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Blue Beetle : c'est bien, les latinos ont aussi leur film de super-héros générique [Critique]

Blue Beetle : c'est bien, les latinos ont aussi leur film de super-héros générique [Critique]

ReviewCinéma
On a aimé• Le casting majoritairement latino
• On suit une recette, donc ça peut se laisser regarder
• Les touches de synthwave dans l'OST
On a moins aimé• Déjà vu dans son scénario, ses thématiques, ses personnages, ses effets spéciaux, ses bastons, et ses musiques
• Une sous-couche mexicaine de surface
Notre note

Disclaimer : cette critique est garantie sans spoilers et toute les images d'illustration proviennent des deux bande-annonces mises en ligne par Warner Bros. Discovery.

Blue Beetle est un film de super-héros que vous avez déjà vu des dizaines de fois. Il adopte des schémas narratifs, emploie des personnages archétypaux, des one-liners et des ficelles qui se retrouvent dans un nombre incalculable de productions grand public. Aussi, que pourrait-on écrire de plus sur le film d'Angel Manuel Soto qui n'a pas déjà été écrit dans les colonnes de ce média, puisqu'on peut lui reprocher ce qu'on a déjà reproché à bon nombre de longs métrages auparavant ? On comprend mieux en sortie de salles pourquoi Warner Bros. France n'a pas jugé bon de tenir de projection presse : ce n'est pas par peur de mauvais retours à l'écrit qui décourageraient les gens d'aller au cinéma ; c'est qu'il n'y a simplement plus rien de neuf à écrire sur ce sujet, alors à quoi bon.

Pourtant, Blue Beetle n'est pas plus mauvais que les énièmes propositions de la part de multiples autres studios, et si c'est votre premier film dans ce registre, il y a de fortes chances que vous "passiez un bon moment", que vous vous retrouviez face à un "bon divertissement" du moment que vous préférez "mettre votre cerveau de côté" dans une salle de cinéma. Il n'y a pas de mal, tout le monde le fait. Problème : dans un chemin déjà plus que balisé, on aurait pu espérer, sinon exiger, que Warner Bros. Discovery profite de l'occasion d'avoir leur premier film de super-héros latino(-américain) pour vraiment explorer des aspects thématiques ou culturels différents. Voire, soyons fou, tenter d'expérimenter une autre approche sur le registre du film d'action/comédie tous publics. 


C'est oublier la paresse légendaire des studios ou leur inconfort face à toute prise de risque - attendu que le facteur "ethnique" constitue à lui seul, pour les actionnaires, un risque assez élevé pour que rien d'autre ne puisse dénoter de tout ce qui a déjà pu être fait auparavant. L'ère des films prémâchés, écrits de façon tellement automatique que là, on se permettra de faire une vanne sur les IA, est encore loin d'être terminée. Il y a quelque chose de plus en plus préoccupant dans ce registre de cinéma, qui justement devrait être aussi pluriel que peuvent l'être les comics. Au lieu de ça, on se cantonne à une seule formule, usée et qui use son public, et aussi les critiques, bref : pour tout le monde. 

La fatigue des super-héros n'a pas de frontières

Si vous avez regardé les bandes-annonces de Blue Beetle, vous pouvez à peu près vous faire le film dans votre tête. Le résultat correspondra a priori à ce qui vous est proposé en salles. Fraichement diplômé de l'université de Gotham City, le jeune et souriant Jaime Reyes (Xolo Maridueña) retourne voir sa famille qui réside dans une banlieue pauvre de la scintillante Palmera City, une ville fictive de l'univers DC Comics que l'on situe sur la côte est du Texas - et certainement non loin de la frontière avec le Mexique. La famille Reyes se compose des archétypes familiaux habituels : parents aimants, frangine rigolote et grande gueule, la grand-mère surprenante et le tonton boute-en-train, presque le meilleur ami de son neveu, et encore plus haut en couleurs que le reste de la famille.


