'adresse en premier lieu aux actionnaires de Warner Bros., pour montrer patte blanche, assurer du bienfondé de sa démarche. Sait-on jamais ? Peut-être que quelqu'un en interne pourrait forcer la main de David Zaslav.
Bref, en mettant de côté les crasseries traditionnelles des boursicotteurs aux dents longues, Ellison a tout de même lâché une information dans les colonnes du site Bloomberg : le patron (ou le fils du patron, en ce qui le concerne) assure qu'il ne touchera pas aux "équipes créatives" des différents départements du groupe en cas de fusion. Autrement dit, Paramount Skydance promet de ne pas licencer les commandants du navire après l'abordage. Dans ce cas de figure, James Gunn pourrait donc conserver son poste au sein de DC Studios aux côtés de Peter Safran.
Et sur ce sujet, d'ailleurs, il serait probablement intéressant de creuser un peu plus loin pour s'assurer de la validité de cet acte de clémence. Puisque, en théorie, les patrons de studio signent pour un mandat temporel (sur une périodle précise) et sont généralement reconduits ou non reconduits en fonction des résultats de leur travail. Ainsi, le précédent président de DC Films, Walter Hamada, n'avait pas été licencié au sens strict. Celui-ci avait décidé de ne pas aller au bout de son contrat, en choisissant lui-même de prendre la porte au profit de James Gunn. Mais théoriquement, l'homme avait encore une bonne année devant lui avant d'être officiellement sur le départ. En somme, est-ce que Paramount Skydance pourrait contourner les mandats actuellement en cours pour installer ses propres troupes, le cas échéant ?
Peut-être. Contre un gros chèque, d'aucuns ne seraient probablement pas contre l'idée de démissionner avec un peu d'avance (et de fait, le clan Ellison représente le plus gros chéquier actuellement embarqué dans cette perspective de rachat). Accessoirement, il ne serait pas forcément malvenu de considérer que le bonhomme est un énorme menteur. En effet, l'une des premières décisions officielles de la famille Ellison au moment de prendre les commandes du nouveau groupe Paramount Skydance avait été d'installer la journaliste d'extrême-droite Bari Weiss au poste de rédactrice-en-chef de CBS News, en assumant d'infléchir la ligne éditoriale de cette prestigieuse antenne de presse pour s'aligner avec les convictions du clan (extrêmement proche de Donald Trump, extrêmement réactionnaire, etc). Une donnée que le journaliste John Oliver avait d'ailleurs évoqué dans son émission Last Week Tonight, en pariant sur l'extinction potentielle des figures ouvertement opposées au gouvernement actuel en cas de rachat de Warner Bros. par les Ellison.
De fait, cette théorie est extrêmement probable, et les déclarations qui précèdent le rachat d'une structure de cette taille n'engagent que ceux qui ont envie de les entendre. En l'occurrence, les actionnaires, plus que les James Gunn et les Peter Safran de ce monde, qui doivent certainement s'attendre aux conséquences d'une telle fusion pour leurs propres carrières.
