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Bloodshot Unleashed : aussi bon et brutal que court et frustrant

Bloodshot Unleashed : aussi bon et brutal que court et frustrant

ReviewIndé
On a aimé• La promesse de départ...
• Du fun, de l'action et du fond
• Une bonne synthèse de ce qu'est Bloodshot
• Jon Davis-Hunt absolument fantastique...
On a moins aimé• ... mais qui ne tient pas jusqu'au bout
• ... mais absent du dernier numéro
Notre note

"Vous vous imaginez où, dans dix ans ?". Si on avait posé cette question à Dinesh Shamdasani et Warren Simons à l'aube du reboot de Valiant en 2012, pas sûr que leur réponse aurait été en accord avec la réalité. Alors que le troisième plus grand univers partagé de super-héros dans le monde des comics alignait les nominations aux Eisner Awards année après année, l'irruption sauvage du conglomérat DMG dans les affaires de l'entreprise a entraîné une destruction lente et inexorable de l'univers en question. Lentement mais sûrement, les publications se sont raréfiées, et si un signal d'espoir est attendu pour l'année prochaine (à savoir, un repreneur potentiel pour ce catalogue aux Etats-Unis), on admire dans un premier temps l'abnégation avec laquelle Bliss Editions n'a pas lâché le morceau, continuant de proposer régulièrement les titres qui sortaient encore de la maison Valiant, tout en allant explorer quelques grandioses morceaux du passé. 

Le personnage phare (ou l'un des plus en vue) de cet univers, bien mal servi par le film qui lui a été consacré, s'appelle Bloodshot. Les lecteurs avaient pu suivre les aventures du soldat Ray Garrison, transformé en machine de guerre virtuellement immortelle grâce aux nanites (des nanomachines) qui circulent dans son sang, à travers deux premières séries de long terme. D'une part, un technothriller militariste, par Duane Swiercynski, et d'autre part, une approche plus intime et psychologique (mais tout aussi sanglante) par Jeff Lemire

Après quoi, force a été de constater que la dernière série en date de Tim Seeley, un blockbuster d'action lorgnant un peu trop du côté des mauvais côtés des années quatre-vingt dix, s'était révéle plus décevant. Fort heureusement, Bloodshot Unleashed est arrivé, pour relever le niveau. Le récit, présenté en quatre numéros, nous rappelle ce qui fait la force du personnage. A la fois dans les bons comme les mauvais moments. Explications.

Le monstre contre les monstres

La promesse de base de Bloodshot Unleashed est assez simple : Ray Garrison n'a pas été le seul homme à passer sur la table d'opération du gouvernement américain pour le développement d'armes biomécaniques. Ces "armes vivantes" étaient autrefois enfermées sous haute surveillance, dans la mesure où la violence des missions qui leur avaient été assignées, les traitements qu'ils avaient subit, avaient fini par les rendre fous. Hélas, une évasion massive de la prison créée pour ces dangereux sujets d'expérience a eu lieu. Ce qui signifie que vingt-sept de ces soldats assoiffés de sang et revanchards sont désormais en liberté, prêts à répandre la mort et le chaos. Bloodshot est dépêché pour les arrêter, ce qu'il accepte de faire bon gré mal gré, à la fois pour empêcher la mort d'innocentes victimes et par la culpabilité, vis-à-vis de son propre statut de monstre.


Dès les premières planches, sur lesquelles l'auteur Deniz Camp nous présente un Bloodshot paumé dans une boucle de suicides (pour évacuer sa douleur intérieure), on sait que le récit ne fera pas de cadeau. Rapidement exposé, le concept de l'intrigue se montre d'une efficacité assez redoutable, en emmenant le héros meurtri affronter un être complètement détraqué à chaque numéros, face à des adversaires aux capacités meurtrières surdéveloppées. 

Ces adversaires, qui ne sont au final que les victimes d'un système qui les a broyés, permettent au scénariste d'aborder des sujets du réels, fort à propos avec le contexte militaire de Bloodshot. L'abandon des vétérans revenus sur le territoire américain, le prosélytisme religieux, le repli sur elles-mêmes des communautés rurales, ou le PTSD (syndrome de stress post-traumatique) sont tour à tour abordés, dans un mélange d'action démesurée et de réflexion sociale, qui prouve que Camp parvient habilement à jongler entre le simple divertissement spectaculaire et une tonalité plus engagée. On appréciera d'autant plus les quelques à-côtés qui permettent d'explorer la psyché du héros, avec quelques renvois bienvenus aux idées de Jeff Lemire.