Malgré son diplôme, Jaime a du mal à trouver un boulot. Aussi, lorsqu'il rencontre par hasard Jenny Kord, la fille du célèbre entrepreneur disparu Ted Kord, après qu'elle se soit disputée devant lui avec Victoria Kord (Susan Sarandon), il y voit une belle occasion de faire valoir son diplôme par un autre emploi que celui de balayeur (ou tout ce qu'on propose généralement à Palmera City aux familles latino-américaines). Il se rend à Kord Industries le jour suivant, et tombe sur une Jenny visiblement paniquée, qui lui remet une boîte dans laquelle se trouve un mystérieux bijou en forme de scarabée. Une technologie extra-terrestre que Victoria souhaite utiliser à des fins militaires (et développer un projet du nom de O.M.A.C., wink wink). L'objet va "fusionner" avec Jaime, lui conférant une armure et des pouvoirs. Partant de là, inutile de vous en dire plus, vous avez certainement le reste des deux heures de film déjà écrites dans votre tête.

Blue Beetle, dans sa forme narrative, embrasse tout ce qui a déjà pu être fait dans le registre super-héros. Une structure en trois actes, la découverte des pouvoirs de façon rigolote (avec le héros qui commente tout au long du film ce qu'il est capable de faire, un gimmick de plus en plus insupportable), un évènement dramatique pour motiver le héros à accepter ses nouvelles facultés, les personnages secondaires pour accompagner le tout, le love interest, le super-vilain dont les pouvoirs sont calqués sur ceux du héros mais dans une couleur différente, et les deux ou trois easter eggs adressés aux fans de DC Comics (pour rappeler que tout ceci se passe dans un univers partagé, ou faire croire aux spectateurs que si, si, ce film aura bien droit à une suite et va être intégré dans le DCU de James Gunn, promis). Ah oui, et sans oublier une morale douce sur l'importance de la famille, parce que la famille c'est important. D'où son importance.


Bien entendu, ce n'est pas tant le fait de suivre une recette qui fait défaut au film d'Angel Manuel Soto, mais le fait de suivre cette route sans aucun apport de saveur. Le casting n'est pas mauvais en soi, mais on peine à trouver réellement les personnalités charismatiques dans le lot, d'autant que leurs dialogues ne leur donnent pas vraiment l'occasion de briller. La plupart des répliques peuvent être anticipées, et de loin. La direction d'acteur, par contre, est assez agaçante dans la mesure où ça hurle beaucoup, ça gesticule beaucoup, pour des effets peut-être comiques mais qui ne prennent pas. Tandis que les moments censés être émouvants sont, eux aussi, placés sur des rails tellement visibles qu'il est difficile de se prendre au jeu. 

La photographie et la mise en scène sont également très interchangeables. On atteint heureusement pas les sommets d'horreur d'Ant-Man & The Wasp : Quantumania, The Flash ou Thor : Love & Thunder, mais il n'y a rien de fondamentalement neuf ou excitant. En choisissant de garder une intrigue très terre-à-terre sans profiter du côté "alien" du Scarab, et pire, en se reposant sur l'intrigue éculée de la technocrate avide de pouvoir qui veut construire une force militaire surpuissante, le film ne peut que souffrir de la comparaison de ce qui a déjà été fait - et en mieux. 

A se demander pourquoi Angel Manuel Soto, en interview, ose placer "The Raid" en référence pour ses scènes d'action. Peut-être que Xolo Maridueña, révélé par la série Netflix Cobra Kai, exécute lui-même ses cascades, mais avec une armure en images de synthèse sur la majeure partie des scènes d'action, difficile d'apprécier l'effort pleinement. Du côté du super-vilain, on ne pourra pas reprocher au design final de ne pas être proche de celui imaginé dans les années quatre-vingt en comics, mais le background lui-même de Carapax est changé pour devenir là aussi un archétype vu et revu.


Representation matters. Cette affirmation est valable, et s'admet tout à fait logiquement compte tenu du faible nombre de personnages à porter les couleurs des grandes nations d'Amérique du Sud dans le cinéma comics. L'un des arguments de Blue Beetle est donc de proposer au cinéma en images réelles d'avoir son premier super-héros latino (en se calquant sur la démarche de Black Panther ou Shang-Chi avant lui). Le point positif indéniable sera le choix de ce casting, réellement constituée d'acteurs et d'actrices conformes à cette envie de représenter des populations souvent moins mises en avant à Hollywood. On retrouve des éléments de culture mexicaine (et une touche de Brésil) dans le film, que ce soit par l'utilisation de la bande-son, un espagnol qui est utilisé dans les dialogues pour la moitié du temps et de façon assez soutenue dans les passages qui concernant la famille Reyes, ou encore par quelques références localisées - par exemple, ce n'est pas Friends qui est la série télé' modèle pour cette famille, mais une tele novela intitulée Maria La Del Barrio

