En début de semaine, nous consacrions un article au sujet d'une déclaration formulée par l'auteur Art Spiegelman à la suite de la projection publique du documentaire Disaster is my Muse, une production dédiée à l'ensemble de sa carrière. La déclaration en question a été reprise en parallèle par d'autres antennes spécialisées, notamment le média Bleeding Cool. En substance, le dessinateur évoquait son intention de développer un projet sur la Palestine, la Bande de Gaza et Israël depuis les attentats du 7 octobre 2023, en compagnie du géant de la BD documentaire et expert du sujet pour l'industrie de l'art séquentiel, Joe Sacco. Spiegelman expliquait que cette entreprise s'annonçait risquée, et qu'il leur serait difficile de trouver un éditeur aux Etats-Unis... mais qu'il ne serait pas capable de vivre avec lui-même s'il ne prenait pas le temps de vider son sac sur ce sujet difficile.
Graphique n'est pas Roman
Connu pour l'immense série Maus, chronique de l'Holocauste considérée comme l'un des grands chefs d'œuvre de la BD des Etats-Unis, Spiegelman n'a jamais caché son opinion au sujet de l'occupation et des bombardements en Palestine. La perspective de le voir s'associer à Joe Sacco était donc, du point de vue de certains fans, l'assurance de voir deux artistes engagés s'emparer de cette problématique pour un projet ambitieux. Manque de bol : les propos de l'artistes ont simplement été mal interprétés. Rich Johnston de la rédaction de Bleeding Cool a contacté la rédaction du site britannique pour préciser sa pensée. Si Spiegelman et Sacco ont bien un projet en tête, celui-ci ne prendra pas la forme d'un roman graphique ou d'une série complète... mais simplement, d'une histoire de trois planches, en tout et pour tout.
Voici ce que l'auteur a précisé :
"Cette idée vient bêtement d'une réponse que j'ai apportée à la question d'un des spectateurs présent dans la salle au moment de la projection du documentaire Disaster is My Muse en novembre dernier. On m'a demandé sur quoi je travaillais an ce moment, et j'ai expliqué que j'étais en plein milieu d'une collaboration pour un projet de trois pages avec Joe Sacco, basé sur de longues conversations téléphoniques que nous avions eues plus tôt dans l'année à propos de la situation à Gaza.
Si je ne connais pas la définition exacte de 'roman graphique', je pense qu'ils font généralement un peu plus de trois pages. Naïvement, je n'avais pas réalisé que mes propos seraient rapportés ou gonflés pour décrire une entreprise de longue haleine, et que je ne serais certainement pas en mesure de terminer avant le grand retour du messie. En l'état actuel des choses, ces trois pages que nous avons réalisées ont pris des mois et vont maintenant être soumises par nos agents à différents éditeurs potentiels.
Amitiés, A.S."
Difficile d'en vouloir à qui que ce soit : si
Spiegelman n'est plus exactement un habitué des longs formats depuis un certain temps maintenant, l'artiste avait bien expliqué qu'il serait prêt à se battre ("
jusqu'à en mourir si nécessaire") pour trouver un éditeur et publier le projet en question. Dans ce genre de cas, on s'attend généralement à quelque chose de plus conséquent qu'un simple mini-(ou micro-)comics. Ce qui est aussi le cas de
Joe Sacco : certes, l'artiste a proposé quelque chose de plutôt court récemment pour revenir sur les événements en Palestine depuis le 7 octobre 2023 (
Guerre à Gaza, Futuropolis) mais sous un angle plus général, celui-ci est plutôt connu pour les tomes plus épais et les conflits étudiés au plus près dans le détail et la profusion des planches.
Dans les faits, la taille du projet ne change pas grand chose aux convictions des deux dessinateurs, ou à leur envie de prendre une position officielle... mais pour toutes celles et ceux qui espéraient un successeur légitime de Maus pour évoquer le cas précis des populations aux abords du Jourdain, cela n'est visiblement pas prévu dans l'immédiat.