L'ombre au tableau s'incarne dans la contradiction entre la promesse de départ, et la concrétisation. Parti comme on l'était, Bloodshot Unleashed aurait pu s'étaler sur une vingtaine de numéros (soyons fous, un par ennemi ?) et adopter une forme de "boss rush" à la Orphan & The Five Beasts, alors que la sére est comprise sur un ensemble de... seulement quatre petits singles. Un problème mécanique dans le contexte des éditions Valiant

Si l'édteur n'avait pas les moyens de faire mieux, il aurait sans doute fallu revoir le pitch de départ à la baisse, ou opter pour un autre angle - car si l'exécution est bonne, et que la conclusion est au final bien amenée (jusqu'à trouver une forme de double sens), tout ceci n'en reste pas moins frustrant. Valiant nous a habitués à des séries au long cours, surtout pour ce personnage précis, et la frustration vient aussi du fait que les trois premiers numéros sont assurés par un artiste tout à fait exceptionnel.


Vous connaissez les goûts de la rédac' - bercée par le coup de crayon du géant Geoff Darrow et de ses plus célèbres descendants, le grand Frank Quitely étant certainement son fils spirituel le plus influent et le plus talentueux. Forcément, Jon Davis-Hunt, troisième clone de la portée, comme si lui-même sortait d'un programme de recherche visant à reproduire le maestro originel avec exactitude (des mêmes expériences qui auront accouché de Juan Jose Ryp ou Nick Pitarra). Le style du dessinateur, déjà coupable de merveilleuses planches sur Clean Room et The Wild Storm (hélas tous deux inédits), et qui avait sublimé les débuts du Shadowman de Cullen Bunn, n'a pas perdu de sa superbe. Ici, il propose encore et toujours cet amalgame parfait de Darrow et de Quitely.

Tout est incroyablement détaillé et précis dans le dessin, avec un soin apporté aux scènes d'action qui force l'admiration. Le découpage ciselé permet de faire ressortir l'intensité des choses montrées à l'image, Jon Davis-Hunt profitant de l'une des particularités de Bloodshot - à savoir, sa capacité à se régénérer, même découpé en morceaux - pour en faire des tonnes. On a rarement vu notre héros se faire autant malmener : des hectolitres de sang sont répandus à chaque numéro (aussi conviendra-t-il de dire que l'album s'adresse à un public averti). Sur les trois quarts de l'album, la lecture se révèle est simplement jouissive. 


Ainsi, la frustration repointe le bout de son nez sur l'ultime chapitre, repris par Eric Zawadzki au dessin. Non pas que son trait soit mauvais, mais le dessinateur souffre de la comparaison, tant au niveau du détail que de la mise en scène. Problème : bien souvent à la lecture, c'est le dernier sentiment qui l'emporte sur le ressenti définitif. D'où notre titre pour cette review, et la difficulté de le recommander en tant que tel : Deniz Camp et Jon Davis-Hunt régalent vraiment sur les trois quarts du récit, avant de laisser le lecteur sur sa faim. Reste à prendre une décision : soit on est fan de Bloodshot, et il faut se rassurer avec le fait d'avoir une bonne histoire bien illustrée ; soit le sentiment de frustration est une barrière trop importante, et vous concentrer sur des histoires plus satisfaisantes. Si vous souhaitez découvrir Bloodshot, on vous conseillera évidemment les deux premiers runs au long cours, même si vous l'aurez compris, Bloodshot Unleashed a de bien belles qualités pour lui. 

Tout n'est qu'une question d'offre et de demande pour les comics, un secteur culturel dont certains segments ont été mis à mal au cours des dernières années. Du côté de  Valiant, il est compréhensible qu'une partie du lectorat présent ne souhaite plus s'investir dans un univers qui ne montre que peu de signes de vie de l'autre côté de l'Atlantique ; et encore une fois, on saluera ici Bliss qui continue de proposer les comics récemment publiés, quand d'autres auraient peut-être déjà jeté l'éponge. En tous les cas, pour les fans du héros, Bloodshot Unleashed se range dans la catégorie des récits à lire (et posséder), malgré la frustration inéluctable quant au potentiel du titre s'il avait été une série régulière. Profitez-en pour découvrir le reste du travail de Jon Davis-Hunt, un artiste qu'on ne met décidément pas assez en avant.

- Vous pouvez commander Bloodshot Unleashed à ce lien.


Arno Kikoo
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