Problème : ce ne sont que des éléments de décors et les quelques touches d'originalité liées à cette origine sont là aussi pour simplement faire joli. Afin de ne pas faire totalement semblant de n'avoir fait Blue Beetle que dans l'objectif de capitaliser sur le public d'une certaine communauté. Ainsi, on retrouve deux ou trois évocations sur le racisme américain envers les familles issues de l'immigration du sud, ou une référence au passé révolutionnaire du Mexique. Mais le tout est constamment survolé. Bien sûr, il était difficile de demander à un studio américain de produire un film social, ou politiquement frontal sur cette même gamme de sujets, mais même Black Panther arrivait à avoir un semblant de discours marquant, notamment grâce à son antagoniste, ce qui n'est pas le cas ici. 

Au final, la touche "latino-américaine" n'en oublie pas le côté "américain" dans une impression non pas d'avoir un beau mélange, mais plutôt une ascendance constante de la seconde culture sur la première. Démonstration concrète : l'utilisation dans la bande-son d'une reprise en espagnol de Blame it on the Boogie des Jacksons. Une bande-son qui ne fait pas dans l'originalité avec les morceaux choisis pour accompagner le film (avec l'insupportable Kickstart my Heart de Motley Crue), heureusement contrebalancée par quelques thèmes composés par Bobby Krlic, dont certaines sonorités urbaines et synthwaves rappellent ce que faisait Daniel Pemberton pour le Prowler dans Spider-verse.

Quant à la place de Blue Beetle dans le reste de l'univers DC Comics, quelle qu'en soit sa forme passée ou moderne (le DCEU éteint ou le DCU à venir), le film est si avare en références et prend tellement peu de risques à indiquer quoique ce soit d'utile autrement que par le name dropping qu'il pourrait tout aussi bien se situer nulle part ou partout à la fois. Tout est faisable... du moment que le produit rapporte suffisamment d'argent. Si Jaime Reyes doit réapparaître plus tard, peu importe la seule base établie : rien ne nous permet de dire, ici, qu'il appartient à une continuité plutôt qu'une autre. Avantage : si James Gunn décide de le récupérer pour en faire un "TheBlue Beetle, équivalent en terme de reboot vrai ou faux à son propre "The" Suicide Squad, le public n'aura de toutes façons gardé aucun souvenir du premier volet d'ici à cette potentielle suite. C'est pratique, admettez.


Allez voir Blue Beetle si vous voulez. Vous avez bien le droit de vous détendre, et cet été est de toutes façons assez pauvre en productions costumées à se mettre sous la dent. Le produit a l'avantage d'occuper une case restée vide jusqu'ici, celle des personnages latino-américains, qui avaient après tout bien le droit à leur propre production calibrée et sans prises de risques, comme les autres. Le problème, c'est que le scénario ne cherche pas plus loin, et que la mise en scène n'a rien de particulier à offrir. Même sur ce plan de la différence de cultures, on reste en surface, comme s'il ne s'agissait qu'une variation de nom sur un même produit manufacturé. De quoi se rappeler qu'à la base le film devait être à destination d'une plateforme de streaming, et probablement, servir d'appel à une démographie d'abonnés. Vous trouvez ça cynique ? Prenez la moindre conférence en ligne "Toudoum" de Netflix et cochez les cases des marchés ciblés par les oeuvres mises en production. Il y a des logiques, loin au devant des mécaniques qui régissent la version "artistique" du cinéma, une fois que les chèques ont été signés et que les créateurs peuvent se mettre au travail.

Dans cette perspective, Blue Beetle a visiblement été mal conçu, dans la mesure où l'impératif a seulement été d'aller chercher une certaine catégorie de spectateurs... en faisant ce qui avait été fait avant, encore et encore et encore. Sans chercher d'autre critère de différenciation, sans même se demander si le dialogue des cultures pouvait permettre d'emmener d'autres imaginaires. En somme, un film de super-héros de plus. A ajouter à la pile.  

Arno Kikoo
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